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Caroline et Saint Hilaire, ou Les putains du Palais-Royal/00-3

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Avis au peuple fouteur

AVIS

AU PEUPLE FOUTEUR.



Je vous présente l’histoire d’une grande fouteuse écrite par elle-même, c’est-à-dire, une femme célèbre qui fera époque dans nos annales, et que cela ne vous étonne pas ; l’amour de la fouterie à toujours été le sceau qui a distingué les héroïnes. En effet, dans tous les siècles et chez toutes les nations, ces femmes étaient des fouteuses, qu’on consulte les annales des empires, qu’on parcoure l’histoire des républiques, qu’on compulse le livre des sciences et des arts, partout on trouve que ce sont des fouteuses qui ont remué les empires, soutenu les républiques, agrandi le domaine des arts. Messaline foutait avec les gendarmes de l’empereur son mari, et gouvernait l’empire. Esther, livra son cul à Assuérus et fit une révolution. Thebé, femme d’Alexandre, tyran d’Éphores, foutit avec ses trois frères pour obtenir d’eux la mort du tyran… La fameuse pucelle foutit avec Dunois et reconquit la France. Élisabeth foutit avec ses gens. Catherine, avec ses généraux. Thérèse, avec ses capitaines ; sa fille avec des abbés et des commis, et toutes ces fouteuses comme on sait ébranlèrent le monde ; dans les états libres quel bien ne firent pas les fouteuses ? Elles étaient les meilleures citoyennes.

Laufella, dame romaine, qui comptait la chasteté pour une vertu de dupe et se conduisait en conséquence, était une excellente patriote. Léonide, citoyenne de Lacédémone, jurait par Castor et Pollux qu’elle aimait à foutre, parce que cela faisait des enfans pour la patrie. Dématrion, de même, célèbre lacédémonienne, disait en apprenant la mort de son fils à l’armée ; mon fils est mort soit ; mais le vit de notre voisin ne l’est pas. Lœna, athénienne, qui foutait avec les portefaix du port, se coupa la langue avec ses dents pour ne point trahir les patriotes, Harmodius et Aristogiton. Aspasie qui foutait avec toute la jeunesse de Milet, de Micène et d’Athènes, gouvernait le grand Périclès de la Grèce.

Épicaris, romaine, s’étrangla avec sa ceinture pour ne point trahir les conjurés contre Néron, et elle avait foutu avec Néron et les conjurés. Les femmes Gauloises qui formaient un sénat qui délibérait de la paix et de la guerre pour le maintien de la liberté, étaient des fouteuses publiques ; mais elles n’aimaient pas les prêtres, et c’est pour ne pas avoir voulu foutre avec les Druides, que ceux-ci firent détruire leur tribunal.

Parmi les célèbres, on peut citer la fameuse Daphné, prêtresse grecque, dont Homère a emprunté les plus grandes beautés de son Iliade et de son Odyssée. Daphné foutait sur les places publiques avec ceux qui trouvaient ses vers jolis. Astianassa, chambrière de la fouteuse Hélène, fit le livre Devarüs concubitus modis, d’après son expérience et celle de sa maîtresse. Éléphantine et Phinécis allèrent plus loin, et augmentèrent le livre ; ce qui suppose qu’elles foutirent plus encore que leurs modèles. Phryné et Laïs, vérifièrent les arts et foutaient avec les philosophes et les écoliers. Spilembergue, vénitienne, dont les tableaux étaient confondus avec ceux du Titien, son contemporain, foutait avec ses modèles et les broyeurs de couleurs. Je ne finirais pas si je voulais dérouler le tableau de toutes les fouteuses dont l’histoire nous a transmis les noms avec éclat. Pour une Marie Coronel, qui pour ne point succomber à une violente tentation d’être infidelle à son mari se fit mourir en s’enfonçant un tison ardent dans le con, combien on trouve de femmes qui s’y passent autre chose sans en avoir la tentation, et qui sont fort applaudies par leur siècle et par la postérité. L’héroïne célèbre dont vous allez lire les hauts faits, mérite, sans doute d’occuper une place parmi les femmes que je viens de citer, parce que toutes les femmes sont ses modèles, et il est bien à présumer qu’après avoir fait de si grands progrès et tant de choses si différentes pour augmenter ses propres connaissances, elle consacrera enfin à l’instruction publique et au bonheur commun le reste d’une vie, pendant laquelle elle peut acquérir une gloire plus universelle et voler à l’immortalité.