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Caroline et Saint Hilaire, ou Les putains du Palais-Royal/01

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Première partie

CAROLINE

OU

MES FOUTERIES.




LIEU DE LA SCÈNE :


Galerie du Palais-Royal, du côté de la rue des Bons-Enfans. Les premiers jours du printemps. Il est six heures du soir.


Veux-tu monter, mon ami ? Pardieu, tu parais jolie ! mais es-tu bien complaisante ? — Écoute ; j’ai les tétons fermes, le cul blanc, le con divin : eh bien ! ma complaisance surpasse encore la fermeté de mes tétons, la blancheur de mon cul et la beauté de mon con. — C’est ce que nous allons voir : je te suis. — Viens par ici, prends garde à la rampe… Ce n’est pas haut ; c’est au deuxième : nous y voici… donnes-moi la main… Entre… Minette, de la lumière et des sièges… C’est bien ; je te sonnerai quand j’aurai besoin de toi. — Elle est ma foi charmante. — Allons, viens t’asseoir sur le canapé… Oh !… petit libertin… ah !… tu es trop pressé… allons, mon ami, fais-moi ton petit cadeau. — Ma belle, à ton tour, tu es bien pressée ! Auparavant, consultons ma bourse… ; allons, voilà un louis, si tu me plais… Mais ma foi, plus je te considère, plus je te trouve de ressemblance avec la plus adorable personne… que j’ai eue un jour bien singulièrement. — Et que m’importe ta ressemblance ? — Mais, en vérité, c’est elle ! c’est toi ! n’as tu pas une petite tache près du bijou ?… Mais oui, eh bien !… — Ah ! grand dieu, voyons… laisse… laisse donc voir… Eh ! oui, foutre, plus de doute… Quoi ! c’est toi… Caroline ! c’est toi que je vis à Arcis, près de Nancy ! c’est toi que j’enlevai du sein des eaux, que je transplantai toute nue sur une mousse épaisse et fleurie, et à qui je ravis, moitié de gré, moitié de force, le plus beau présent des dieux, ton charmant pucelage. — Quoi ! tu es St.-Far ? oh ! petit monstre ! pardonne-moi de ne t’avoir pas reconnu. Quoique je ne t’aie jamais vu que deux fois ; la première où je te rencontrai si singulièrement ; la seconde où te me le fis si bien ; je n’aurais pas dû t’oublier, car une femme reconnait toujours l’amant à qui elle s’est donnée, fût-ce au milieu des ténèbres. — Mais, trop aimable coquine, quelles sont les aventures qui t’ont entraînées dans l’abîme où je te vois ? Comment se peut-il que je te trouve au Palais-Royal ? toi que j’ai cru digne d’habiter un palais ; mais un autre que celui-ci ? — Ma foi, mon ami, je te dirai cela cette nuit, car j’espère que tu me la donnes toute entière ; quant à présent, contente-toi de recevoir mes excuses du ton infâme que j’ai pris en t’abordant ; mais, mon bon ami, les hommes sont si dépravés, si blâsés, si usés, qu’il n’y a plus que les cochonneries, tant en paroles qu’en effets, qui les attachent ou les attirent. Malheureuses, mille fois malheureuses les filles perdues qui sont contraintes, pour exister, de se livrer à de tels excès de corruption ! Mais qu’il te suffise de savoir pour le moment que je suis encore digne d’être conquise par toi ; que depuis plus d’un grand mois je suis vierge ; que depuis près de quinze jours seulement que je suis au Palais-Royal, aucun homme n’a souillé mes nuits, et que l’état affreux de fille publique, dont quinze jours ont suffi pour m’apprendre l’affreuse turpitude et l’horreur, m’est plus odieux que la plus affreuse misère. Je me crois donc au comble du bonheur de t’avoir rencontré, parce que je te crois galant homme, et que j’espère en toi. Mais c’est assez de moralité pour le moment ; je m’abandonne à mon cher St.-Far : livre toi sans crainte à mes embrassemens, à tout ce qui t’inspirera le désir, ou un reste de ton ancien amour. — Eh bien ! oui, Caroline, ne vois en moi qu’un amant ; je te crois sincère, livrons-nous à la joie et au plaisir, et que le diable emporte la crainte et les remords !… Allons, abandonne-toi sans réserve, et laisse-moi dévorer tes charmes, m’énivrer du plaisir de le faire cent fois, si je le puis. — Ah ! que dieu Priape exauce tes vœux ! Loin de moi ce fichu importun ! Quelle peau charmante ! Un cou d’ivoire !… Je brise ce lacet qui retient captifs deux boutons de rose… quelle couleur vive et fraîche ! poil folet agité par le souffle de l’amour ! quelle élasticité ! quel beau sein soulevé avec précipitation par le désir enflammé ! Oh ! St.-Far, comme tes mains me brûlent ; elles se promènent comme une flamme dévorante sur tout mon corps ; elles m’embrâsent. Ote-moi ce vêtement incommode… Ah ! fripon ! tes mains s’égarent avec fureur ; tu soulèves mes jupons trop dociles…


Ah ! fripon, tes mains s’égarent, tu soulèves mes jupons

Plus lentement, prolonges nos plaisirs. Je veux tout voir, tout sentir, tout dévorer. Loin de moi ce petit soulier qui tient caché ce joli pied ; loin de moi ce bas trop heureux, qui serre et enveloppe une jambe divine !… Quelle peau douce et agréable, veloutée ! Quelles cuisses fermes et brûlantes, colonnes mobiles et actives du temple de la volupté. Quelle ivresse ! oh ! plus de jupons, plus de voiles, insolens gardiens du sanctuaire des plus grands délices ! — Comme tu m’arranges, Saint-Far… laisse… finis… oh ! laisse au moins ma chemise. — Non, de par Priape ! tu seras nue, nue comme la fille de Jupiter dans les bras de Mars. — Eh bien ! petit roué, mets-toi aussi dans la posture de Mars et que rien n’y manque. Vois, tout habillement est disparu. — En effet, c’est bien, voilà jusqu’aux traits du dieu ! mais, non, celui de Mars, je le parie, ne remplit pas mieux la main de la déesse, que le tien ne remplit la mienne… Le voilà bien fier et menaçant, ce trait vainqueur, qui me fit au bord de l’onde une si profonde blessure… blessure charmante… mal divin… — Allons donc, lève cette chemise ; le combat commence… je serai digne d’un tel rival… — Dieu, comme tu pousses… C’est une fureur… Ah ! St.-Far, ménage ta Caroline !… quelle ivresse !… quelle douleur !… quelle volupté !… — Serre-moi, Caroline, presse, agite-toi… Ah ! quel plaisir !… je te dévore… ta langue dans ma bouche… darde avec vitesse… j’expire de volupté !… — Je meurs dans des torrens de délices… tu m’inonde d’un foutre brûlant qui m’enflamme… — Ah ! tu réponds à mes coups… je sens ton foutre qui vient de se mêler avec le mien, serre-moi dans cette ivresse !… — Avance !… — J’enfonce !… — Tu vas m’atteindre le cœur ! — Je voudrais que tout mon être pût se placer dans ton con. Ah ! que ne suis-je tout foutre ! — Et moi, que ne suis-je tout vit ! — Ah ! pour que je respire enfin, retire-toi, St.-Far. — Non, je veux y mourir. — Songes que nous avons la nuit à nous, car tu me la donne, n’est-ce pas ? — Comment ; c’est moi qui t’en conjure. — C’est entendu : sonne Minette…

Minette, de l’eau tiède et du linge. — Oui madame ; je reviens à l’instant. — Vois, St.-Far, comme tu m’as… tu m’as… sais-tu bien que tu vaux encore un pucelage. — Ah ! ah ! ah ! — Eh ! de quoi ris-tu ? — C’est que je me rappelle que tu me disais, il y a un instant, avoir eu mon pucelage, lors de notre première aventure, et qu’il n’en était rien. — Il est bien singulier que les hommes croyent savoir quelque chose là-dessus ; mais le plus fin y est toujours pris ; tu l’as été, mon ami. Comme tu le sauras quand je te raconterai mon histoire… Mais, Minette est bien long-temps… Ah ! la voilà… Tiens, St.-Far, passe dans ce cabinet, éclaire Minette… Que je suis heureuse de ma rencontre du jour !… Eh bien ! Minette, que dis-tu de mon amant ?… Il est adorable, n’est-ce pas ? Allons, donnes-moi mon négligé avec lequel tu dis que je suis à croquer… bien… St.-Far, soupe et couche ici ; mais en attendant le souper, tu vas nous donner une légère collation. — Oui, madame, je sors et reviens à l’instant. — Ah ! St.-Far, rentre. — Comment, déjà r’habillée ; quelle galanterie ! quels charmes tu me présentes… Oh ! vrai, sans ta sévère défense, je serais encore bien téméraire ; je me vengerais… Quoi, Minette apporte du malaga, des biscuits, du sucre ; c’est divin !… Oh ! c’en est fait, Minette ; je m’installe dans ce nouveau paradis terrestre. — Ah ! ça, St.-Far, je t’ai promis le récit de mes aventures ; mais avant, je veux savoir ce que tu viens faire à Paris, et par quel événement nous avons pu nous rencontrer, toi que j’ai cru dans l’autre monde. Caroline, mon histoire ne sera pas longue, parce que je ne dirai que ce qui peut avoir quelque rapport entre nous.

J’avais eu, dès les premiers temps de la révolution, le sot orgueil de l’émigration. J’étais à Coblentz, lorsque le délai pour rentrer en France, sous peine d’être traité comme criminel d’État, me parvint, je quitte mes sots compagnons ; je prends la poste, et, voulant me rendre à Paris, je passe par Strasbourg, Metz, et ma voiture se brise à quelques lieues de Jouy. Mon accident attire près de moi beaucoup de monde, et parmi la foule se trouve un jeune officier de mes anciens amis, qui était venu de la ville voisine passer quelques jours à la campagne. Il me pria d’accepter un lit chez lui, jusqu’à ce que ma voiture fut raccommodée. J’acceptai : il me conduisit souper au château. Nous passâmes la soirée la plus délicieuse, et la nuit était déjà fort avancée lorsque nous sortîmes. Il faisait un clair de lune superbe ; nous étions entre deux vins ; mon ami me dit : si tu veux, Saint-Far, nous achèverons la nuit comme nous l’avons commencée. Je connais deux femmes charmantes au village voisin, il n’y a pas une demi-heure de chemin en traversant la rivière ; le bac est derrière ma maison, et le conducteur complaisant ne se refusera point de se lever pour nous passer. Le projet me paraît divin. Le batelier nous passe, et bientôt nous sommes dans la prairie qui touche au village, lorsque des cris étouffés, des plaintes réitérées se font entendre.

Nous volons au bruit en criant : nous arrivons. Nous apercevons, à la clarté de la lune, deux personnes qui fuyaient, et nous voyons étendue, presque sans connaissance, une fille charmante ; c’était toi. Quelle impression divine tu fis alors sur mes sens… tes charmes à moitié voilés, et que la blanche clarté de la lune embellissait encore, ton désordre, ta langueur, tout intéressait mon cœur pour toi. Nous te conjurâmes de nous dire si tu voulais être vengée, et quels étaient tes ennemis. — Ah ! je lui pardonne, nous dis-tu avec douceur ; c’est un amant malheureux qui se dit indigné du mépris dont j’ai payé son amour, et qui, presque dans les bras de ma mère, au milieu de la nuit, vient de m’enlever, et voulait me contraindre à le suivre. Sa chaise de poste était à l’entrée du village : il allait, aidé de son domestique, me forcer à y monter, lorsque je m’élançai dans cette plaine, résolue de me jeter à l’eau plutôt que de céder à ce cruel adorateur ; un faux pas m’avait renversée, ils me saisissaient enfin lorsque vous êtes accourus, et que vous êtes venus me sauver l’honneur et la vie. Emus par ce récit, nous te demandâmes la permission de te reconduire à ta maison, tu nous en prias même, et arrivée chez toi ; sans rien nous dire, sinon que tu te nommais Caroline, sans nous accorder la permission de te venir saluer le lendemain, tu nous donnas à chacun un baiser et tu disparus… Ce baiser… Mais pourquoi ces rires étouffés pendant mon récit ? — Ah ! ah ! je te dirai tout cela dans mon histoire, et tu riras comme moi. Allons, continue : — Ce baiser donc… Eh bien ! ce baiser me rendit le plus amoureux de tous les hommes, et je dis à mon ami que je t’aurais, dût-il m’en coûter la vie, où je brûlerais la cervelle à mon rival. La partie projetée n’ayant pas eu lieu d’après cette aventure, nous retournâmes à Jouy. Le lendemain, je revins au bourg qui possédait tout ce que j’adorais ; mais ce bourg était si grand, et je ne pus m’assurer de la maison qui renfermait l’objet de mon amour, mes perquisitions furent inutiles. Le soir, me promenant tristement sur le bord de la rivière, je m’enfonce dans les saules, où un bras de cette rivière se roulait lentement en faisant différentes sinuosités ; au centre, l’eau formait un bassin, dont les bords ombragés et couverts d’un épais herbage, semblaient servir de retraite aux Naïades. Je n’eus pas fait quelques pas dans ce séjour enchanté, que je vis deux femmes simplement couvertes de leurs chemises, qui, dans un léger batelet, se promenaient sur la rivière, dont les eaux les plus tranquilles n’étaient agitées que par le doux souffle des Zéphirs. Quelle fut ma surprise et ma joie quand je vis que l’une de ces femmes était mon adorable inconnue ! Je voulus me jeter au sein des eaux ! j’hésite… je crains… ; mais bientôt ma passion, ma fureur, l’emportent, je quitte mes vêtemens, je me précipite nu : et, plongeant jusqu’à toi, je renverse la nacelle, et vous jette toutes deux au milieu de la rivière. Ensuite, sans m’embarrasser de ce que deviendrait ton importune compagne, je te saisis et t’emporte sur le rivage, sous des saules qui se courbent en façon d’arc. La frayeur t’avait fait perdre l’usage de tes sens ; je t’enlève ta chemise et te couvris de mes baisers brûlans ; je dévorais de mes mains, de mes yeux tous tes charmes. C’est alors que je vis cette tache rose qui vient de te faire reconnaître ; et ma passion l’emportant enfin sur toute considération, je te violai du mieux possible. Tu jetas un cri à mon premier triomphe, et j’eus beaucoup de peine à l’obtenir ; ce qui me fit penser que je conquérais un pucelage. Tu ne semblais pas revenir de ton évanouissement, lorsqu’au second assaut tu ouvris languissamment les yeux, et tu me dis en soupirant,… monstre… qui es-tu ?… quelle est… ton… audace ? Ne vois, te dis-je alors, qu’un amant qui t’adore ! C’est moi, c’est St.-Far, qui t’a sauvé de la violence d’un ravisseur que tu détestes. Il me sembla voir un instant le sourire errer sur tes lèvres, tu ne m’as donc sauvé l’honneur, repris-tu doucement, que pour mieux assouvir ta fureur ! tu profites de ma faiblesse… je ne puis plus parler… j’expire… Pendant ce dialogue, je fournissais une seconde carrière ; tu parus enfin partager mes plaisirs. Alors, je te proposai de partir, t’offrant ma fortune, qui était immense à Marseille. Pendant ce temps, je te poussais toujours ; et, pour la sixième fois, l’amour rallumait mon flambeau, lorsqu’à travers les feuillages qui nous couvraient de leurs toits protecteurs, je vis paraître la tête d’un jeune homme.


Je vis paraître la tête d’un jeune homme.

Cette tête fut pour moi la tête de Méduse ; j’eusse voulu le changer non en cerf, mais en crapaud, pour écraser à l’instant ce maudit Actéon, qui souriait malignement en dévorant tes charmes nus. Je te couvre tout-à-coup de mon manteau, et je crie en même temps au curieux indiscret : impudent, à quinze pas d’ici, où tu es mort.

Au lieu de s’éloigner, il s’élance vers moi, et me dit en me serrant fortement la main : « Ainsi, il est inutile de t’habiller, je vais me mettre nu comme toi, j’ai une excellente paire de pistolets et celui qui tuera l’autre, possédera la belle sur laquelle au surplus, j’ai des droits aussi sacrés que les tiens. » Je ne savais trop que répondre à cette singulière apostrophe. Pendant que j’hésitais, il jetait ses vêtemens et bientôt nu, il me présenta d’une main une paire de pistolets, en tenant de l’autre un priape ferme et vigoureux qui semblait me menacer de sa tête altière. Accepte, me dit-il, ou je tire, furieux enfin d’une audace si outrageante je prends un pistolet ; le sort veut qu’il tire le premier : il me manque, je riposte et quoiqu’animé par la rage, j’ajuste bien et le priape insolent d’un ennemi encore plus insolent, reçoit la balle meurtrière. Je le vois soudain baisser, tomber et entraîner dans sa chute le malheureux devenu eunuque, qui ne prononce en mourant que le mot f....., cet incident réveille tout à coup en moi, l’idée du danger où je me trouve, et je crus qu’il était prudent de fuir. Comment, me disais-je, noyer une fille, violer une vierge, tuer un homme ! Il n’y a pas à balancer, fuyons, je veux cependant te dire adieu, et voir ta résolution dans ce moment extrême. Je retrouve bien le lieu de nos plaisirs, mon manteau, mais Caroline est disparue. Cette disparution subite vient augmenter mon trouble ; je crois voir la justice à mes trousses ; sans prendre le temps de m’habiller, je me saisis de mon manteau, je passe la rivière à la nage, et je me rends chez mon ami à qui en trois mots, je conte mon aventure, nous montâmes sur le champ à cheval à poil. Moi toujours sans autre habillement que mon manteau, me voilà les cuisses nues sur le dos du cheval, gagnant ventre à terre la ville voisine. Là, je me déguise et prenant la poste, je me rends enfin sans accident chez mon père. J’ai mille fois pensé depuis à cette aventure extraordinaire ; je n’ai encore pu parvenir à en savoir les suites, n’ayant reçu depuis ce temps aucunes nouvelles de mon ami.

Je suis enfin enchanté d’en retrouver l’aimable héroïne. Il est inutile de te dire ce que j’ai fait depuis cette époque, j’ajouterai seulement que depuis huit jours je suis à Paris pour recueillir des fonds de quelques lettres de changes tirées sur un fournisseur, ancien banqueroutier de Marseille ; maintenant riche créancier de la république dont il a déjà les meubles, les maisons et les bois. — Ma foi, mon cher Saint-Far, ton histoire m’a beaucoup amusée ; mais je crois que tu la trouveras beaucoup plus plaisante, quand je t’aurai dit certaines épisodes, qui au surplus ne la changent pas dans le fait ; mais la défigurent un peu dans sa cause et sa suite ; mais remettons mon récit jusqu’après souper.

Minette, tu vas nous servir. — Comment Caroline, c’est un luxe !… Quel est donc le cuisinier qui ?… — Ma foi, c’est Robert. — Sir Robert est un charmant homme : voilà des pigeonnaux exquis. — Goûte de ce plat de crêtes. — C’est parfait ; je n’en dis pas autant de son vin. — En général mon ami, on est assez mal servi en vin chez les restaurateurs du Palais-Royal ; ils ont bien autant qu’ils ont pu acheté les caves des émigrés ; mais les comités révolutionnaires les avaient visitées avant eux. Et tu sais comme ils les visitaient. — Ah ! oui, en les visitant ils emportaient la pièce, ma foi il faut l’avouer, il y avait si long-temps que les pauvres diables ne faisaient que rincer les bouteilles, qu’il était bien juste enfin, qu’ils vissent ce qu’on mettait dedans. — Allons toi, vois ce qu’il y a dans ce pâté. — Des rognons, des écrevisses, des truffes. Est-ce là de l’invention de Robert ?… Non, c’est Minette qui a inventé ce galimathias ; aussi ai-je donné à cette belle invention le nom de pâté Minette. — Allons buvons donc à la santé de l’auteur… Sais-tu bien qu’après un tel restaurant, tu dois trembler pour cette nuit, si par ton histoire tu n’as pas l’art d’arrêter ma flamme à laquelle tu fournis de si bons alimens. — Écoute, faisons des arrangemens, tu ne me le feras qu’au récit de la première faveur accordée à chaque nouvelle conquête que j’ai faite, et jamais pendant les épisodes. — Caroline, je puis t’assurer d’en avoir la volonté ; mais… diable par ce que tu me dis, tu me fais soupçonner que je pourrai bien être vaincu dans ces arrangemens. — Mais il me semble mon ami, que je suis de moitié dans le combat. Tu te laisseras donc vaincre par ton amante ! En vérité je te crois plus de courage, surtout après avoir dévoré deux pigeonneaux, un plat de crêtes, un pâté de rognons, et sablé deux bouteilles de bordeaux. — Ah ! petite coquine, tu persifles, je crois, j’accepte et le vaincu s’abandonnera à la discrétion du vainqueur. — Allons Minette, enlève les attributs de Bacchus et embellis l’autel de Vénus. — Mais qui sonne ! va voir Minette. — Madame, c’est un billet. — A moi ? — Voyez. — Voyons donc :


A la belle Caroline.

« Fille charmante, je vous ai vue hier dans une loge du théâtre de la Montansier ; j’étais en face de vous, près de la St.-Hilaire. Je lui ai demandé votre adresse, que la jalousie lui avait d’abord fait refuser, disant que vous étiez une nouvelle débarquée et qu’elle ne vous connaissait pas ; mais je sais que cette fille à la liste exacte des nouveautés du Palais-Royal, et deux écus lui ont fait entendre raison. Le bien qu’elle m’a dit de vous, en croyant m’en dire du mal, m’a fait désirer d’être votre amant, si un louis par jour pour vous voir un quart-d’heure, peut vous plaire, je me trouverai demain à votre lever, où nous cimenterons cet accord.


» Tout à vous. »

Sans signature, qui peut s’aviser de m’écrire ainsi ! Minette qui a apporté cette lettre ? — Un grand nigaud. — Fais-le entrer. Quel est ton maître ? Un jeune homme riche, libéral. — Et son nom. — Il m’a défendu de vous le nommer, disant qu’il veut vous le dire lui-même. — Il veut donc une réponse. — Il m’a ordonné d’insister pour en avoir une. — Eh bien ! je vais te la donner pour madame. Allons maraud, les culottes bas, les culottes bas, te dis-je, ou je te brûle la cervelle. — Oh ! mon Dieu, mon Dieu, que m’allez-vous faire, monsieur ? — Minette, le ballet, ne bronche pas malheureux, ou tu es mort. — Ohi ! ohi ! ohi ! — Allons, Minette frappe à tour de bras, sur le cul de ce gros coquin. — Ohi ! ohi ! ohi ! — Ferme, Minette, très-bien. — Ahi ! ahi ! ahi ! — Ah ! ah ! ah ! ah ! — Mon ami, j’étouffe de rire, c’est assez, laisse ce pauvre diable. On t’apprendra maraud à te charger d’une commission auprès d’une femme honnête ! Ah ! ah ! ah ! Va-t’en dire à ton maître que tu as fait l’expérience, que s’il veut se présenter pour en recevoir autant, on ne lui volera pas son argent ; dis-lui au surplus que la St.-Hilaire lui fournira des f...... qui ne lui demanderont pas un louis pour les verges… Minette, mets ce maraud à la porte. — C’est bien Caroline, oublions ce petit passe-temps, et songeons à nos plaisirs. — Minette, allons, vingt bougies dans le salon ; sur le parquet, mon charmant tapis, mon matelas fin, une paire de draps de mousseline, mon couvre-pied d’édredon, et six coussins. — Ah ! quelle attention, Caroline. — Tu n’oublieras pas deux douzaines de biscuits, deux douzaines de macarons, et la bouteille de rota. — Tu es une divinité ! — Eh bien ! fais en sorte d’être un dieu. — O mon amie ! quelle nuit charmante tu me présages ! Je le vois, je dois mourir de plaisir !… Madame, le salon est préparé. — Vas Minette, laisse libre le sacrificateur et la victime… Entrons, Si.-Far. — Mais que vois-je écrit en lettres de feu. « Ce temple n’est ouvert qu’aux enfans de la nature, loin d’elle toute parure et tout voile imposteur. » — J’obéis, allons, laissons nos habits à l’entrée du temple. — C’est fait. — Entrons. Des parfums, quelle douce odeur ! quels charmes ! quelle volupté ! tu m’enivres… Viens sur l’autel sacrifier au dieu. — Un instant St.-Far. Tu sais nos conventions, songe seulement à les remplir ; mais pour favoriser ton impatience je vais hâter mon récit. Asseyons-nous sur le duvet, j’espère que tu me tiendras compte de ma franchise ; elle sera parfaite. Je t’écoute. — Je commence : Un simple village, Saint-Genty, à quelques lieues de Lyon m’a vu naître. Orpheline en bas âge, je m’occupais sous la surveillance d’un de mes oncles des travaux du jardinage, lorsqu’une dame nommée Durancy que j’avais vue quelquefois dans notre village, parut jalouse de m’emmener avec elle. Mon oncle fort aise d’avoir trouvé l’occasion de se débarrasser de moi, qui était disait-il trop paresseuse pour son état, y consentit et je la suivis avec joie.

Il était nuit quand nous arrivâmes à Lyon ; nous descendîmes chez madame Durancy… On me fait monter dans une chambre superbement ornée, en me disant que c’était là mon appartement : on me sert à souper un instant après ; j’étais seule et je m’en acquittai fort bien. Après mon repas, j’examinai attentivement mon nouveau logis, j’en fus enchantée… Pendant près de six mois, aucun événement, qu’une vie très-simple et très-monotone. Je ne sortis pas une seule fois pendant ce temps ; à la vérité, j’avais mes journées remplies, et il me restait peu de momens pour la promenade, au surplus, je pouvais passer mon ennui dans un jardin superbe (qui m’était permis deux heures par jour) ; mais comme c’était l’hiver, je n’en profitai guère. Pendant ces premiers mois, j’étais occupée avec mes maîtresses de lecture, d’écriture, de danse, de forté-piano, et ce qu’elles me laissaient de libre, je le passais à lire dans des comédies, des romans. Je mangeais ordinairement seule, quelquefois cependant je dînais avec madame Durancy, qui me traitait assez froidement, et j’avais peine à concilier tout ce qu’elle faisait pour moi, avec son air de réserve et l’inutilité dont je lui étais, car j’avais d’abord présumé qu’elle m’avait prise pour sa femme de chambre ; mais l’éducation qu’elle me donnait n’entrait pas dans l’éducation ordinaire de ces sortes de gens. La seule chose dont j’étais privée, à laquelle je ne songeais pas d’abord, mais dont le temps, l’âge et un instinct de la nature, qui ne perd pas ses droits, me donnèrent un vif désir, c’était la vue des hommes. Je savais cependant qu’il en venait dans cette maison, mais je n’avais pu trouver l’occasion de les voir. Quelquefois, près de la cloison qui donnait à côté de mon lit, j’entendais parler, sans pouvoir distinguer ce qui se disait ; mais le son d’une voix m’assurait que c’était une voix d’homme, et me faisait palpiter le cœur sans en savoir la cause ; mais voilà tout ce que je pus découvrir avant les six mois expirés. A cette époque, mon visage, mes bras, mes mains avaient acquis de la blancheur, mes yeux de l’expression ; ma taille était formée ; je dansais bien, je touchais assez juste ; je chantais à ravir. Tels étaient les complimens de mes maîtresses, lorsque j’atteignis, avec le printemps, ma seizième année et les preuves tardives de ma maturité.

Je fus indisposée pendant quelques jours ; on fut alors près de moi aux petits soins, et ma santé reprit son éclat. Il me semblait qu’il s’était fait un changement dans tout mon être ; je devins triste, rêveuse, sans savoir pourquoi. Madame Durancy, dînant avec moi, m’en demanda la cause qu’elle savait bien ; mais, moi, ne pouvant la lui expliquer parce que je l’ignorais. Elle me renvoya dans ma chambre en me traitant de maussade. Je murmure : bientôt elle est sur mes pas, armée d’une verge légère ; elle me regarde avec une colère feinte, que je crois réelle. Elle me jette sur mon lit, me lève les jupons, me fait une longue remontrance, à laquelle le trouble où je suis m’empêche de rien comprendre ; elle m’appliqua maladroitement sur les fesses quelques coups, que je veux éviter en me retournant et en lui présentant le ventre, que je couvre de mes deux mains. Elle semble y jeter un regard curieux en feignant de vouloir me retourner pour me frapper encore, lorsqu’un jeune homme entre tout-à-coup et voit ma situation et ma honte.


Lorsqu’un jeune homme entre tout-à-coup.

Furieuse de l’affront que j’éprouve à la vue du premier homme qui se présente à moi depuis six mois, je fis, pour me débarrasser des mains de madame Durancy, un effort si violent, que je faillis perdre les sens. Mais ce jeune homme se jette aux pieds de madame Durancy, qu’il appelle sa mère ; il la conjure de me pardonner, quelque soit ma faute. Il mit dans sa prière tant de grâces, de candeur, que j’en fus touchée aux larmes. Madame Durancy, après une résistance simulée, voulut bien me laisser libre et sortit en appelant son fils, qui me serre la main, me jette un regard passionné et me donne un baiser.

Cette scène singulière m’aurais jetée dans le désespoir, si l’idée qu’elle m’avait procuré le bonheur de voir un jeune homme ; si l’amabilité qu’il avait déployée en intercédant pour moi, si le baiser qu’il m’avait donné, n’eussent effacé de mon esprit tout ce que la colère de madame Durancy avait eu d’humiliant pour moi, pour n’y laisser que la pensée de mon aimable protecteur. Toute la nuit, je ne rêvai qu’à lui ; j’avais la tête échauffée par des lectures amoureuses, un tempérament de feu. Je n’avais encore vu aucun jeune homme que ce fils de madame Durancy, juge si je devais alors l’aimer… Je l’adorais donc… Le lendemain matin, on m’apporta de très-beau linge ; je venais à peine de m’en vêtir, que madame Durancy entre. Caroline, me dit-elle (c’est le nom qu’elle m’avait donné en entrant chez elle), je viens t’indemniser du châtiment injuste que je t’ai fait éprouver hier ; mon fils m’a fait voir que ma mauvaise humeur m’a emportée trop loin, et je veux te faire tout oublier. Madame Durancy était suivie d’une autre dame, d’une taille élevée, et dont la figure m’était cachée par un voile de taffetas : elle me dit que c’était une couturière qui venait pour me prendre mesure de nouveaux ajustemens que l’on me destinait. Bientôt elle me mit nue, à l’exception de la chemise ; mais avant de procéder à la mesure, elle fit entendre à madame Durancy qu’il était nécessaire de m’initier avant tout au premier mystère de la toilette des dames, que mon âge me rendait cette précaution nécessaire. Ce fut la couturière elle-même qui fut chargée de m’en donner la première leçon. Madame Durancy avait alors un meuble dont l’usage m’avait été jusqu’alors inconnu ; elle en ôte le couvercle, un bassin de porcelaine, oblong et rapproché un peu par le milieu remplissait la concavité : on y verse de l’eau tiède. Je m’assieds dessus, une jambe de ça, une jambe de là ; je n’osais relever ma chemise, il le fallut cependant, crainte qu’elle ne s’imbibât d’eau. Cette pudeur, si naturelle aux jeunes filles qui l’ont encore et qui est la vraie coquetterie de la nature, me donnait une gaucherie et un air de naïveté capable d’enflammer le plus froid des mortels ; car, si je la retroussais d’un côté, elle retombait de l’autre, de manière que l’on entrevoyait subitement mes appas, qui se trouvaient presque aussitôt voilés ; alors la couturière me fit lever et fixa fort haut cette chemise avec des épingles, et par là, tout le bas de mon corps, depuis la ceinture, fut à découvert. Je m’assieds, et cette prétendue dame officieuse se mit aussitôt à arroser les environs de ce petit réduit que l’amour offre à ses favoris, et que nous nommons con, insensiblement elle glissa son doigt sur un endroit où je sentis soudain une émotion si délicieuse, causée par un léger frottement, que je me pâmai en me laissant aller dans ses bras. Ici, elle s’arrête, me fait lever après avoir ôté ses épingles, et se dispose à m’habiller : elle commence par m’essayer un corset ; elle s’amuse long-temps à ajuster le tour de ma gorge, ma chemise était ou trop haute ou trop basse, alors on me la relevait par en bas, mais si haut que la moitié de mes charmes était à découvert. Ses deux mains folâtraient librement sur toutes les parties de mon corps, ou quelque dérangement paraissait exiger ses soins. Ces dames me laissèrent enfin, après m’avoir dit de m’habiller. Quand elles me quittèrent, tous ces mouvemens, ces situations m’avait mise en feu. J’éprouvai un trouble inconnu ; je dirigeai mes pas vers mon lit et m’y renverse lentement et avec délices ; je relève ma chemise le plus haut possible, je porte en tremblant mon doigt dans le lieu où un doux frottement m’avait causé tant de plaisir : la nature enfin fut mon premier maître, je ne pourrais te peindre que difficilement, mon cher Saint-Far, les charmes que je goûtais. Figures-toi, pour en avoir une petite idée, une jeune fille de seize ans, jolie à croquer, neuve encore, dans la situation où je me trouvais alors, voir ses belles cuisses s’agiter en tout sens, tantôt découvrir en entier la plus belle des roses à cueillir ; tantôt, en se retroussant, laisser entrevoir deux fesses blanches comme deux lys, jolies et fermes, comme l’ivoire ; deux cuisses, qui, dociles au mouvement circulaire de sa jolie croupe, effleuraient légèrement le lit qui les portait. Cependant l’approche du plaisir la rend immobile, elle augmente le mouvement de son doigt ; toute entière au sentiment délicieux qu’elle éprouve, sa respiration est comme suspendue, bientôt une chaleur humide l’inonde ; alors tout son corps bondit, et, dans la voluptueuse émotion qu’elle éprouve, elle laisse entrevoir successivement une chute de reins admirable, des hanches potelées qui terminent une taille de nymphe, un ventre satiné et uni comme une belle glace ; enfin un gazon épais environnant la porte ovale et ronde du temple, à qui la reine des grâces, à qui Vénus eût porté envie.

Telle était mon cher St.-Far ; telle était ta Caroline. — Avec tes peintures délicieuses dont je touche ici l’original, crois-tu que je puisse attendre encore ? Tu m’as mis tout en feu, vois, ceci fera bien autant de ravage que ton doigt, j’espère ; allons cède, je t’en conjure, ou je décharge. — Tu le veux soit ; mais songe que j’ai encore bien des faveurs à t’accorder. — Oui,… oui,… ah ! te voilà bien connue, tu viens de te peindre… ces cuisses fermes… ces tétons admirables… ce temple je le pénètre… je suis… au sanctuaire… amour… accepte cette libation… j’expire… de plaisir. — Ah ! St.-Far, cela vaut encore mieux que le doigt, fut-ce même celui du milieu… bois ce verre de rôta… prends ce biscuit… Je continue mon récit. Après tout ce qui venait de se passer, après ce que je venais de sentir, mes idées étaient si confuses que me relevant et m’asseyant sur mon lit, je restai immobile quelque temps, accablée par une foule d’idées sans suite, sans liaison qui me délectaient, pendant ce temps le désordre de ma chemise laissait mes appas à découvert, l’air qui circulait dans ma chambre et qui entrait par une croisée ouverte sur un jardin brillaient mille fleurs diverses, faisait légèrement voltiger mon linge, augmentait sa fraîcheur et me faisait éprouver une sensation moins vive que les précédentes, mais douce, agréable, enivrante, je secondai les efforts du zéphir en jetant un coup-d’œil curieux sur le temple de la volupté, j’y vis une humidité considérable. Le premier mouvement fut de la porter à l’organe de l’odorat, l’odeur en était singulière ; j’approchai de ma langue, le goût en était fade. Ignorant encore d’où pouvait provenir cette liqueur qui n’était pas de l’urine, je me levai et pour la faire disparaître, je m’assis sur le bidet, dont la grande couturière m’avait appris le nom et l’usage ; l’eau me rendit plus calme et je m’habillai enfin ; en me considérant beaucoup, idée que je n’avais pas eue jusqu’alors, je maniais mes fesses et les regardais dans les glaces, je me promenais les mains sur mes cuisses et les arrêtais toujours près du temple chéri. Je tâchais de baiser mes tétons, je m’enivrais de plaisir, lorsque j’entendis du bruit dans l’appartement voisin. Mes oreilles furent même frappées de cette espèce de sifflement qui est causé par des baisers ardens ; un son pareil aux soupirs résonnait autour de moi, je les comparais à ceux que je venais d’éprouver, et ils me semblaient provenir de la même source. Ce bruit cessa et j’achevai de m’habiller.

Madame Durancy vint dans le jour m’avertir que je souperais avec elle. Son fils paraissait jaloux de voir si je conservais quelque ressentiment de la correction de sa mère… il espérait présider à une réconciliation parfaite… Je descendis ; on se mit à table. Pour la première fois, madame Durancy se répandit en éloges ; son fils me fit des complimens auxquels je fus très-sensible, j’y répondis avec timidité… Je l’aimais… j’étais timide… c’est la règle. Je ne répondis pas si froidement à ses regards ; il est vrai que les expressions de mon amour étaient encore animées par d’excellent vin, des mets succulens, et une ablution d’excellente liqueur.

L’instant du repos arriva : Madame Durancy m’en avertit en me prévenant qu’elle viendrait partager mon lit, attendu qu’elle avait cédé le sien à un de ses parens qui était arrivé le soir, et qui, fatigué, était déjà couché. Je me retire dans ma chambre ; il me tardait d’être dans mon lit, pour me livrer aux douces pensées que le plaisir du jour me faisait naître ; à peine fus-je étendue dans mes draps que le sommeil s’empara de moi. Un heureux songe vint répéter les plaisirs que j’avais goûté pendant le jour ; mais qu’ils étaient différens ! Je rêvais que le jeune Durancy était à mes côtés, il ne me laissait que le soin de goûter jusqu’aux plus légères atteintes à la volupté que sa main complaisante me procurait.

Dans le courant de la nuit une chaleur excessive et dévorante que je ressentis, me réveilla et je me rappelai que j’étais couchée avec sa mère ; mais je me trouvai dans un désordre extraordinaire ; ma chemise était relevée d’un côté jusqu’à la hauteur de l’épaule ; madame Durancy avait une main placée sur mon sein et l’autre se trouvait assez en avant entre mes deux cuisses ; cela me gênait, de plus une de mes fesses se trouvait singulièrement pressée par quelque chose de dur et qui avançait, je me retournai afin de connaître l’objet de ma surprise ; il était sous ma chemise ; j’essayai de la relever, mais il était tellement enveloppé que je craignais de la réveiller par mes efforts, cet obstacle ne pouvait se surmonter ; je tâtonnai à plusieurs reprises, et il me parut que cela était long, rond et surtout très-dur, je réfléchis beaucoup sur ce que ce pouvait être, je ne voyais aucune trace de pareille affaire au bas de mon ventre. Comme les romans que j’avais lus n’étaient que des livres assez décens, je ne pus rien conjecturer, je me perdis dans mes réflexions et je me rendormis. Le lendemain à mon réveil je me trouvai seule. Je descendis après m’être habillée et mon premier mouvement fut d’examiner si les jupons de madame Durancy n’étaient pas poussés en avant par cette affaire que je n’avais pu définir. Après le déjeûné nous partîmes pour la campagne, ce voyage était nécessité pour une affaire d’intérêt qui me regardait, sans que j’en susse rien, je n’en parlerais pas, si je n’y eusse eu une petite aventure qui m’amusa beaucoup, je ne savais pas encore la différence qu’il y avait entre un homme et une femme ; depuis les derniers événemens ; je désirais beaucoup connaître cette différence : tout l’extérieur de l’homme étant presque semblable à celui de la femme, aux tétons et à la barbe près, je me doutais. que cette différence existait entre les cuisses ; je ne savais comment vérifier mes doutes ; un petit espiègle qui me fit une malice m’en fournit l’occasion ; j’étais seule dans le jardin, sous un feuillage épais, lorsque mon petit espiègle s’approcha de moi et sous le prétexte de le punir de m’avoir gaussé, je lui défis ses culottes et le fouettai, au lieu de se fâcher de ma colère apparente et de chercher à se débarrasser, le petit drôle qui avait huit ans environ me laisse faire, je lève sa chemise très-haut, et en frappant légèrement, je vis son petit instrument. Sur le champ je fus instruite, et voulus laisser le petit espiègle. Eh bien ! ma belle maîtresse, me dit-il, corrigez moi donc encore ; si ma faute n’est pas assez grande, punissez moi pour la première fois, je vous promets de mériter mon châtiment. Je vis que le petit méchant avait plus de malice que moi ; mais j’étais satisfaite et je le laisse aller ; pendant huit jours que nous restâmes à la campagne, je ne pensai qu’à cette différence de sexe et j’étais dévorée de savoir à quoi elle pouvait servir, lorsqu’un jour sur la brune, derrière le feuillage où j’avais corrigé le petit espiègle, je le vis les culottes bas baissant la tête et examinant avec attention les cuisses, les fesses, et la fente d’une petite fille d’environ neuf ans, qui lui disait : laisse moi, laisse moi te faire ; j’ai vu hier sans être vue, ma grande sœur, qui était sous le grand poirier avec Nicolas ; elle était debout contre l’arbre, et lui prenant ce qu’il a entre les cuisses, elle l’enfonçait dans son trou, et ils avaient l’air d’être bien aises, car ils se baisaient et se rebaisaient toujours. Eh bien ! faisons donc comme eux, disait le petit, en approchant son court instrument entre les cuisses de la petite fille… C’est comme ça… Mais tu n’entres pas dans la fente… Comme tu as chaud… Comme tu me serres… Oh ! mais tu pisses je crois, fi ! le vilain !… Allons, retire-toi. En effet le petit pissait, il se retira tout honteux ; quand à moi cette jolie scène me mit toute en feu et me donna de quoi rêver.


Oh ! mais tu pisses je crois, fi ! le vilain !…

Le fils de madame Durancy vint nous reprendre pour retourner à Lyon, il me demanda comment j’avais trouvé cette campagne ; la beauté du lieu, les connaissances que j’y avais acquises me la firent paraître charmante : je répondis, que je l’avais trouvée délicieuse. Il sourit et le lendemain nous retournâmes à Lyon ; il était nuit lorsque nous arrivâmes, on se mit à table, on me fit mille caresses, et madame Durancy me prévint qu’elle coucherait avec moi ; je résolus cette fois de bien examiner et d’éclaircir mes soupçons, je ne pouvais jamais me donner l’explication de ce quelque chose de dur que j’avais senti entre les cuisses : Est-ce un homme ? me disais-je, mais cependant, elle a des tétons, point de barbe, ce n’est donc point un homme. Mais pourquoi ce quelque chose entre les cuisses ? J’entrevoyais d’ailleurs, un mystère dont je ne pouvais rien débrouiller.

Je voyais bien que j’occupais tout le monde. Le fils de Madame Durancy m’aimait et me le faisait sentir sans me le dire. Madame Durancy paraissait me caresser beaucoup devant son fils, et pendant son absence elle était froide et réservée avec moi. Jeannette, bonne de madame Durancy et dont j’aurai dans un instant amplement sujet et occasion de parler, me regardait sans cesse, soupirait près de moi, et ne me parlait jamais. La vieille qui me servait, devenait plus obligeante et moins taciturne avec moi : enfin j’étais le sujet de quelque menée que j’espérais découvrir ce soir. Il me vint en idée de n’user que modérément de vin, je crus qu’il était cause de l’assoupissement que j’avais ressenti la dernière fois, je me décidai même à ne point boire d’une liqueur excellente que l’on me servait comme très-stomacale, en conséquence je me levai sous prétexte de lassitude.

J’obtins la permission de me retirer et je montai dans ma chambre. A peine chez moi, la bonne m’apporte le flacon qui contenait cette liqueur avec une invitation pressante de la part de madame, de ne pas me coucher sans en prendre ; mais au lieu de suivre cet avis je versai dans un verre la portion que je devais prendre et me mis au lit. J’étais curieuse de voir coucher madame : je me tapis sur le côté et j’attendis avec impatience son arrivée, demi-heure après on entre ; madame Durancy me demande fort haut si je donnais, je ne réponds pas ; elle dort, dit-elle à demi-voix, déshabillons-nous. Un instant après le rideau de mon lit s’entrouvre et je me sens baiser sur la bouche avec tant d’ardeur que j’en tressaillis intérieurement ; on enlève la couverture avec précaution ; des lèvres brûlantes s’appliquent sur mon sein, en pressent le bouton, et de légers coups de langue me causent un délicieux chatouillement, on essaie de lever ma chemise ; mais je m’étais enveloppée au point qu’il fut impossible d’en venir à bout sans crainte de m’éveiller. On me retourne avec précaution et bientôt je sentis ma chemise remonter doucement jusqu’à la hauteur de mon sein ; mon corps est aussitôt couvert de baisers, deux mains tremblantes écartent mes cuisses de manière que l’entrée du temple de l’amour est entièrement libre : d’ardens baisers y sont prodigués. Avec la langue on en caresse les rives, on cherche à l’introduire : d’une main on presse mes fesses et de l’autre on chatouille légèrement le bouton de mon sein.

Ces diverses sensations me font éprouver une ivresse inconcevable ; j’ouvre à demi l’œil, et à la lueur d’une lanterne sourde j’aperçois distinctement madame Durancy nue au pied de mon lit ; mais je ne pouvais concevoir qui avait la tête entre mes jambes et était couchée à plat sur mon lit. Madame Durancy d’une main tenait élevée sa chemise et de l’autre elle fustigeait légèrement son cul ; si elle s’arrêtait, c’était pour appliquer sa bouche sur son derrière, elle reprenait ensuite son premier emploi ; il me parut que cette cérémonie lui causait une assez douce sensation, car à chaque coup son postérieur bondissait d’aise. Ce jeu dura peu. Après madame Durancy se renversa sur le lit de manière que sa tête touchait à ma hanche, et la personne inconnue, et que je ne pouvais distinguer, se coucha sur elle, de sorte que la bouche de madame Durancy étant au niveau de mon bijou, cette personne pouvait promener ses baisers sur l’une et sur l’autre ; cependant, je ne comprenais rien à tout ce qui se faisait, le derrière de la personne qui était dessus, se haussait et se baissait a différentes reprises ; mais avec un tel vacarme que le bois de mon lit en gémissait. Quant à madame Durancy, elle me parut goûter beaucoup de satisfaction. L’inconnu, car enfin, je me doutais bien que c’était un homme, qui la couvrait de baisers de moment à l’autre, ensuite sa langue venait me faire tressaillir avec son charmant jeu, et cette langue polissonne se promenait ainsi de la bouche de madame Durancy au bijou de Caroline : Tout ce qui se passait autour de moi, le feu de mon imagination, les vives sensations que me procurait l’inconnu, hâtèrent l’instant du plaisir ; au mouvement que je fis, il s’en aperçut, alors la rapidité de son action acheva de me plonger dans le délire et la volupté se peignit par mes soupirs et l’agitation de tout mon corps ; ils me parurent aussi par leurs mouvemens, leurs expressions, avoir goûté la même jouissance.

Cependant on se retire et l’absence de ce couple libertin me permit de me livrer aux réflexions qu’excitait en moi tout ce qui venait de se passer. Le sommeil me surprit au milieu des idées confuses qui agitaient mon esprit. Il était onze heures du matin, lorsque madame Durancy entra dans ma chambre avec son fils ; ils venaient m’avertir qu’ils partaient pour la campagne ; jusqu’à leur retour ils me laissaient avec la cuisinière et Jeannette qui était indisposée ; d’ailleurs la maison était abondamment fournie ; ils m’embrassèrent tous deux. Le fils me glissa vingt-cinq louis pour mes menus plaisirs me dit-il. Quant à madame Durancy, elle me recommanda d’être sage à mon ordinaire et de ne pas voir Jeannette, parce que ce serait m’abaisser ; au moins de ne pas me familiariser avec elle ; que du reste je pouvais agir comme l’absolue maîtresse du logis : nous nous séparons.

A peine fus-je seule, que je songeai à la défense que me faisait Madame, de ne pas me familiariser avec Jeannette. C’était la première fois qu’il était question de cette fille entre madame Durancy et moi. Tu crois St.-Far, que cette Jeannette est ma bonne ; mais non ! La maison de madame Durancy était composée, d’une vieille cuisinière qui ne sortait pas de sa cuisine, d’une bonne qui servait à table et qui était plus particulièrement attachée à mon service, et de Jeannette, jeune brune piquante, jolie à ravir, femme de chambre uniquement occupée de madame Durancy. Depuis trois mois qu’elle était à la maison, je ne lui avais pas dit deux paroles parce que nous ne nous étions jamais rencontrées ensemble. La chambre de madame Durancy m’était interdite, et Jeannette ne sortait presque jamais de cette chambre. Je ne sais pourquoi je mourais d’envie de causer avec cette fille ; cette envie augmenta bien davantage quand on me l’eut défendu. Ma première idée aussitôt que je fus libre, fus donc de voir Jeannette ; mais comme elle était indisposée ainsi que je l’ai dit et que je ne croyais pas convenable d’aller la voir, je sonnai la cuisinière pour qu’elle me donna de ses nouvelles et m’apporter mon déjeûné ; quelle fut ma surprise de voir aussitôt entrer Jeannette, Eh ! comment se fait-il que vous soyez si bien portante, vous, il y a un instant si malade. — Écoutez, mademoiselle Caroline, je vais vous parler vrai, j’ai cru que je serais heureuse, si je pouvais vous parler un instant. Comme j’ai su qu’on devait aller à la campagne, et qu’étant du voyage vous resteriez avec votre ennuyeuse bonne, ce qui peut-être vous serait insupportable, j’ai feint une indisposition pour ne pas les suivre à cette campagne, où leurs affaires vont les retenir huit grands jours. J’ai fuit ensorte que l’on prit votre bonne à ma place, les voilà partis, je ne suis plus malade, et je tâcherai que ces huit jours ne vous ennuient pas tant que si vous fussiez restée seule avec votre imbécille, pardonnez-moi le mot, mais il est vrai ; je la remerciai un peu ironiquement du soin qu’elle voulait prendre de me distraire ; mais intérieurement je lui sus bon gré de cette adresse, dont je me réjouissais autant qu’elle et sans savoir pourquoi. Je lui demande ensuite mon déjeuné, qui est servi avec promptitude, et pendant que je mangeais, elle me fit cent contes dont j’eus peine à m’empêcher de rire ; à peine eu-je déjeuné, qu’elle m’offre ses services pour m’habiller. — Comment mademoiselle, si je le veux ; mais c’est votre devoir. Elle éclate de rire et déjà elle s’empare de moi ; mais elle faisait tout de travers ; il me semblait qu’elle cherchait tous les moyens de prolonger cette toilette. Pendant cet interval, je la questionnai… Elle me dit qu’elle était née de parens pauvres, que madame Durancy l’avait prise depuis trois mois par charité à son service, et qu’elle attendait patiemment que l’instant d’apprendre un métier se présentât. Je la questionnai sur les habitudes de madame Durancy, sur son fils ; mais elle fut discrète et je l’en estimai davantage. Nous passâmes le jour à nous occuper de quelques ouvrages de femme, ma compagne n’y développa pas une grande adresse. La journée fut sans conséquence ; le lendemain, Jeannette me parut plus timide qu’à l’ordinaire, elle ne folâtrait pas ; plus de bons mots, de saillies ; elle tremblait en me versant mon chocolat qu’elle renversa presque en entier sur moi ; elle tremblait en m’habillant ; elle était d’un sérieux extraordinaire. Enfin, elle jouait mon rôle de la veille. Ce n’était pas là mon compte ; je pris le parti de prendre le sien. Je folâtrai, lui fis mille niches ; mille plaisanteries, la raillai sur sa mauvaise humeur, lui demandai pardon de l’avoir traitée la veille avec tant de morgue. Pour faire ma paix je voulus qu’elle mangeât à ma table.

La cuisinière nous faisait faire excellente chair ; je fis boire à Jeannette quelques verres d’un vin blanc fort pétillant, et bientôt je vis ma jeune folle, excitée par mes caresses et par le vin, me le disputer par ses espiègleries ; elle sautillait autour de moi, paraissait avoir la tête prise ; elle me baisait les mains, dérangeait et enlevait mon fichu, soulevait mes jupons, et, par saillies, les jettait assez haut pour découvrir une partie de mes cuisses. En faisant ces petites plaisanteries, nous buvions vins fins, liqueurs, et nous voilà toutes deux plus que gaies, et continuant toujours nos folies. Comme elle était beaucoup plus forte que moi, j’avais bien de la peine à me débarrasser d’elle ; en vain je cherchai à prendre ma revanche, en passant ma main sous ses jupons, toujours son adresse surpassait mon attente, j’enrageais : ses persécutions m’avaient mise en nage. Je demande une trêve pour ôter nos vêtemens ; elle y souscrivit, en ajoutant que si mon envie était de lutter, elle allait, comme moi, s’y préparer, et nous voici bientôt en jupons courts, en blancs corsets. Nous convînmes que celle qui trousserait l’autre le plus haut lui imposerait telle peine qu’elle jugerait à propos. La robuste Jeannette me saisit aussitôt, me renverse sur le lit. Malgré mes efforts, je vois bientôt mes jupons voler par-dessus ma tête. Jeannette triomphe, aussitôt elle me dicte ses ordres : je me tiens debout, elle me bande les yeux, me fait relever mes habits jusqu’à la hauteur de mes reins ; dans cet état, elle se récrie sur la beauté de mon corps. Ses caresses réitérées attestent son enthousiasme, il me semblait que les rives du séjour des plaisirs se gonflaient. Jeannette y mit la main, comme j’allais l’en prier. J’étais toute en feu ; elle me renverse sur le lit et se couche sur moi. Je ne pus la sentir dans cet état, sans me rappeler la scène qui s’était passée entre Mme Durancy et l’inconnu ; mon cœur palpitait ; un baiser que Jeannette me donne sur la bouche m’enflamme ; je le lui rends en la serrant dans mes bras. Alors, elle relève ses jupons et son ventre est appuyé contre le mien ; ce doux contact m’électrise, à l’approche de sa main, qu’elle passe entre mes deux cuisses. Je les entr’ouvre avec volupté, bientôt son doigt s’anime… Quels délices… Je rendais au centuple les baisers qu’elle me donnait ; je la serrais dans mes bras… Je relevais son jupon jusqu’au milieu des reins, et je caressais son joli derrière. Les atteintes du plaisir se font sentir ; mes cuisses se soulèvent amoureusement ; mes jambes se croisent sur sa croupe, et, dans cette attitude, la fontaine de l’amour s’ouvre, et son épanchement fait circuler dans mes veines cette sensation délicieuse qui s’empare de toutes les facultés de l’ame. Je ne sors de cet état que par la douleur occasionnée par les efforts de Jeannette, pour m’introduire dans le temple son doigt, qu’elle avait tenu jusqu’alors à l’entrée ; je jetai un cri et arrachai le bandeau qui me couvrait la vue en me relevant avec précipitation. Soudain, Jeannette se retire, et je vois clairement ses cotillons avancés extraordinairement ; je me jette à bas du lit, cherchant à la surprendre tandis qu’elle était à la croisée, où elle feignait de regarder le jardin pour cacher son trouble, je glisse ma main sous sa chemise ; je saisis au haut de ses cuisses je ne sais quoi de dur, que sa vitesse à se retourner empêche de retenir. Soupçonnant alors que Jeannette était un homme déguisé, j’en fus si enchantée qu’un tremblement universel de plaisir s’empare de moi et un trouble difficile à cacher. Je pris le parti d’éloigner Jeannette, sous prétexte que, désirant souper de bonne heure, elle devait donner des ordres à la cuisinière. En conséquence Jeannette sortit. Elle fut bientôt de retour ; mais son air était gêné, inquiet, mystérieux ; elle baissait les yeux, ses joues étaient vivement colorées. Je lui donnai un léger soufflet, en lui disant que c’était pour la punir de m’avoir fait mal avec son doigt. Alors elle me regarda d’un air si tendre, que je fus tentée d’appliquer mes lèvres sur sa belle bouche.

Après souper, nous nous enfermâmes dans ma chambre. Le temps était orageux, les éclairs sillonnaient de toutes parts. Je feignis d’avoir peur, et j’engageai Jeannette à coucher avec moi, bien résolue de vérifier mes doutes ; je savais où était le flacon qui renfermait la liqueur dont je soupçonnais la vertu soporifique ; je lui en fit prendre, à dessein, un grand verre, et, peu de temps après, elle s’assoupit en effet, au point qu’il ne lui resta que la liberté de gagner le lit, où, sur-le-champ, elle se mit à dormir profondément.

Après être restée encore quelques momens à la croisée à examiner l’effet de l’orage, afin de m’assurer du sommeil de Jeannette, je m’approche pas à pas du lit, pleine de désirs, de curiosité et d’espérance. Je lève doucement la couverture et je porte ma main en tremblant sur cet endroit qui avait excité ma curiosité. Ma surprise fut extrême ainsi que ma joie, en apercevant un petit membre singulier étendu le long de ses cuisses et attaché entre elles deux, au milieu de deux petites boules ovales. Ah ! je n’en puis douter, m’écriai-je avec transport, c’est un homme ! c’est un dieu ! c’est l’amour qui me l’envoie ! Je presse cet objet dans mes mains ; je le baise et rebaise au souvenir de la volupté qu’il m’a procurée. Je lève ma chemise et mon doigt agit ; mais ce que porte Jeannette a quelque chose de plus flatteur. Je me mets nue, je monte sur le lit, j’écarte les cuisses et je me baisse de manière que, prenant ce doigt, d’une nouvelle espèce pour moi, je le levai jusqu’à la fente de l’amour ; et, le promenant le long de la rive de la volupté, je le sentis croître, se grossir, se roidir, s’efforcer de se coucher sur le ventre, au bas duquel il était fixé, de manière que je le tenais à peine droit vers ma fente, contre laquelle bientôt il lance une liqueur brûlante qui inonde l’entrée du temple du plaisir, et retombe sur le duvet épais qui l’environne. Cet abondant épanchement met le comble à mon plaisir et à mon joyeux étonnement ; si je ne m’étais retenue, je serais tombée pleine d’ivresse sur le corps de mon charmant adonis…

Cependant j’examine la construction de cet objet, qui, dans ses mains, était devenu le charmant instrument de ma jouissance. Combien sa structure et ce qui en dépendait me parurent étonnant, de l’étroite ouverture placée au haut de la tête, distillait encore une liqueur que je crus avoir été excitée par le même plaisir, qui avait sur moi le même effet : un léger frémissement qui s’était opéré dans Jeannette au moment de l’éjaculation, concourait à me le persuader. Après l’avoir considéré attentivement, je finis par le couvrir de baisers. Après quoi je me mis au lit, où bientôt je m’endormis.

J’avais eu la précaution de m’éloigner assez de mon joli dormeur pour ne lui laisser aucun soupçon ; je me faisais un charme de me laisser surprendre à la première occasion où nous recommencerions nos jeux. — Comment, Caroline, Jeannette ne s’éveilla pas, ne te le fit pas ! — Il faut encore que j’attende ! Ah ! maudite dormeuse, pourquoi buvais-tu du flacon ! — En vérité, Caroline, je ne puis plus attendre, dépêches-toi de réveiller ta jolie dormeuse. — Patience, patience, cher St.-Far, nous allons y venir.

Le lendemain, je m’éveillai, et me levai avant mon dormeur, qui me parut bien dépité et bien sot quand il me vit debout. Je fis semblant de ne rien apercevoir et le raillai sur sa paresse. Il paraît que la dose de liqueur soporifique avait une bien grande force, puisqu’elle avait si long-temps prolongé son sommeil. Je passai la matinée sans lui rien dire, ni faire paraître, mais l’heure du dîner étant arrivée, et Jeannette s’étant mise à table, le vin blanc stimula bientôt notre gaîté mutuelle.

Nous nous enfermons dans ma chambre ; elle commence à me donner un petit coup sur les jupons ; mais je lui dit que je ne voulais plus jouer avec elle, car les conditions qu’elle avait établies la veille lui étaient trop avantageuses, vu la disproportion de nos forces. Pour me satisfaire, elle me proposa d’abord de souscrire à tout ce qu’elle exigerait de moi, et qu’elle subirait à son tour les lois que je voudrais lui imposer. Ceci étant plus raisonnable, je tombai d’accord. Aussitôt je reçus l’ordre d’ôter mes vêtemens : assise sur un fauteuil au pied de mon lit, tandis que j’étais debout. Jeannette m’ordonne de lever ma chemise à hauteur indiquée ; toutes les fois que je manquerais le point fixe, je devais être fouettée. A sa voix, je me retourne, et je lève ma chemise de façon à ne lui montrer qu’une fesse. Comme je ne pus remplir ponctuellement l’ordre, elle me coucha sur ses genoux et me fustigea. Les verges étaient si fines que leur chute me flattait infiniment : leur chatouillement me faisait écarter les cuisses ; les pointes effleuraient cette partie qui avoisine le temple de l’amour. Je fus souvent dans le cas de recevoir cet agréable châtiment, car il était bien difficile d’exécuter exactement ce qu’elle m’ordonnait. Il fallait tour-à-tour découvrir mes cuisses à la moitié, aux trois quarts, enfin jusqu’à la hanche ; une autre fois c’était la fesse droite ou mon gazon. Je ne réussis que dans deux points, ce fut de relever ma chemise successivement jusqu’au-dessus de ma croupe et à la hauteur du nombril : aussi, pour prix de mon adresse, ces deux parties de mon corps furent couvertes de baisers. Cependant le feu de l’amour me pénètre par degré ; combien j’étais amoureuse de celle qui en développait les effets avec tant d’agrément et de délicatesse. Jeannette, me voyant animée, change aussitôt ses ordres : elle se lève, me fait tenir debout sur le lit, me fait écarter les cuisses, sa bouche s’approche, sa langue joue légèrement ; d’une main elle enlace mes reins, et de l’autre elle continue de me fustiger ; elle s’arrête de temps en temps.


A genoux sur le lit, me fait écarter les cuisses, sa langue joue légèrement.

Ah ! Jeannette, lui dis-je dans ces intervalles, qu’il est doux de perdre au jeu avec toi ! ma chère Jeannette, l’ivresse où tu me plonges me met dans l’impossibilité de te résister. Elle me fait encore changer de position : toutes ces mutations, en suspendant le cours des délices que mon ame savourait, ne tendent qu’à stimuler mes désirs ; tous les pores de mon corps semblaient s’ouvrir pour leur donner un libre passage. Jeannette me prend amoureusement dans ses bras ; docile à saisir la nouvelle position où elle me veut conduire, je suis déjà courbée sur le lit, mon derrière est exposé à ses regards, un coussin placé sous mon ventre l’exhausse, ma chemise voltige par dessus mes épaules, et les verges recommencent à agir sur mes fesses et sur une partie de mes cuisses ; leur doux picotement aiguillonnent mes sens. Bientôt son ventre s’appuie sur moi ; alors le chatouillement que j’éprouve n’est plus l’ouvrage de son doigt ; je sens l’autre doigt de l’homme… j’écarte les cuisses pour lui laisser plus de liberté.

Ah ! quel accroissement de volupté ! étendue et presque sans sentiment, à force de trop sentir, mon existence ne se manifeste plus que par des espèces de convulsions de ma croupe. Les verges, l’action de Jeannette ouvrent abondamment la source du plaisir. A ma respiration, au tressaillement actif et répété dont je fus saisie, Jeannette s’aperçoit de mon état ; soudain elle ouvre avec ses deux mains l’entrée du temple d’amour, y guider son trait et l’y enfoncer ne fut l’ouvrage que d’un instant… Une douleur subite et cruelle m’arrache un cri aigü et je me pâme ; mais l’effet inconnu de ce nouvel acte me rappelle à moi… L’espèce de déchirement que je venais d’éprouver, se trouve presque effacé par une sensation qui se propage dans toutes les parties de mon corps, et suspend les facultés de mon âme. Je reviens enfin entièrement à moi, en me sentant inondée d’abondans flots d’amour, dont l’injection vive et variée ajoute à mon délire. Mon jeune amant m’embrasse, me relève m’ôte jusqu’à la trace des pleurs sanglans que la sensible volupté nous a fait verser.

Telles sont mon ami les circonstances qui ont précédé la perte de cette fleur, objet de l’envie de tous les hommes, et que tu crois avoir conquise lors de notre aventure. — Ah ! petit coquin, qu’il fût heureux, Caroline, d’avoir cueilli ta rose charmante ! Mais en vérité tu l’as si étroit que c’est toujours un pucelage avec toi : allons, que dans ce moment je sois vengé, que mille baisers couvrent tes lèvres incarnates, que je recueille jusqu’au moindre souffle que tu exhales… Globes charmans, arrondis par l’amour !… Quelle fraîcheur encore ! quelle élasticité !… quelles cuisses toujours pleines de suc !… Et ce gazon, asile de la volupté, et dont le noir ébène relève la blancheur de ta peau fine et veloutée !… Ce temple… j’en suis le dieu… j’y pénètre… je coule… dieux… je me meurs… dans… les délices… Oui, je le jure, Caroline, tu vaux encore un pucelage. — Allons, c’est assez, St-Far, essuie-toi, des macarons… du rota… bon ! sois sage. Écoute :

Après ce qui venait de se passer, Jeannette était tremblante à mes côtés ; l’ayant embrassée, je lui parlai ainsi : Vous m’avez trompée, Jeannette, vous êtes un homme ; mais cependant j’excuse tout ; si dès ce moment vous me jurez d’être désormais franc en tout avec moi : j’exige un aveu général. — Adorable Caroline, ma franchise égalera votre bonté, reprit tendrement Jeannette, je suis homme en effet. Je me nomme Brabant, et voici le sujet de mon déguisement. Il y a environ trois mois que madame Durancy se promenait hors la ville, le long du fleuve, j’étais assis triste et rêveur, sur un tertre élevé, j’étais vivement affecté d’un vol que l’on m’avait fait ; cent louis, reste unique des débris de ma fortune que de malheureux procès avaient dévorée, en causant la mort d’un de mes parens, venaient de m’être enlevés à l’auberge où j’avais couché. Près d’une grande ville, sans ressource, sans connaissance, je réfléchissais à ce que je devais faire, lorsque cette dame vint s’asseoir à côté de moi, accompagnée d’une personne qui me parut de ses amis : nous engageâmes la conversation ; mon sort l’intéressa au point qu’elle m’invita à la suivre.

Nous partîmes, elle me conduisit chez une dame de sa connaissance, lui laissa quelqu’argent et s’en fut, en m’invitant à ne pas m’inquiéter, qu’elle ne tarderait pas à revenir. Je résolus de mon côté de m’abandonner au sort de cette aventure ; c’est ce que je pouvais faire de mieux, n’ayant pas le sou. Le lendemain, je vis arriver ma patrone ; elle me parla fort amicalement, elle me dit que son intention était de me conduire chez elle, si je voulais me résoudre à changer extérieurement de sexe ; elle ajouta que je n’aurais pas à me repentir de ma complaisance, en me parlant ainsi, elle me passait une main douce sous le menton, m’attirait à elle, s’approchait si près de moi que je l’embrassai sur la bouche. Vous avez l’air d’un petit libertin, me dit-elle ; mais nous vous corrigerons ; allons, venez. Mais nous quittons la personne de connaissance, je monte dans sa voiture, et nous arrivons dans une maison où l’on nous introduisit dans une chambre retirée.

Une femme entre portant quelques hardes, et madame Durancy, après les avoir examinées, m’apprend qu’elles me sont destinées : c’étaient des habits de femme. Mon enfant, me dit-elle, je vais vous conduire chez moi, vous y resterez jusqu’à nouvel arrangement ; mais comme mon mari est singulièrement jaloux, sous ce déguisement vous ne lui ferez aucun ombrage. Maintenant, que je vous apprenne à vous habiller, de crainte que votre mal-adresse ne vous décelle ; allons, à bas tous vos vêtemens. Sa présence à cette nouvelle toilette m’intimidait au point que je ne m’acquittai qu’avec lenteur de cette opération. Les deux femmes s’impatientèrent ; ah ! ah ! Monsieur, de la modestie ! dit madame Durancy, vous faites l’enfant ; allons, aidez-moi. L’autre femme à qui s’adressaient ces paroles, déboutonne mon habit, et me l’enlève ; madame Durancy s’attache à mon haut-de-chausse, il est bientôt sur mes talons.

Voyons donc à présent, Monsieur, de la pudeur : tirons-lui sa chemise par en haut. Ah ! ah ! s’écrie-t-elle, à mesure qu’elle remontait, et c’est donc ceci que Monsieur ne voulait pas nous montrer ; effectivement, il avait raison, il a un assez joli bijou ; en parlant ainsi, elle le pressait délicatement de manière qu’il remplit bientôt sa main ; vous êtes un petit polisson, me dit-elle, en me frappant légèrement sur le derrière, elle se mit ensuite à arranger mes cheveux ; de crainte que la poudre ne blanchit ses jupons, elle les avait troussés du devant fort haut et fixés du derrière avec une épingle, de sorte que sa chemise seule couvrait par devant ses charmes. Appuyée contre le manteau d’une cheminée, ses jambes écartées, elle m’approche d’elle au point que nos deux ventres se touchaient ; — Mais faites donc tenir ce drôle-là en repos, ajouta-t-elle, en portant la main sur ce qu’elle appellait mon bijou et en feignant de chercher à le détourner ; les approches de sa main me causaient une si agréable impression que sa raideur augmentait et le ramenait toujours au même point. Les appas de madame Durancy qui n’étaient séparés de moi que par un linge dont le tissu égalait la finesse de sa peau, augmentaient mon ardeur… Cependant son activité en arrangeant mes cheveux me fit balancer au point que je crus devoir me raffermir ; en plaçant mes mains sur ses hanches. Appuyez-vous sur moi, me dit-elle. En vertu de cet arrangement, je croisais peu à peu les bras derrière son dos, je fis semblant de jouer avec mes doigts, mais je m’étudiai réellement à relever sa chemise avec dextérité ; je tremblais que le frottement causé par l’exhaussement de son linge ne décélât mon dessein : avec quelle impatience je désirais appliquer mes mains sur ses fesses que je me peignais être d’un poli et d’une blancheur éclatante ! Je touchais déjà presqu’à l’extrémité de sa chemise, un mouvement trop précipité me fait craindre de tomber et j’applique subitement les mains sur ses fesses. Que veut donc dire ceci, me dit-elle, avec un ton des plus froids ! J’étais confus au point qu’elle dut sentir mon bijou se détendre et rentrer presque dans le néant ; je n’osai plus remuer, et ne quittai ma position quoiqu’à regret, que lorsqu’elle m’avertit que ma toilette était finie : alors on acheva de m’habiller en femme de chambre. Je respirais une voluptueuse molesse sous ce vêtement et je croyais toute la cérémonie terminée, lorsque madame Durancy me couche sur le lit et me trousse ; je me comparai alors à une victime fortunée du dieu des plaisirs. Elle s’empara de mon bijou : il faut éviter, dit-elle, à l’autre femme que sa tension ne le décèle à mon mari : à l’aide de ce lien, il pourra le fixer sous les cordons des jupons : il faut aussi ménager les deux petits globes, en disant cela, elle les agitait lentement avec sa main… Que dirais-je, mon bijou fut bientôt aussi brillant qu’il l’avait été un instant auparavant. Vous êtes donc plus polisson que jamais, me dit-elle, en me levant la cuisse et m’appliquant quelques coups assez forts ; ce n’était pas le moyen d’assoupir mes feux : aussi une inondation jaillit aussitôt et couvrit la figure de madame Durancy. Comment, malhonnête, s’écria-t-elle ; ah ! dieux… — Ma… da… me, je… vous… oh !… pardon… furent les seules paroles que je pus proférer dans l’évasion du fluide amoureux ! Pendant ce temps là, elle me frappait le derrière assez lestement. Je vous demande pardon, lui dis-je avec un grand soupir ; mais en vérité ça cause tant de plaisir, que le respect le plus grand n’en peut interrompre le cours ; elle se mit à rire, acheva de m’arranger et nous sortîmes.

J’arrivai chez madame Durancy ; elle me présenta à son mari, comme une excellente acquisition, pour femme de chambre. Il me reçut assez bien, me passa la main par-dessous le menton et me donna un petit soufflet en riant. Quant à madame, elle m’accabla de bontés dont je ne fus pas dupe, présumant que sous peu de temps j’en ferais porter de très hautes à son mari. Effectivement, comme il fut obligé de partir deux jours après pour la campagne ; elle voulut que je couchasse avec elle, et depuis ce temps-là, nous n’avons cessé de faire des nôtres, et je la console d’avance de l’absence et des infidélités prochaines de M. de Varennes. — Et qu’appelles-tu de Varennes, dis-je à Brabant ? — Et c’est ce jeune homme que devant moi elle appelait son mari, que devant vous elle appelle son fils, et qui n’est autre chose qu’un jeune homme très-riche qui vit avec elle depuis quatre ans.

Mais je crains bien que bientôt la belle. Caroline ne supplante Durancy, Elle me disait, il y a deux jours : « C’en est fait, de Varennes m’échappe ; il est fou de la petite Caroline ; mais tu me resteras, n’est-ce pas ma chère Jeannette ? Je suis maintenant assez riche pour faire ton bonheur. Oh ! oui, oui, tu me resteras. » Telle est ma position à l’égard de madame Durancy ; mais quelle différence entre cette femme et l’aimable Caroline ! Je te vis très rarement, comme tu sais ; je n’osais te parler, sachant, d’une part, que tu étais destinée à M. de Varennes, et de l’autre, me voyant surveillé singulièrement par madame Durancy. Ce n’est que pour toi, pour pouvoir te parler, te dire combien je t’aimais, que j’ai feint une grande indisposition lors du départ de nos hôtes, et c’est avec inquiétude que madame Durancy m’a laissé à la maison, et avec une sévère défense, et sous peine d’encourir son indignation, si je te parlais et te découvrais le mystère. — Ah ! cher Brabant, lui dis-je, que je suis heureuse que ce charmant mystère soit découvert. Allons, jurons-nous de nous aimer toujours, et cimentons par mille baisers ce joli serment.

Pendant le peu de jours qui s’écoula encore avant l’arrivée de nos hôtes, il n’est point de sacrifices que nous ne fissions à l’amour, il n’est point de culte bisarre que nous n’inventions pour lui plaire. Brabant en avait beaucoup appris de madame Durancy ; mais notre imagination nous fournit encore mille cérémonies nouvelles et charmantes. Mais, de toutes les positions que nous inventâmes, il n’en est aucune qui nous fit autant de plaisir que celle-ci : nue, j’étais à genoux sur un coussin, la tête baissée sur un autre coussin de même placé sur le parquet, de sorte que mon cul était exhaussé. Brabant, également à genoux sur un coussin derrière ce cul, avait la fente du bonheur à la hauteur de son bijou ; il s’appuie contre mes fesses et m’enconne, et, pendant ce temps, il passe sa main le long de ma hanche, la coule à mon bas-ventre et son doigt est à mon clitoris, tandis que le grand doigt de son autre main est dans le trou de mon cul, et touche entre une toile légère le haut de son Priape enfoncé : par ce moyen, il excite ou arrête le chatouillement mutuel, et l’on peut ainsi, par une manœuvre habile jouir un quart d’heure sans exciter la libation ; mais si alors on lui donne un libre cours, elle est si abondante que l’on se pâme tous deux et que l’excès du plaisir semble nous confondre et nous anéantir ensemble.


Tandis que le doigt de son autre main est dans le trou de mon cul.

— Ah ! pardieu, Caroline, nous allons sur le champ en renouveler l’expérience. — Non, non, Saint-Far, réservons cette manière, comme on dit, pour la bonne bouche, parce qu’en effet, après elle, on ne peut plus rien faire. — Allons, je me résigne.

Cependant madame Durancy et son prétendu mari ou fils arrivent ; fatigués du voyage, ils se retirent de bonne heure. Quant à moi, je me couche tristement en me plaignant de l’absence de mon amant. M. de Varennes vint me voir le lendemain : Caroline, me dit-il, il est temps enfin que je vous rende heureuse, si de votre côté vous voulez consentir à mon bonheur. — Vous avez bien des bontés, lui dis-je ; mais que puis-je faire ? vous savez que je suis, votre très-humble servante. Cet air d’innocence l’enchante ; mais ne s’en fiant pas à l’apparence. Permettez, dit-il, avant d’en dire davantage, de vous considérer à mon aise. Aussitôt, il fit rouler mon lit en face de la croisée, enlève la couverture, et me dit d’écarter les cuisses. Je m’acquittai ingénuement de cet ordre, et je vis bientôt son œil pétiller et son visage s’enflammer par degrés. J’ai oublié de te dire que Brabant m’avait donné pour me laver après nos orgies, d’une eau que se servait madame Durancy. Elle avait la propriété de rafraîchir et de raffermir la peau, d’entretenir l’incarnat de l’entrée du temple de la volupté et de l’amour, et le pauvre M. de Varennes fut, comme toi, dupe sur mon pucelage. Je vis donc cet amant s’extasier ; son œil brillait et son visage s’enflammait par degrés. Tout-à-coup, il se précipite sur moi et me mord la cuisse avec tant de violence que je pousse un cri aigu. La douleur me fait retourner, et soudain il applique ses dents dans mon derrière avec la même fureur. Je me retournai précipitamment : grâce, lui criai-je dans l’excès douloureux qui me pénétre ; j’agite mes bras, mes cuisses en tous sens. M. de Varennes se tient debout et contemple avec avidité tous ces mouvemens occasionnés par la douleur, qui dans un instant lui développe cent fois mes charmes. — Cette petite amie, dit-il, comme elle souffre ! Voyons que je la guérisse. — Ah ! que vous êtes cruel, lui dis-je avec douceur, que vous m’avez fait de mal ! voyez dans quel état vous m’avez mise ; je lui présente bonnement le derrière. — La pauvre enfant, dit-il en y passant légèrement la main ; c’est dommage. Tout-à-coup, il me serre les deux fesses et me les mord toutes deux avec tant de force, que je faillis perdre l’usage des sens : une chaleur cuisante retient mes esprits, alors, tout mon corps bondit de diverses manières ; je l’appelle bourreau, tyran. Dans cet état, de Varennes s’élance sur moi. Trop occupée de mes douleurs, il ne m’entre pas dans l’idée de lui résister, et je ne m’apperçois de ses intentions que lorsque je sens intérieurement l’action de son Priape. L’ayant très-étroit et la route n’étant pas encore bien frayée, je ressentis encore beaucoup de douleur, parce que de Varennes l’avait gros ; d’un autre côté, le mal que me faisait mes fesses me tourmentait au point que, dans la crainte de m’appuyer sur le lit, pour ne pas l’augmenter, je tenais mon derrière suspendu ; les endroits où il m’avait mordu semblaient contenir des pointes aigües, dont la pression subite et répétée augmentait et variait le mouvement de ma croupe. De Varennes ne bougeait pas, il se reposait sur mon activité pour jouir, et si mes douleurs, plus paisibles, arrêtaient leurs effets, il avait la précaution de toucher un peu rudement la partie qu’il avait mordue, alors ma croupe se relevait spontanément, donnait un nouveau prix à ses jouissances, et lui préparait les plus agréables délices, dont sa cruauté seule avait fait les frais. Enfin il s’en fut, après avoir laissé près de moi une bourse considérable ; je tâchais d’oublier mes douleurs en la visitant : elle contenait mille louis. La grandeur du présent me rendait mes douleurs plus supportables, et, me plaçant sur le côté, je cherchai à m’assoupir, la tête appuyée sur un oreiller d’or. J’avais passé deux heures dans cet état quand on vint m’avertir que le dîner était prêt ; mais je répondis qu’une indisposition me retenant au lit, je ne pouvais descendre. Ce ne fut que le surlendemain que je pus me tenir debout.

De Varennes vint me revoir ; je le reçus avec tant d’aigreur, qu’il se retira. Le jour d’après, il se présenta de nouveau, me fit des excuses, que je fus obligée de recevoir. Il me conta alors tout ce que son amour lui avait inspiré pour moi. C’était lui qui exigea de madame Durancy de me prendre chez elle ; c’était lui qui avait surveillé et payé mon éducation et mes maîtres ; c’était lui qui s’était déguisé en femme, et qui s’était présenté sous le titre de couturière ; c’était lui qui était venu la nuit dans mon lit, quand je croyais y recevoir madame Durancy. Après cet exposé de la conduite qu’il avait tenue à mon égard, et après avoir soupiré, disait-il, pour moi pendant six mois, il voulait enfin être mon amant. Il me dit que déjà madame Durancy, qu’il crut m’apprendre n’être pas sa mère, était prévenue, qu’il venait d’assurer son sort, et que sous trois jours il en sera débarrassé. Que, quant à moi, maîtresse de son bonheur, je le serais également de sa fortune, si je voulais être sage et constante. De si brillantes promesses me firent oublier les coups de dents que j’avais reçus. Mon bonheur futur me paraissait assuré, lorsqu’un événement singulier fit avorter tant de beaux projets. Après un dîner…

— Un moment, Caroline ; j’ai bien voulu laisser calmer les douleurs de tes fesses, qui ont fait tant de plaisir à ton brutal amant, avant de jouir de mon droit ; mais maintenant que tu es guérie, permets-moi de te rappeler, mais d’une manière plus douce, la blessure que te fit cet extravagant. — Oh ! mon cher Saint-Far, tu me fais autant de plaisir qu’il me fit de mal. Dieux… quel charme !… quelle vigueur… Tu semble être toujours à ton premier coup… oup… oup… tu m’inondes… Ah ! divin St.-Far, tu es… invincible, et je crains bien d’être vaincue… Eh bien ! donnes-moi donc le macaron et le petit verre… Bien ; mais, où en étais-je ? — Tu en étais après dîner.


FIN DU TOME PREMIER.