Aller au contenu

Chronique de la quinzaine - 31 janvier 1855

La bibliothèque libre.

Chronique n° 547
31 janvier 1855


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


31 janvier 1855.

Il est dans la destinée de cette grande et terrible question qui se débat sur les champs de bataille et dans les conseils de la diplomatie de faire passer l’Europe par toutes les phases, par toutes les complications qu’engendre naturellement une crise où sont en jeu tous les rapports généraux des peuples et leur sécurité commune. Née presque à l’improviste, sans qu’on put pressentir bien distinctement encore ce qu’elle cachait, elle a grandi jour par jour sans que la modération la plus éclatante de la part de l’Occident ait pu en tempérer les effets. Dernière épreuve de cette paix de quarante ans qui n’est plus qu’un souvenir, elle a mis en présence tous les intérêts, toutes les tendances et toutes les forces. Cette alliance presque semi-séculaire, qui existait au nord, elle l’a déplacée en la transportant au sud de l’Europe, amenant par sa gravité même une sorte de remaniement moral du continent. Elle est devenue la raison d’être de tous les faits actuels. En ce moment encore, elle provoque en Angleterre une crise ministérielle qui n’a d’autre motif que la direction de la guerre ; elle place la confédération germanique sous la menace d’une scission redoutable, et elle prépare le ralliement de tous les peuples restés neutres jusqu’ici à la politique européenne par l’accession libre et active du Piémont à l’alliance de la France et de l’Angleterre. Ainsi plus on va, plus cette question s’agrandit et s’étend, exerçant son influence sur toutes les situations, et variant ses effets jusqu’à ce qu’elle finisse par déchirer tous les voiles et par contraindre toutes les irrésolutions à faire un choix. S’il fallait une démonstration palpable de ce qu’il y a eu de sage et ferme prévoyance dans l’initiative prise par les grands cabinets de l’Occident, elle se trouverait dans les événemens mêmes. Sans anticiper sur le résultat de la lutte, on peut dire que la Russie s’est trompée étrangement. Elle n’a point vu que tout se tenait, qu’en risquant sa grande aventure en Orient, elle exposait aussi la prépondérance ! qu’elle s’était si habilement ménagée en Allemagne, et que, la question une fois posée sur ce terrain, il ne restait à l’Europe d’autre alternative que de reconnaître sa subordination vis-à-vis des tsars, ou de rejeter dans ses frontières la politique russe dépouillée de cette influence morale conquise parmi siècle de patiente ambition. C’est bien là la question qui s’agite aujourd’hui en Crimée et à Vienne, par les armes et par les négociations ; c’est celle qui rallie en ce moment les forces de l’Angleterre, de la France, de l’Autriche et du Piémont. Après avoir scellé de sa propre main l’alliance quelque peu imprévue de l’empire français et de la Grande-Bretagne, il ne manquait plus à l’empereur Nicolas, pour dernier miracle, que d’amener l’Autriche et le Piémont à se placer sur le même terrain et à défendre la même cause : il y a réussi.

Il y a donc à l’heure qu’il est deux ordres de faits qui s’accomplissent ou qui vont s’accomplir simultanément. Il y a la guerre qui se poursuit en Crimée dans les plus rigoureuses conditions, il y a les moyens d’action qui se préparent ou s’accroissent, les alliances qui se resserrent ou se forment, et il y a les négociations diplomatiques, dont la Russie a accepté le principe en adhérant aux quatre garanties dont le sens a été précisé par les trois puissances signataires du traité du 2 décembre. C’est la faible lueur de paix qui a brillé récemment. À vrai dire, ces négociations, qui résument toutes les chaînes actuelles d’une pacification prochaine, ne semblent pas près de s’ouvrir, bien qu’on se soit hâté de fixer le jour où elles devaient commencer. Les pouvoirs nécessaires n’ont pas même été envoyés encore aux plénipotentiaires qui auront à prendre part à ces conférences ; à plus forte raison, des plénipotentiaires nouveaux n’ont-ils point été désignés. Si la paix, une paix équitable et forte, doit sortir des négociations qui s’ouvriront, un certain intervalle nous sépare donc encore de ce moment tant désiré. Mais cette paix juste et durable sera-t-elle le fruit des conférences nouvelles ? L’envoyé du 18 tsar à Vienne, le prince Gortchakof, a adhéré purement et simplement, il est vrai, aux conditions qui lui ont été communiquées dans la réunion diplomatique du 7 janvier. Seulement il a été publié depuis une sorte de mémorandum exprimant le sens que la Russie donne à son acceptation. Or il suffit de comparer l’interprétation russe avec le texte même des garanties telles qu’elles ont été expliquées et précisées par les puissances alliées, pour craindre que la diplomatie ne se réunisse que pour reconnaître encore une fois son impuissance. L’Autriche, l’Angleterre et la France n’eussent-elles point réservé leur droit de poser telles autres conditions particulières qui leur paraîtraient exigées en sus des quatre garanties dans l’intérêt général de L’Europe, il resterait encore à s’entendre en ce qui touche la limitation des forces russes dans la Mer-Noire. Rien n’est plus net dans l’interprétation des trois puissances : la prépondérance de la Russie dans l’Euxin doit cesser ; quant aux arrangemens à prendre, ils dépendront des événemens de la guerre. Le cabinet de Pétersbourg accepte le principe, à la condition toutefois qu’il ne soit pas porté atteinte à la souveraineté du tsar chez lui. Il est aisé de voir ce que peut cacher cette simple restriction. Par le fait, la Russie, en ayant l’air de faire une grande concession, retire d’un côté ce qu’elle accorde de l’autre, car il est bien évident que tout ce qui peut tendre à limiter les forces russes dans la Mer-Noire est une atteinte à la souveraineté du tsar. Ce serait donc une illusion singulière de croire que la paix est une œuvre facile, et dans ces conditions que reste-t-il à faire, si ce n’est à prendre tous les moyens de conquérir ces garanties qui sont devenues le symbole de la sécurité européenne en vertu de trois actes successifs et solennels, — l’échange de notes du 8 août, le traité du 2 décembre et l’interprétation récemment adoptée à Vienne ?

C’est là la question qui est posée aujourd’hui et qui se déliai avec un étrange, intérêt au sein de la confédération germanique, surtout entre les deux premières puissances allemandes, l’Autriche et la Prusse. Quelle sera, en fin de compte, la politique de l’Allemagne ? Dans quelle mesure est-elle disposée à prendre part aux événemens ? On ne saurait s’y tromper : ce n’est pas seulement au point de vue de la crise générale, qui agite l’Europe que la décision attendue de la diète de Francfort a une gravité inaccoutumée, c’est au point de vue, de la constitution germanique elle-même. Le concours des forces allemandes réunies peut être d’un grand poids sans nul doute ; mais la persistance dans l’inaction n’aurait plus désormais pour unique effet de retirer à l’Europe un appui, elle entraînerait une scission périlleuse et marquerait peut-être la fin de la confédération germanique. Dans ce grave débat, d’un cédé est l’Autriche avec sa politique aussi intelligente que décidée. Moins que tout autre peut-être le cabinet de Vienne croit à la paix ; il se fait si peu d’illusions sur l’issue des négociations diplomatiques, qu’il n’a point hésité un instant à accepter tous les engagemens du traité du 2 décembre, et c’est ici que se révèle véritablement ce qu’il y avait de grave, de décisif dans cette alliance, complète par elle-même. La paix n’étant point assurée au terme fixé, il n’a point été nécessaire de procéder à un acte nouveau. Il n’y avait plus qu’à délibérer sur les moyens d’exécution ; en d’autres termes, il ne restait qu’à négocier une convention militaire. C’est par suite de ces négociations sans nul doute qu’un commissaire militaire autrichien a été envoyé à Paris. En même temps le cabinet de Vienne réclamait de la Prusse l’exécution de la convention du 20 avril et de l’article additionnel du 26 novembre, en lui demandant la mobilisation de ses forces. Rien n’est moins ambigu que le langage tenu par M. de Buol dans une dépêche du 24 décembre. « La Russie est prête au combat sur la frontière, dit-il ; il devient, dans de telles circonstances, tous les jours plus urgent que la Prusse tienne prête la force nécessaire pour le but de la défense commune. » l’Autriche, s’est également adressée à la diète de Francfort pour lui proposer la mobilisation des contingens fédéraux ; elle ne balance même pas, dans le cas d’un refus, à exprimer l’intention de faire appel aux états allemands qui voudront se joindre à elle. Telle est la série d’actes accomplis par le cabinet de Vienne depuis quelques jours.

Quelle est d’un autre côté la politique de la Prusse vis-à-vis des puissances occidentales et de l’Autriche ? Le traité du 2 décembre a été évidemment un mauvais rêve pour la Prusse ; il n’a fait que réveiller ses jalousies contre l’Autriche. Le cabinet de Berlin a commencé par se plaindre que l’Angleterre et la France eussent négocié ce traité en dehors de la Prusse ; pouvait-il cependant ignorer que des négociations se poursuivaient assidûment à Vienne ? Il a demandé à conclure un traité séparé ; mais si ce traité portait les mêmes engagemens que celui du 2 décembre, à quoi bon une transaction nouvelle et distincte ? S’il devait être moins explicite, de quel prix pouvait-il être pour l’Angleterre et la France ? Le cabinet de Berlin a fini par ne plus rien demander, et alors il a eu recours à son expédient habituel. Après avoir envoyé M. d’Usedom à Londres, le colonel de Manteuffel à Vienne, il a envoyé le général de Wedel à Paris. Quel est le but de cette mission nouvelle ? Il serait certainement inutile de lui attribuer un sens trop significatif. Le général de Wedel vient à Paris pour protester des bonnes dispositions de la Prusse, pour garantir la sincérité de la Russie, pour proclamer les bienfaits de la paix. Vis-à-vis de l’Autriche, la conduite de la Prusse n’est pas moins singulière. Le cabinet de Berlin oppose, le refus le plus formel à la demande que lui adresse le cabinet de Vienne de mettre ses forces sur pied. Non-seulement il refuse quant à lui, mais dans la diète même il s’oppose à la mobilisation des contingens fédéraux réclamée par l’Autriche, — et chose étrange, au moment même où elle décline tous les engagemens, où elle s’ingénie à éluder toutes les responsabilités, la Prusse revendique le droit de participer aux négociations qui vont s’ouvrir, comme grande puissance et comme signataire du traité du 13 juillet 1841. Ainsi donc c’est en ces termes que la question est aujourd’hui poste au sein de la diète. Le cabinet de Vienne propose la mobilisation des forces fédérales, et il est combattu pur la Prusse, qui a immédiatement manifesté son opposition. L’Autriche aura sans doute pour elle le Hanovre, Nassau, Hesse-Darmatadt, Bade, peut-être le Wurtemberg ; mais cela ne suffirait pas pour constituer en sa faveur une majorité. Au dernier moment, la Bavière pourrait incliner vers l’Autriche, à la condition toutefois de la chute du premier ministre, M. von dar Pfordten. Si l’on veut au reste se faire une idée des racines jetées par l’influence russe parmi tous ces états germaniques, un mot récent prononcé par un des souverains de l’Allemagne le révèle assez : « Comment aurions-nous la paix ? disait avec une simplicité naïve ce souverain ; on traite l’empereur Nicolas comme un homme, et par ses glandes qualités c’est plus qu’un homme, c’est presque l’égal du créateur ! »

La politique la plus étrange en tout cela, sans contredit c’est celle de la Prusse cherchant à se soustraire à tout devoir et finissant par revendiquer le droit d’intervenir dans la solution de la crise qui pèse sur l’Europe, c’est là aussi ce qui fait la gravité de la situation de l’Allemagne. Il arrive malheureusement ici ce qui ne pouvait manquer d’arriver, c’est qu’après avoir épuisé tous les subterfuges, tous les faux-fuyans d’une politique complètement chimérique, pour éluder les obligations d’une grande puissance, la Prusse se réveille tout à coup à l’heure la plus décisive, étant sans engagemens, il est vrai, mais aussi sans influence, — et comme cela n’est jamais agréable de s’avouer qu’on n’agit point en grande puissance, la Prusse se révolte presque ; le cabinet de Berlin déclare qu’il se montrera inébranlable, qu’il fera appel à la fidélité et au courage du peuple, prussien, si on persiste à l’écarter des négociations, comme on parait devoir le faire. Certes personne en Europe n’a contesté à la Prusse son rang, sa position, son influence ; nul n’a parlé avec dédain du peuple prussien. Ce n’est pas l’Europe qui a amoindri la Prusse, c’est la Prusse qui s’amoindrit elle-même. Il faut bien le remarquer en effet : le rang et la position d’une grande puissance ne sont pas un mot sonore, une dignité oisive. Les droits qu’une grande puissance est fondée à revendiquer et à exercer sont exactement dans la mesure des engagemens qu’elle est prête à contracter et des efforts qu’elle est disposée à faire pour soutenir ses engagemens. Or qu’a fait la Prusse depuis un an ? Toujours on l’a vue essayant de pénétrer partout et mettant toujours toute sa politique à parler sans agir, à conserver une sorte d’irresponsabilité, à bien constater qu’elle ne s’engageait à rien. La Prusse invoque le traité de 1841, qu’elle a signé. Elle a figuré en effet dans cette convention, qui est malheureusement le seul lien par lequel l’état de l’Orient se rattache à l’équilibre européen ; mais ce traité de 1841 lui-même, qu’a fait le cabinet de Berlin pour le défendre, pour maintenir sa force, pour faire prévaloir son esprit au moment du danger ? Qu’importe que, la Prusse ait pris part à celle transaction comme grande puissance, si elle n’est point conséquente avec sa position, avec ses engagemens, si elle n’a point rempli ses obligations anciennes, de même qu’elle se refuse à remplir ses obligations plus récentes ? La Prusse ne saurait prétendre devoir à l’inaction ce qui pour d’autres est le prix des plus sérieux sacrifices ou d’une politique très décidée. Cela est cruel à s’avouer sans doute, quand on descend du grand Frédéric : la Prusse est hors des négociations, tant qu’elle n’aura pas du moins accepté les obligations d’une grande puissance : mais à qui la faute de cette extrémité, si ce n’est à elle-même ? Et que veut dire aujourd’hui le cabinet de Berlin, quand il parle de sa résolution inébranlable de maintenir sa position et son influence dans les grandes affaires de l’Europe ? Fera-t-il la guerre pour soutenir son droit de coopérer aux négociations ? Qu’on ne s’y trompe pas, ce serait tout simplement préparer une alliance avec la Russie ; ce serait aussi pour la Prusse le désaveu d’une politique qu’elle a sanctionnée en principe, si elle n’a voulu rien faire pour elle, et en définitive ce serait une amende honorable entre les mains de la Russie, dont elle aurait irrévocablement accepté la suzeraineté, et qui la recevrait à résipiscence avec hauteur. L’empereur Nicolas lui ferait adresser des lettres de félicitation pour sa bonne conduite, comme au duc de. Mecklembourg. Cherchera-t-elle encore à se maintenir dans cette neutralité qui la met à une égale distance de tout le monde ? Il est bien clair que cela n’est plus possible aujourd’hui. La Prusse finira-t-elle par se rattacher décidément et franchement à la politique européenne ? Il n’y a point pour elle d’autre moyen de retrouver cette position de grande puissance qu’elle a compromise, et qu’elle aurait pu si aisément conserver. Là est aujourd’hui le problème de la politique allemande. Si la Prusse a pu nourrir la pensée secrète, en se séparant de l’Autriche et en préparant le déchirement de la confédération, de faire revivre son rêve de l’union restreinte de l’Allemagne du nord, le rôle qu’elle a joué en 1850, les cruelles déceptions que lui Infligea la politique du prince de Schwartzenberg ne sont peut-être pas de nature à l’encourager beaucoup.

Cette décision que n’a point su avoir le cabinet de Berlin, un gouvernement qui n’y était point obligé l’a eue : c’est le gouvernement piémontais. Si la Prusse n’arrive enfin à adopter une politique plus conforme aux intérêts de l’Europe et à son propre intérêt, elle aura montré sans le vouloir comment on cesse d’être une grande puissance. Ce sera le mot de son histoire dans la crise actuelle. Le Piémont montre comment on devient une puissance respectée et ascendante, qu’on nous permette ce terme. Avec des forces très inégales, le Piémont a plus d’un trait commun avec la Prusse. Ce que la monarchie prussienne est en Allemagne vis-à-vis de l’Autriche, le Piémont l’est en Italie ; mais il ne s’est point laissé guider par un sentiment étroit de jalousie contre l’Autriche, qui malheureusement ne semble point étranger aux conseils de la politique de Berlin. Ce n’est pas au traité du 2 décembre qu’a adhéré le Piémont, c’est à l’alliance signée le 10 avril entre la France et l’Angleterre. Quinze mille Piémontais doivent se rendre en Crimée, non comme simples auxiliaires, mais sous leur drapeau. L’Angleterre et la France doivent transporter ces troupes et faciliter au cabinet de Turin la négociation d’un emprunt de vingt-cinq millions. Le Piémont a vu s’ouvrir une crise européenne, et il y est entré résolument. C’est là en réalité la tradition permanente de la maison de Savoie. C’est par cette politique toujours prête à l’action que le Piémont s’est formé et a grandi. « Surtout, avaient l’habitude de dire les souverains de ce petit pays à leurs ambassadeurs, surtout tâchez que rien ne se fasse sans nous. » Ainsi agit aujourd’hui le cabinet de Turin. « Le Piémont, disait tout récemment le président du conseil, M. de Cavour, en est venu à compter en Europe plus que ne semblerait le réclamer son territoire limité, parce qu’au jour du péril commun il a toujours su affronter le sort commun. » Le mérite du gouvernement piémontais est d’avoir donné à tous les états l’exemple d’une initiative intelligente et courageuse dans une crise comme celle qui se déroule, où les neutralités finissent toujours par devenir très difficiles, sinon impossibles. Tel a été le résultat de toutes les guerres qui ont eu pour objet l’équilibre de l’Europe ; il n’en saurait être autrement aujourd’hui. La Russie l’a bien senti ; aussi s’est-elle efforcée de proposer un peu partout des alliances garantissant des neutralités qui n’étaient point menacées par les puissances occidentales, et que la force des choses seule peut transformer en interventions actives. La Russie a trouvé un allié naturel dans les États-Unis, qui ne demandent pas mieux que de prolonger les luttes intestines de l’Occident. Les deux nouveaux alliés ont fait peu de prosélytes en Europe, il faut le dire. La proposition de signer des traités de neutralité a échoué sur plus d’un point, notamment en Hollande. Elle ne semble avoir eu de succès jusqu’ici qu’auprès du roi de Naples, et la politique napolitaine aurait pu se placer peut-être à l’abri de garanties moins douteuses. Assurer à la Russie une neutralité qui n’est point menacée par les puissances occidentales, n’est-ce point manifester à l’égard de ces puissances des dispositions qui pourraient n’être pas sans péril ? N’est-ce point soulever une difficulté qu’il eût été plus prudent au roi de Naples de ne pas laisser naître pour sa sécurité même ? Que peut gagner le gouvernement napolitain à manifester, ainsi qu’il le fait, ses sympathies pour la Russie et ses antipathies contre l’Autriche ?

Les affaires générales de l’Europe, comme on le voit, font sentir partout leur influence et réagissent sur toutes les situations. Une de leurs conséquences les plus frappantes aujourd’hui est la crise ministérielle qui vient de s’ouvrir en Angleterre, qui a commencé par la démission de lord John Russell pour finir par la retraite du cabinet tout entier. Ce n’est pas que cette crise fût imprévue ; elle était apparue déjà comme imminente dans la session du mois de décembre : il n’y a eu d’imprévu que les circonstances, la manière expéditive dont lord John Russell s’est hâté de quitter le pouvoir, espérant sans doute faire une fausse sortie et faisant une sortie très réelle et peut-être définitive. C’est à l’occasion d’une motion proposée par M. Roebuck à la chambre des communes, et tendant à instituer une enquête sur la direction de la guerre et sur la situation de l’armée anglaise en Crimée, que lord John Russell s’est trouvé tout à coup saisi de scrupules. Il n’a pu puiser dans sa conscience, a-t-il dit, aucun motif pour combattre une motion dans laquelle ses collègues naturellement voyaient un acte de défiance. La vérité est que l’état de l’armée est aujourd’hui une des plus vives préoccupations au-delà du détroit. Il y a en Angleterre une complication singulière d’opinions et de dispositions morales ; il y a incontestablement un désir universel de voir la guerre se poursuivre, avec énergie et porter ses fruits, et il y a ce sentiment de patriotisme attristé et en quelque sorte impuissant en présence des malheurs qui ont frappé l’armée anglaise devant Sébastopol. Les peintures des journaux ne fussent-elles qu’à moitié vraies, il en resterait assez pour émouvoir un peuple ; c’est de là qu’est née la motion de M. Roebuck.

Mais quel est le coupable de cette situation ? C’est évidemment un peu tout le monde ; c’est la nation anglaise elle-même, flattée dans son orgueil politique de n’avoir pas besoin de fortes institutions militaires ; c’est la chambre des communes, qui a toujours employé ses efforts à réduire le budget de la guerre ; c’est cette succession de ministères qui ont tous invariablement suivi le parlement dans cette voie de réductions. Le cabinet qui vient de finir assez tristement a sa part sans doute dans cette politique, mais il n’a pu faire que l’organisation de l’armée fût autre qu’elle n’est, que les services administratifs fussent à la hauteur des circonstances. Il s’en est suivi une situation où l’armée anglaise a cruellement souffert et où probablement personne n’eût fait plus et mieux que le ministre de la guerre, le duc de Newcastle. Le cabinet anglais d’ailleurs, fût-il coupable, il le serait tout entier, et c’est ce qui a rendu plus étrange la démarche de lord John Russell, qui a eu l’air de diviser la responsabilité et de décliner toute solidarité avec ses collègues en se retirant devant la motion de M. Roebuck. Lord John Russell n’a réussi qu’à assurer le succès de cette motion et à mettre au premier rang lord Palmerston, universellement désigné aujourd’hui comme le chef d’une administration nouvelle et le directeur des affaires de la guerre. C’est là en effet qu’aboutit cette crise. Ainsi finit un ministère qui avait réuni les forces politiques les plus considérables de l’Angleterre. Il avait l’apparence de la grandeur et de la puissance par sa composition, il avait la faiblesse de tous les cabinets de coalition. Les complications européennes étaient venues offrir un aliment de plus aux antagonismes qui étaient son essence même, en mettant en présence les inclinations plus volontiers pacifiques de lord Aberdeen et les tendances plus nettes, plus décidées de quelques autres de ses collègues. Cependant les nécessités d’une grande situation avaient, pour le moment du moins, suspendu ces luttes intérieures. C’est la guerre qui a prolongé sans nul doute l’existence du ministère anglais, c’est la guerre qui le tue. Son heure était arrivée ; la motion de M. Roebuck n’eût-elle point été adoptée, lord Aberdeen paraissait décidé à se retirer. Ce qui est certain, c’est que le ministère qui viendra, et dont lord Palmerston sera probablement le chef, n’arrivera au pouvoir que pour conduire la lutte avec plus d’unité et pour porter une attention nouvelle sur toutes les parties de l’organisation militaire de l’Angleterre.

Ces crises politiques elles-mêmes, contre-coup intérieur de la situation générale, dénotent l’intérêt que le peuple anglais attache à la guerre. S’il n’y a point en France le même mouvement, il y a les mêmes préoccupations, qui se révèlent à d’autres signes, par le résultat de l’emprunt entre autres, quelque confiance qu’on put avoir dans le succès de l’emprunt, il eût été assurément difficile de prévoir quelles proportions allait prendre cette grande souscription ouverte dans le pays. Au mois de mars dernier, lors de la réalisation du premier emprunt, le chiffre de la souscription ne s’était point élevé au double de la somme demandée ; aujourd’hui il représente plus de quatre fois cette somme. L’emprunt est de 500 millions, et le chiffre des souscriptions s’élève, à peu de chose près, à 2 milliards 200 millions. D’après le décret réglementaire de l’emprunt, les souscriptions de 500 fr. et au-dessous ne devaient être réduites que dans le cas où elles dépasseraient elles-mêmes le chiffre total demandé, et elles se sont élevées à 836 millions. La part des souscriptions étrangères est de 300 millions. Que l’emprunt par ses conditions offrit un placement avantageux, cela est évident ; mais il tire certainement aussi des circonstances une signification particulière. Le résultat prouve surtout ce que la France peut mettre de ressources à la disposition des grandes et justes entreprises. Si les moyens financiers sont une des conditions essentielles de la guerre, l’état de l’armée en reste sans nul doute le premier élément, et ce n’est pas dans un tel moment qu’il est inutile de s’occuper de son organisation et de son bien-être. Le gouvernement vient de proposer au corps législatif une loi qui tend à régulariser le système des assurances militaires, en faisant sortir de la combinaison nouvelle les moyens de former une dotation de l’armée. Désormais, d’après la loi, ceux qui voudront s’exonérer du service militaire devront payer, à l’état des prestations dont le taux sera fixé chaque année, et l’ensemble de ces prestations formera la dotation de l’armée, qui pourra s’accroître également par des dons et des legs. Cette dotation de l’armée, sera consacrée à favoriser les réengagemens par un système de primes, et à augmenter la pension de retraite des sous-officiers et des soldats. Comme on le voit, dans toutes les questions reparaît la préoccupation militaire.

Et tandis que se déroulent tous ces incidens extérieurs et intérieurs où la guerre est toujours au premier rang, il n’existe pas moins des faits généraux qui suivent leur cours, qui sont un des signes les plus curieux du travail de la civilisation contemporaine, et qui sont dignes de toute l’attention des gouvernemens. On a pu l’observer récemment par un remarquable rapport de M. Heurtier, président d’une commission chargée d’étudier les différentes questions qui se rattachent à l’émigration européenne. Certes ce mouvement de diverses populations de l’Europe qui s’en vont dans le Nouveau-Monde pour y chercher une existence moins précaire ou des chances de fortune, ce mouvement est un des phénomènes les plus étranges de notre temps. Qu’on songe que depuis 1815 près de quatre millions d’hommes ont émigré d’Angleterre. Dans une des dernières années encore, le chiffre des émigrans a été de plus de trois cent mille. D’année en année, l’émigration allemande s’accroît dans les mêmes proportions. Quelles sont les causes de ce mouvement ? La difficulté d’arriver à la propriété dans certains pays de l’Europe y est pour beaucoup sans doute : en France, où les conditions générales d’existence sont plus faciles, les émigrations sont peu nombreuses ; mais la France a un autre intérêt dans cette question : elle a un intérêt de commerce et de navigation à devenir le point de transit des émigrations allemandes. C’est là aussi l’objet d’un règlement élaboré dans la commission présidée par M. Heurtier, règlement qui a pour but d’assurer aux émigrans, par une protection permanente, toutes les garanties de sécurité et toutes les facilités dans leur voyage.

Ainsi se mêlent les faits les plus divers. Des nations qui se choquent pour raffermir au prix du sang leur sécurité menacée et arriver à se rasseoir dans leur équilibre, des populations qui se déplacent pour aller loin de leurs vieux foyers à la poursuite du bien-être ; des guerres, des émigrations, des exodes, selon le mot appliqué aux expatriations en masse des Irlandais ; l’industrie qui marche au pas de course, le commerce qui se multiplie, c’est là un des côtés grandioses du monde de cette époque : vaste mouvement au sein duquel l’intelligence, un instant confondue en quelque sorte, cherche ses voies, qu’elle ne trouve pas toujours, aspire à revivre d’une vie agrandie et épurée ! Quelque soit en effet ce mouvement, quelque extension qu’il prenne, quelques merveilles qu’il enfante, il ne sera rien, ou il ne sera qu’un rêve éblouissant conçu dans la fièvre de la richesse, s’il lui manque cette gamme secrète d’où naissent la littérature et les arts. Mais la question est de savoir quelle influence cet immense déploiement des forces matérielles exerce sur le travail Intellectuel, quelle connexité il y a entre ces intérêts positifs et cette vie idéale ; la question est de savoir aujourd’hui d’où vient la littérature et où elle va. Dans le passé, on n’en saurait douter, l’intelligence de notre siècle a eu à travers tout un éclatant essor. Tour à tour passionnée, éloquente, sérieuse, puérile, audacieuse, coupable même, elle a été le reflet d’un temps dont elle a partagé toutes les fortunes. Voici cependant que non-seulement en France, mais dans tous les pays, il se produit une sorte de transition et d’attente, comme un travail nouveau de recueillement : moment propice pour s’interroger sur cette période qui s’achève à peine. Il y a de moins la passion de la lutte, et c’est sans doute le gage d’un jugement plus libre et plus exact. Il y a de plus aussi des déceptions, une certaine lassitude, et c’est peut-être la source d’un pessimisme contre lequel il faut savoir se prémunir. Ce qui n’est point douteux, c’est que cette époque de tentatives littéraires qui a commencé il y a près d’un demi-siècle, et qui semble prendre fin, est là avec ses lacunes, avec ses faiblesses, comme aussi avec ses résultats durables. M. Alfred Nettement avait déjà écrit une histoire littéraire de la restauration ; il publie aujourd’hui une Histoire de la Littérature française sous le gouvernement de juillet. Eloquence parlementaire ou religieuse, études historiques, poésie, roman, théâtre, critique, polémique, pamphlet, M. Nettement parcourt toutes ces voies, où l’intelligence contemporaine a laissé la marque d’elle-même. Comment se fait-il pourtant qu’une telle étude ne laisse qu’une idée très inexacte de l’époque qu’elle veut reproduire ? Il ne faut point méconnaître dans ces pages un véritable effort d’impartialité ; mais cette impartialité même ressemble à un artifice de rhétorique. Dans le fond, l’Histoire de M. Nettement, s’il faut le dire, est une amplification sans nouveauté, une étude sans profondeur, une analyse qui passe le plus souvent à côté de la réalité. On a reproché à des écrivains de se perdre dans les nuances ; ce n’est pas M. Nettement qui se perd dans les nuances : il a ses lignes toutes tracées.

Le procédé est bien simple. Voici une société qui se réveille tout à coup en 1830 en proie à une crise formidable, qui travaille péniblement à se rasseoir, livrée aux influences les plus contraires et les plus violentes ; voici, d’un côté, une école traditionnelle, monarchique et religieuse ; voici, d’un autre côté, ce que M. Nettement appelle le rationalisme, qui dans son triomphe se diversifie eu toute sorte de nuances ! Bien : maintenant marchez, tout se rangera à ce double point de vue ; vous avez la clé des jugemens de l’auteur sur les hommes et sur les choses, de ses procédés et de ses divisions. Quant à la conclusion, on ne la demandera point sans doute. Dans le domaine religieux et politique même, nous disons que ces classifications, qui oui une apparence très compréhensive et très supérieure, sont dans le fond une expression très inexacte et très arbitraire de la réalité. Si on cherchait bien où a été parfois la révolution depuis trente ans, il se pourrait qu’on la rencontrât là où ne la place pas M. Nettement, et c’est assurément d’une certaine manière d’interpréter les choses religieuses qu’est né un des goûts les plus périlleux de notre temps pour toutes les choses révolutionnaires. Ce n’est point par des distributions factices des hommes et des opinions que l’auteur aurait pu tracer un tableau vrai et puissant de la vie morale de cette époque dont il s’est fait l’historien ; c’est en pénétrant au cœur même de la société, en l’interrogeant dans ses profondeurs, en replaçant dans son cadre mouvant et libre tout ce travail des idées et des mœurs. Il en faut seulement conclure que les dissertations et les divisions de M. Nettement sont par malheur très insuffisantes, même au point de vue politique.

Qu’est-ce encore, lorsque ces classifications sont transportées dans le domaine des lettres ! M. Nettement croit remarquer que bien des écrivains de notre temps manquent d’esthétique. Il a, quant à lui, une esthétique : elle se résume dans un mot, c’est la théodicée ! Si un historien laisse à désirer, c’est que sa théodicée est incomplète ; si un poète tombe dans l’aberration, c’est que sa théodicée a été en défaut ; si un critique émet des jugemens contestables, c’est que bien évidemment il n’a point de théodicée. La règle est claire et simple, et il n’a pas fallu de grands efforts d’invention pour la trouver ; elle n’a qu’un malheur, celui de ne rien expliquer. Assurément pour quiconque prétend agir par la pensée sur son temps, pour l’historien comme pour le poète, pour l’inventeur comme pour le critique, c’est un imprescriptible devoir, c’est même, ajouterons-nous, un avantage immense d’avoir la conscience assurée sur certains points, sur certains principes immortels qui dominent la vie humaine, de porter dans son esprit cette lumière intérieure des notions immuables. Cela suffit-il cependant pour expliquer toutes les évolutions de l’intelligence, pour apprécier, classer et étiqueter tous les travaux d’une époque littéraire ? Soit donc : nous aurons des historiens, des poètes, des critiques, qui ont une théodicée, et ceux qui n’ont point de théodicée. Mais la vie même des lettres, le caractère des talens, le mystérieux travail du génie poétique, l’originalité des couvres et des esprits, l’influence permanente et mutuelle de la société sur la littérature, de la littérature sur la société, c’est là justement ce que l’auteur ne montre pas. Sait-on où est placé très dogmatiquement M. Alfred de Musset ? L’auteur du Caprice est naturellement quelque peu étranger à la théodicée : il est placé dans l’école rationaliste, et il a pour voisins M. de Pongerville. M. Arnault et M. Viennet ! Soyez donc un poète éloquent et inspiré pour être jugé de la sorte, pour vous entendra appeler rationaliste ! Il y a ainsi dans l’Histoire de M. Nettement quelque chose d’entièrement convenu ; ses rapprochemens sont très factices. Les filiations qu’il retrace sont le plus souvent arbitraires, et même ses observations sur les faits littéraires ne sont pas toujours exactes, tant s’en faut ! En étudiant M. Alfred de Musset et un de ses poèmes, Rolla, M. Nettement ajoute qu’on n’avait rien entendu de semblable aux accens du poète depuis la confession navrante de Jouffroy racontant comment une nuit il avait senti la foi s’envoler de son âme. Il n’y a qu’un inconvénient ici, ce nous semble, C’est que les pages de Jouffroy ont vu le jour dix ans après Rolla. C’est ainsi que M. Nettement a écrit un livre qui est moins une histoire qu’un ensemble de dissertations où manque surtout le vif et juste sentiment des choses littéraires. Sa critique a un défaut essentiel assez commun de notre temps. Il semble parfois qu’on n’ait plus une notion exacte de la proportion des œuvres et des hommes. Dans le bilan des études historiques de notre siècle, M. Nettement parlera avec le même accent sérieux de M. Augustin Thierry et de M. Gabourd ; M. Mérimée, aura tout juste sa mention auprès de M. Paul Féval ! Il en résulte que les éloges perdent singulièrement de leur prix précisément parce qu’ils ne se fondent pas sur une juste appréciation. Nous serions presque tentés de défendre un de nos plus ingénieux collaborateurs, M. de Pontmartin, qui a sa place dans l’histoire nouvelle. M. Nettement s’appuie fréquemment des opinions littéraires de M. de Pontmartin, et ce ne sont pas les moins bonnes pages de son livre ; mais en même temps il transforme les nouvelles du spirituel écrivain, qui vient de publier encore aujourd’hui un agréable et élégant volume, le Fond de la Coupe, en une réaction contre les romans de Mme Sand ! C’est là ce que nous appelons un genre d’éloges très périlleux. Heureusement M. de Pontmartin, en homme d’esprit, s’est vengé tout de suite : il a appelé l’Histoire de M. Nettement un monument !

Dans cette vie littéraire, qui a ses heures d’éclat et ses heures douteuses, qui voit se succéder les incidens les plus divers, il y a parfois, en vérité, d’étranges contrastes, de singuliers mélanges de faits d’une nature à coup sûr fort opposée. Tandis que la littérature cherche à vivre, tandis que les livres se multiplient, tandis que M. Scribe faisait représenter l’autre jour encore au Théâtre-Français une œuvre nouvelle, la Czarine, qui met en vaudeville le monde russe, Pierre le Grand et Catherine, fort étonnés sans doute de passer tour à tour d’un opéra-comique à une comédie, il s’est trouvé un homme qui a un nom, un rang dans les lettres, et qui est allé mourir tristement au coin d’un carrefour innommé : c’est M. Gérard de Nerval. Comment est-il mort ? C’est là ce qu’il ne faudrait pas même trop rechercher. Il suffit de ces douloureux détails d’un homme de talent mourant à l’aventure, trouvé le matin dans une rue et disparaissant du monde à l’improviste. On connaît cet esprit fin, pénétrant, curieux et humoristique, qui s’est joué dans tant de pages charmantes des Femmes du Caire, ou de ce dernier récit de Sylvie, tout plein d’une grâce rêveuse et émue. Certes, s’il est un genre de talent qui dût faire pressentir une telle mort, ce n’est point celui-là. Malheureusement cet homme inoffensif et doux vivait par l’esprit dans un monde étrange de rêveries impalpables, et sa vie réelle, il la traînait un peu partout. Dans cette lutte du rêve et de la réalité, son intelligence avait semblé s’obscurcir plus d’une fois ; elle reparaissait toujours douce et simple comme celle d’un enfant, et il retrouvait tout son goût, toute sa finesse littéraire. Il n’a point résisté à une dernière épreuve, et il a disparu sans bruit, tristement, mais en laissant des pages qui ont leur place dans la littérature de notre temps par une certaine originalité contenue et saisissante. Ainsi la littérature a ses épisodes, comme la politique a les siens.

Mais la politique, c’est la vie même des peuples, c’est l’ensemble de leurs intérêts et de leurs affaires, c’est cette succession d’actes et de manifestations par lesquels ils jouent leur rôle sur la scène du monde. Le Piémont a eu depuis quelques jours le privilège d’appeler sur lui l’attention par l’initiative intelligente qu’il a prise en entrant dans l’alliance des puissances de l’Occident. Cette grande affaire a eu même un côté tout intérieur ; elle a provoqué la retraite du ministre des affaires étrangères, le général Dabormida, qui tenait, à ce qu’il paraît, à ce que l’Angleterre et la France prissent l’engagement de faire lever le séquestre mis par l’Autriche sur les biens des Lombards nationalisés piémontais. C’est le président du conseil, M. de Cavour, qui a pris le portefeuille des affaires étrangères, et qui a signé le protocole portant l’accession du Piémont. Cette accession, il s’agit aujourd’hui de la faire continuer par les chambres, et déjà cette question a été soumise au parlement. Les premières dispositions de la chambre des députés ont été entièrement favorables, et en cela la chambre ne fait qu’exprimer la véritable opinion du pays. Si l’acte accompli par le cabinet de Turin a rencontré quelque opposition, c’est dans les rangs des partis extrêmes. Du reste, dès le début même de cette discussion, M. de Cavour s’est placé très nettement sur le véritable terrain, en montrant l’intérêt qu’avait le Piémont à prendre rang dans une lutte qui peut ouvrir toutes les perspectives, si elle se prolonge. Ce n’est pas là cependant le seul fait qui vienne aujourd’hui se mêler à l’histoire de ce petit peuple. À peu de jours de distance, le Piémont a vu mourir la reine Marie-Thérèse, veuve de Charles-Albert, et la reine régnante, Marie-Adélaïde, femme du roi Victor-Emmanuel. La reine Marie-Thérèse était une archiduchesse d’Autriche, fille de l’ancien grand-duc de Toscane Ferdinand III. Elle s’était associée à la destinée de Charles-Albert, et avait voué à sa mémoire un culte dévoué et profond. La reine Marie-Adélaïde était aussi une archiduchesse, fille de l’archiduc Renier, qui a gouverné longtemps la Lombardie avec sagesse. Liée à l’Autriche par la naissance, femme d’un prince qui se battait pour l’indépendance italienne, elle avait su en 1848, rester dans une position qui lui attirait toutes les sympathies et tous les respects. La mort de ces deux reines a été un deuil public dans le Piémont, parmi ces populations accoutumées à s’associer à tous les succès comme à toutes les douleurs de la maison de Savoie. Quand de telles manifestations se produisent dans un pays, elles sont à coup sûr plus qu’un fait ordinaire ; elles sont l’expression d’un sentiment monarchique vivace et puissant, elles révèlent dans ce qu’elle a de plus touchant l’intime alliance d’un peuple et de sa maison royale.

Si on observe dans leur ensemble les grandes affaires du monde, les relations générales qui se forment ou se développent, on n’aura point de peine à voir quelle place est réservée à ces questions d’équilibre et d’influences par lesquelles les peuples et les gouvernemens cherchent à maintenir à tout prix une certaine réciprocité de droits, une certaine égalité de forces. Depuis longtemps, à vrai dire, c’est le but de toutes les guerres et le dernier mot de toutes les pacifications. Il s’agit toujours d’empêcher ces accumulations de puissance qui deviennent bientôt une menace pour tous les rapports et toutes les indépendances. Sous une forme ou sous l’autre, dans les conditions les plus diverses, ces questions sont un des premiers élémens de la politique contemporaine. Elles ne sont pas d’ailleurs exclusivement propres au vieux continent. Lorsque par-delà l’Atlantique quelque tentative nouvelle des États-Unis vient rappeler l’attention de l’Europe sur cet agrandissement permanent et démesuré d’une race, qu’est-ce autre chose au fond qu’une grande question d’équilibre qui s’agite ? Le Brésil n’est point sans doute au sud de l’Amérique ce que les États-Unis sont au nord. Sa politique cependant ne laisse point, toute proportion gardée, de tendre au même but. Il ne décline nullement l’ambition d’une certaine suprématie dans cette portion méridionale du Nouveau-Monde. Cela s’explique : le jeune empire américain a l’avantage d’un gouvernement qui par sa forme n’est point sujet à toutes les instabilités. Ses intérêts se développent rapidement, son commerce grandit, ses finances sont dans une prospérité réelle. Par sa position, il touche à tous les autres pays de l’Amérique du Sud, et il domine les principales artères par où la vie pénétrera dans ce grand continent. Il représente une force relativement compacte ; dirigée avec suite, avec intelligence, au milieu d’états sans direction et en dissolution. Il n’y a pas loin de là à la tentation d’exercer une sorte de haut protectorat par des interventions habiles, par la promulgation d’un droit américain entièrement adapté aux vues et aux intérêts du Brésil. Cette politique extérieure brésilienne est une chose digne de remarque ; elle a été pratiquée pendant cinq ans par un des hommes d’étal les plus distingués de l’empire, par M. Paulino Soarès de Souza, qui a été ministre, des affaires étrangères de 1848 à la fin de 1853, et qui l’a léguée à son successeur, M. Limpo de Abreu, le ministre actuel dans le cabinet présidé par M. Carneiro Leâo, vicomte de Parana. Seulement la politique du cabinet de Rio-Janeiro soulève ici des difficultés de plus d’une espèce. En profitant de l’anarchie de certains états américains pour s’immiscer dans leurs affaires, le Brésil risque d’exciter les susceptibilités nationales de tous les autres et de ceux-là même auxquels il prête un secours onéreux. En cherchant à faire prévaloir sur certains points, tels que les grandes questions de navigation, une politique sud-américaine qui consisterait tout à la fois à attirer l’Europe et à lui refuser tout droit d’action directe, il éveille naturellement les justes défiances des gouvernemens de l’ancien monde. Il s’expose enfin à se trouver en conflit avec les États-Unis eux-mêmes, qui veulent bien l’Amérique pour les Américains, à la condition de dominer, en ce qui les concerne, au sud comme au nord.

Ces tendances et ces complications se sont manifestées dans quelques incidens qui sont loin d’être arrivés à leur tenue, et qui ont au fond une certaine connexité, bien qu’ils soient d’un ordre assez différent. Le premier, c’est l’intervention du Brésil dans la République Orientale. Il y a un an bientôt que les soldats brésiliens sont allés à Montevideo, à moitié appelés, à moitié subis par le gouvernement oriental dans une heure de détresse. Or quel est le sens de cette intervention ? quel en sera le terme ? C’est là évidemment ce qui n’a pu manquer d’attirer l’attention de la diplomatie européenne, qui a eu trop souvent à s’occuper des affaires de la Plata pour rester complètement indifférente aujourd’hui en présence d’un fait aussi considérable que le séjour prolongé d’un corps brésilien à Montevideo. Ce n’est pas que le Brésil n’ait plusieurs fois cherché à rassurer l’Europe. Dès l’origine, le ministre des affaires étrangères de Rio-Janeiro, M. Limpo de Abreu, s’efforçait, dans une circulaire, de préciser le but de l’intervention et d’en limiter la durée aux nécessités de la pacification de l’Uruguay. Depuis lors, un protocole signé à Montevideo stipule encore que la durée de l’intervention dépendra de l’accord des deux gouvernemens, et qu’elle ne pourra dépasser dans tous les cas la période de la présidence actuelle. Le cabinet impérial s’engage en outre à évacuer l’Uruguay le jour où la République Orientale lui déclarera que les circonstances rendent inutile la présence des troupes brésiliennes. Ce sont la sans nul doute des assurances formelles ; mais si, comme cela est à craindre, la pacification de l’état oriental n’est rien moins qu’assurée d’ici à longtemps, si l’action de la politique brésilienne elle-même est un élément d’agitation, qu’arrivera-t-il ? Établi à Montevideo, le Brésil est de plus aujourd’hui en rupture ouverte avec le Paraguay, et une force navale a même reçu l’ordre, dit-on, de partir de Rio-Janeiro pour aller remonter le Parana. Il en résulte que sur trois états possesseurs de ces grandes voies navigables, le Brésil tient l’un d’eux par la présence de ses soldats et menace le second. Ne peut-on pas entrevoir dans ces faits le dessein prémédité et suivi d’arriver à établir sous une forme ou sous l’autre la prépondérance impériale dans la Plata ? Or c’est là le danger qui est de nature à tenir l’Europe en éveil. C’est là le fait caractéristique de la politique brésilienne sur ce point de l’Amérique du Sud.

La politique du Brésil dans la Plata est d’autant plus à observer de près, qu’elle peut influer sur l’avenir d’une autre question immense, celle de la navigation des fleuves américains. Depuis quelques années, on le sait, parmi les états de l’Amérique du Sud, il s’est élevé une sorte d’émulation libérale. La plupart des gouvernemens ont tenu à honneur de proclamer la liberté des rivières. Le Brésil n’est entré dans cette voie qu’avec de singulières restrictions. Il a fait ce qu’il a pu contre les traités conclus il y a quelque temps par le général Urquiza, comme chef de la Confédération Argentine, avec la France, l’Angleterre et les États-Unis. Il a contesté la liberté de la navigation du Haut-Paraguay après les traités signés, il y a deux ans, à l’Assomption par les agens européen ? Le Brésil ne pouvait agir que d’une façon indirecte en ce qui touche la navigation de la Plata ; mais sa politique n’est plus nettement dessinée dès qu’il s’est agi de l’Amazone. Ici, le Brésil a protesté contre un décret par lequel la Bolivie proclamait la liberté de quelques-uns des affluens de ce grand fleuve, et ses tendances restrictives se sont surtout manifestées dans un incident qui a eu quelque retentissement au-delà de l’Atlantique. En 1851, le Brésil a signé avec le Pérou un traité par lequel les deux pays règlent au commun la navigation de l’Amazone, et s’accordent mutuellement certains avantages. Or qu’arrivait-il ? C’est que les pays qui ont des traités de commerce avec le Pérou, tels que l’Angleterre et les États-Unis, réclamaient immédiatement pour eux les avantages accordés au Brésil, c’est-à-dire le droit de navigation sur les rivières péruviennes et sur l’Amazone. Le Pérou faisait droit à ces réclamations par un décret très libéral. Ce n’est point ainsi que l’entendait le Brésil ; il protestait contre ces interprétations, et à ses instigations, le cabinet de Lima finissait par retirer ses concessions. Cet incident diplomatique prenait une extrême vivacité, et il ne se terminait pas sans que le représentant des États-Unis, M. Randolph Clay, protestât énergiquement en faveur du droit de son pays. Est-ce donc que le Brésil ait l’intention de rendre inutiles ces grandes voies fluviales qui sillonnent l’Amérique du Sud. Ce ne peut être là sa pensée, ses hommes d’état sont trop intelligens pour concevoir une semblable politique. Seulement le Brésil, c’est là sa doctrine, voudrait maintenir le droit exclusif de navigation aux états riverains de l’Amazone et de ses affluens. Aussi a-t-il envoyé un agent près des gouvernemens possesseurs de ces affluens, c’est-à-dire dans le Venezuela, dans la Nouvelle-Grenade, dans l’Equateur, pour faire prévaloir sa doctrine et la consacrer par des traités. Heureusement il n’a point réussi, puisque ces états ont eux-mêmes proclamé la liberté de leurs voies navigables. Son plus grand succès jusqu’ici, il l’a obtenu à Lima. Le Brésil se fonde sur ce que, étant propriétaire des embouchures de l’Amazone, il reste le maître de fixer les conditions de sa navigation, et limite le droit des autres états riverains. C’est, comme on voit, un moyen de prépondérance politique, et commerciale. Les États-Unis, selon leur coutume, n’ont parlé de rien moins, en plusieurs circonstances, que de forcer l’entrée de l’Amazone. Quant à l’Europe, elle est évidemment intéressée à ne point accepter le système restrictif de la politique brésilienne, et à poursuivre dans l’Amérique du Sud l’application des principes libéraux qui ont prévalu, en matière de navigation, dans le congrès de Vienne ; par le fait, le Brésil lui-même n’est-il pas le premier intéressé à lever toutes les entraves et à laisser toute liberté aux moyens les plus directs de civilisation ?

Le Brésil est sans nul doute le pays relativement le plus prospère, le mieux assis, le mieux dirigé de l’Amérique du Sud ; mais il suffirait d’examiner de près sa situation pour voir ce qui lui manque encore en population, en moyens de travail, en garanties de sécurité, en richesse réelle. C’est une étude instructive, qu’a faite un écrivain belge, M. le comte Auguste van der Straten Ponthoz, dans un livre dont le litre résume toutes les questions pour le jeune empire américain : le Budget du Brésil, ou Recherches sur les ressources de cet empire dans leurs rapports avec les intérêts européens du commerce et de l’émigration. L’auteur, il est vrai, prend pour point de départ un budget déjà ancien, celui de 1845-1846 : depuis, les ressources du Brésil se sont accrues, son commerce s’est agrandi, une politique vigoureuse et intelligente a porté ses fruits ; mais le budget n’est qu’un cadre où entre l’analyse de tous les élémens de grandeur et aussi de faiblesse de l’empire brésilien. La partie la plus instructive sans nul doute est celle qui traite des richesses latentes du Brésil. Là se révèle sous son double aspect la situation de l’empire sud-américain : d’un côté les immenses élémens d’agrandissement, de l’autre les obstacles à vaincre, les lois à coordonner, les garanties à offrir, les voies de communication à tracer, le sol même à connaître. Une loi a été votée en 1850 pour la délimitation des terres ; mais il reste à l’exécuter. M. van der Straten Ponthoz déduit naturellement de ses observations la nécessité de favoriser l’immigration, l’introduction du travail libre, d’autant plus indispensable aujourd’hui que la traite est abolie. Le meilleur moyen de favoriser l’immigration, de l’appeler, c’est une politique libérale qui associe, franchement et directement l’Europe à la civilisation de cet immense continent, jusqu’ici inutile à la race humaine, quand il n’est pas livré à de vulgaires et sanglantes disputes. ch. de mazade.




THE ENGLISH PRISONERS IN RUSSIA, A PERSONAL NARRATIVE OF THE FIRST LIEUTENANT of H. M. S. Tiger, by Alfred Royer, lieut. R. N.[1].

Le type du touriste admiratif qui n’écrit jamais une phrase sans points d’exclamation, se croit tenu de trouver tous les monumens sublimes, tous les paysages enchanteurs et toutes les auberges excellentes, ce type est connu depuis longtemps ; mais il n’était pas jusque présent sorti de la classe des badauds à prétentions sentimentales. Le lieutenant Royer s’est chargé de démontrer qu’il pouvait se rencontrer dans certaines classes plus sensées et plus honorables. Qu’un dandy, une actrice, un dilettante s’extasient à froid sur les pays qu’ils visitent, rien n’est plus naturel ; mais qu’un officier de marine prisonnier de guerre pousse l’impartialité jusqu’au point d’oublier que le pays dont il fait l’apologie est en lutte armée avec sa propre patrie, voilà ce qui ne s’était pas encore vu. M. Royer a été bien reçu par les autorités russes, il n’a qu’à se louer du général Osten-Sacken, il a contemplé l’auguste figure de l’empereur, il a visité la Russie aux frais de l’état ; les voitures étaient comfortables, les déjeuners et les dîners irréprochables, et M. Royer a conservé de la Russie un souvenir plein de reconnaissance : rien de plus naturel. Il a donc voulu rendre politesse pour politesse, rien de plus juste encore. Seulement nous devons lui dire qu’il a mal choisi son temps et ses moyens. Il pouvait ajourner jusqu’à la paix la publication de son journal, et certes le monde n’y eût rien perdu. En second lieu, il pouvait rendre dans son propre pays à quelque officier ennemi prisonnier le bon accueil qu’il avait reçu en Russie. Il a préfère publier ce petit livre. L’empereur de Russie sera certainement touché de cette galanterie très chevaleresque sans doute, mais fort peu patriotique.

Le livre n’est curieux que par ce parti pris de tout admirer ; les renseignemens qu’il nous fournit sur la Russie sont maigres, insignifians, ou même tout à fait nuls. L’empereur a adressé la parole à M. Royer en français, et lui a gracieusement demandé quelle route il désirait prendre pour retourner en Angleterre. Le grand-duc Constantin se connaît fort bien en marine, et lui a fait les plus grands éloges du fameux vaisseau russe les Douze Apôtres. Le général Oslen-Sacken est un homme fort religieux, qui prenait le plus grand plaisir à voir quelques-uns des matelots prisonniers lire leur Bible, et Mme Osten-Sacken a poussé la délicatesse du sentiment jusqu’à faire entourer d’une grille et de quelques arbustes la tombe d’un jeune mousse anglais mort de ses blessures. Tels sont quelques-uns des faits intéressans que l’indulgent et poli lieutenant Royer livre aux méditations de ses compatriotes et de l’Europe entière. Cette relation, sans faire de scandale, (chose dont elle n’est pas capable), a blessé cependant quelques susceptibilités patriotiques ; il y a des gens qui ont vraiment l’épidémie bien chatouilleux. Il ne faut pas en vouloir à M. Royer. Il appartient évidemment à cette classe d’hommes qui ont la superstition du rang et du titre. Le titre de baron caresse doucement leurs oreilles, celui de prince les jette dans l’enthousiasme ; mais il n’y a plus de mots pour exprimer le délire dans lequel les plongent les noms d’empereur et de roi. Nous craignons fort que son admiration pour la Russie, ne soit fondée sur un fait de ce genre. On lui a souri, ce peuple est le plus aimable du monde ! On lui adresse la parole, quelle condescendance ! quelle absence d’orgueil ! On lui rend la liberté, quel désintéressement !

Il y a aussi dans ce livre une autre tendance non moins détestable que le patriotisme forcené qu’on a baptisé du nom de chauvinisme : c’est cette rage d’impartialité qui s’est emparée de tout le monde, et qui n’est qu’un masque commode servant à recouvrir des opinions tièdes, beaucoup de scepticisme, des sentimens glacés et l’amour du repos. Nous admettons volontiers l’impartialité, mais non pas indistinctement chez tout le monde. Un philosophe peut être, impartial, mais un homme sans éducation ne peut l’être ; un feld-maréchal, un général en chef peuvent l’être tout à leur aise, mais tout officier, depuis le lieutenant jusqu’au général de division inclusivement, doit être partial, partial à outrance, sans quoi il faut se défier de lui, comme on se défie des gens qui n’ont pas les vertus de leur métier. Un militaire impartial envers ses ennemis est comme un ouvrier poète, une excentricité. émile montegut.

Séparateur

V. de Mars.

  1. London, 1854, chez Chapman et Hall.