Aller au contenu

Chronique du 1 novembre 1873

La bibliothèque libre.
25 octobre 1873

1er novembre 1873

8 novembre 1873

CHRONIQUE

Succédané de la quinine. — Un pharmacien de Manille, M. Gruppe, a exposé à Vienne un succédané de la quinine. Ce nouveau médicament est une substance amère hygroscopique, incristallisable, extraite de l’écorce d’une apocynée, l’Echites scholaris L., qui croît abondamment aux îles Philippines. Les naturels du pays l’emploient depuis longtemps comme fébrifuge, sous le nom de Dita. (Société Linnéenne.)

Les mines d’or de l’Alaska. — On lit dans le World de New-York du 22 septembre : « Le rendement que donne le gisement aurifère de la baie d’argent dans l’Alaska met en ce moment en grand émoi la population de Silka, capitale du territoire. Une lettre de cette ville, datée du 29 août, dit que ce jour-là on avait expédié à Portland dans l’Orégon 200 tonnes de roches quartzeuses contenant de l’or. Un grand nombre d’Indiens travaillaient à Silver-Bay à extraire le minerai et le préparer pour le transport. On a mis à découvert des spécimens recueillis à 23 pieds et que les essais ont démontré contenir pour une valeur allant jusqu’à 900 dollars à la tonne. Les propriétaires de la mine refusent de vendre le site au prix de 200 000 dollars.

Le même correspondant dit qu’une lettre écrite par un officier du gouvernement à Fort-Wrangel dans la partie méridionale du territoire annonce que « les mines les plus riches qui aient jamais été découvertes dans l’Alaska » ont été trouvées près du lac Deasse, et que par leur seul travail manuel, les vingt ou trente mineurs qui l’exploitent recueillent de 2 à 3 onces d’or par jour. L’Alaska est une longue presqu’île de l’Amérique russe, au N.-O. du continent, et à 1 000 kil. Sud du détroit de Behring ; elle se lie vers le sud aux îles Aléoutes. Cet archipel, découvert en 1741 par Behring, fait partie de l’Amérique du Nord et appartient à l’empire russe. L’Alaska est à 54° 35′ de latitude N. et à 165° 7′ de longitude O. Ses habitants se livrent à la chasse et à la pêche et font quelque commerce de pelleteries.

Sépulture de l’âge de pierre. — Un nouveau monument des temps préhistoriques vient d’être mis au jour dans les environs de Paris. Deux membres du comité archéologique de Senlis, MM. Millescamps et Hahn, fouillent en ce moment à Luzarches un véritable cimetière dont l’existence avait été révélée il y a une vingtaine d’années. Dans cette sépulture qui remonte à l’âge de la pierre polie a été trouvé un certain nombre d’instruments en silex taillés, tels que : un beau grattoir intact, des haches de diverses dimensions, des couteaux, des ciseaux, des pointes de flèches, une quantité de petites lames fines et minces, délicatement travaillées ; il y a aussi des perçoirs en os d’animaux différents ; enfin, sur les débris d’un squelette de femme, a été recueilli un ornement en pierre polie, percée de deux trous, qui a probablement servi d’amulette ou de pendant de collier. Quelques crânes et certains ossements ont attiré l’attention du docteur Broca, qui se propose d’en faire l’objet d’une communication à la Société d’anthropologie de Paris. Les dimensions et la disposition de la sépulture, le mobilier funéraire qui y a été déposé sont relevés avec soin par MM. Millescamps et Hahn, qui soumettront les résultats de leur découverte à l’examen des hommes compétents.

Nouvelles de Livingstone. — Une correspondance de Sierra-Leone, adressée à l’Irish-Times, rapporte que M. Cressey, passager du steamer Africa, reçut en remontant le fleuve du Congo, le 17 août, une lettre d’un de ses amis établi à 300 milles au-dessus de la rivière, l’informant qu’à 200 milles plus haut, un homme blanc, accompagné par un certain nombre de serviteurs indigènes, avait été vu se dirigeant vers la côte de l’Ouest. Se trouvant à court de vivres, il avait été détenu par une tribu qui le gardait prisonnier jusqu’à ce qu’il se fût ravitaillé. D’après la description faite de l’individu par les trafiquants indigènes à l’ami de M. Cressey, on a pensé que cet homme était le docteur Livingstone. Le frère du docteur Charles Livingstone, en apprenant cette nouvelle au vieux Calabar, croit lui-même que l’homme en question ne peut être autre que le célèbre et intrépide voyageur anglais. (Journal officiel.)

Le soleil et les colonies françaises. — Au dix-huitième siècle, les Espagnols disaient avec orgueil « que jamais le soleil ne se couchait sur leurs domaines. » Mais cet adage a cessé d’être vrai depuis l’émancipation des colonies d’Amérique qui servaient d’étape intermédiaire entre les Philippines, le vieux continent, et remplissaient un office auquel Cuba ne peut suffire. Actuellement on répète la même chose, à juste titre de l’Angleterre, qui possède le Canada et l’Australie et ses colonies des Antilles et son empire de l’Inde. Mais nous ne sachons pas que jamais personne ait fait remarquer encore, que malgré tous nos malheurs, cet adage pût s’appliquer aux divers points du globe sur lesquels flotte notre pavillon tricolore. En effet, nos colonies d’Orient finissent par 165° de longitude orientale à l’île des Pins, dépendance de la Nouvelle-Calédonie, et nos colonies d’Occident par 65° de longitude occidentale à la Guadeloupe. La différence de longitude comprise entre ces deux points extrêmes est donc seulement de 130° géographiques, espace que le soleil parcourt en 9 heures 20' et qui dépasse de 2 heures 40 la durée du jour des équinoxes égal à 12 heures pour toute la terre. Comme la Guadeloupe est placée par 15° de latitude boréale, et la Nouvelle-Calédonie par 22° de latitude australe, non-seulement les jours les plus courts d’une colonie répondent aux jours les plus longs de l’autre, mais il y a une sorte de compensation presque exacte, car lorsque les jours de la Guadeloupe diminuent, ceux de la Nouvelle-Calédonie augmentent presque de la même durée, et vice versa. Tout se passe donc à peu près pendant le cours de l’année de la même manière que pendant les jours de l’équinoxe. En outre, nous avons pour nous tout le crépuscule et toute l’aurore, dont il est vrai que, dans les régions tropicales, la durée n’est pas longue.

Conservation des viandes. — Les expériences sur la conservation des viandes par le froid ont parfaitement réussi à Londres. Des viandes amenées d’Australie ont été dégustées avec le plus grand succès. Le procédé indiqué consistait à envelopper les viandes dans une enveloppe isolante et d’y entretenir une très-basse température en faisant constamment fondre de la glace à la partie supérieure. Le succès de cette première tentative a été si complet qu’on a résolu d’en faire une seconde sur une grande échelle. On a mis à bord d’un vaisseau 90 tonnes de viande, et la quantité de glace que l’on croyait suffisante pour entretenir la basse température nécessaire à la conservation. Lorsque le navire a été signalé dans la Tamise, les membres de la compagnie se sont rendus à bord. Mais à leur grand désappointement ils ont appris que le navire n’avait pas eu de glace en suffisance et que l’on avait été obligé de jeter toutes les viandes à la mer. La difficulté consiste donc uniquement à entretenir une très-basse température pendant tout le temps de la traversée. C’est un problème que l’on pourrait résoudre si la fabrication de la glace artificielle était plus avancée qu’elle ne l’est actuellement, malgré les promesses de certains prospectus récents.

Sinistre aérien. — Les journaux américains nous apportent le récit épouvantable d’un nouvel accident de ballon arrivé à Chicago. L’aéronaute s’enlevait en montgolfière perdue au-dessous de laquelle était suspendu un trapèze sur lequel il faisait ses tours de gymnase. Son appareil a pris feu au moment du lâchez tout. L’incendie a continué, alimenté par le courant d’air qui accompagne fatalement l’ascension rapide, et a même contribué à diminuer l’énergie du refroidissement de l’air intérieur. Il en est résulté que la montgolfière s’est élevée plus haut que d’ordinaire. Mais bientôt le trapèze auquel le malheureux se tenait suspendu a été détaché et il a été précipité d’une hauteur de 600 mètres. Il est arrivé avec une vitesse si effrayante, que ses jambes ont pénétré dans le sable ; le reste du corps offrait l’aspect d’une épouvantable bouillie sanglante.