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Calligrammes/La Petite Auto

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Calligrammes
Poèmes de la paix et de la guerre (1913-1916)
Mercure de France (p. 65-68).
LA PETITE AUTO


Le 31 du mois d’Août 1914
Je partis de Deauville un peu avant minuit
Dans la petite auto de Rouveyre


Avec son chauffeur nous étions trois


Nous dîmes adieu à toute une époque
Des géants furieux se dressaient sur l’Europe
Les aigles quittaient leur aire attendant le soleil
Les poissons voraces montaient des abîmes
Les peuples accouraient pour se connaître à fond

Les morts tremblaient de peur dans leurs sombres demeures



Les chiens aboyaient vers là-bas où étaient les frontières

Je m’en allais portant en moi toutes ces armées qui se
battaient
Je les sentais monter en moi et s’étaler les contrées où
elles serpentaient

Avec les forêts les villages heureux de la Belgique
Francorchamps avec l’Eau Rouge et les pouhons
Région par où se font toujours les invasions
Artères ferroviaires où ceux qui s’en allaient mourir
Saluaient encore une fois la vie colorée
Océans profonds où remuaient les monstres
Dans les vieilles carcasses naufragées
Hauteurs inimaginables où l’homme combat
Plus haut que l’aigle ne plane
L’homme y combat contre l’homme
Et descend tout à coup comme une étoile filante


Je sentais en moi des êtres neufs pleins de dextérité
Bâtir et aussi agencer un univers nouveau

Un marchand d’une opulence inouïe et d’une taille prodigieuse

Disposait un étalage extraordinaire
Et des bergers gigantesques menaient
De grands troupeaux muets qui broutaient les paroles
Et contre lesquels aboyaient tous les chiens sur la route

TestPetite auto3
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Et quand après avoir passé l’après-midi
Par Fontainebleau
Nous arrivâmes à Paris
Au moment où l’on affichait la mobilisation
Nous comprîmes mon camarade et moi
Que la petite auto nous avait conduits dans une époque
                            Nouvelle
Et bien qu’étant déjà tous deux des hommes mûrs
Nous venions cependant de naître