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Cinq Prières pour le temps de la guerre/De la femme d’un soldat

La bibliothèque libre.
Librairie de l’Art catholique (p. 21-30).

PRIÈRE
À
L’USAGE
DE
LA FEMME
D’
UN
SOLDAT

Je vous salue, Marie, pleine de grâce, à qui je confiais mes aspirations de fiancée lorsque le cœur est comme un verger printanier. Vous savez ce qu’une âme peut emprunter et donner de parfum à une âme, combien une âme peut se désaltérer et verser à boire à une âme, ce qu’une âme peut entendre d’une âme et lui répondre.

Lorsque mon fiancé me quittait jusqu’au lendemain, j’ouvrais ma fenêtre au clair de lune qui éclairait votre statuette blanche et bleue sur ma table, et j’osais dire que j’aimais et que j’étais aimée, à vous que le Saint-Esprit a choisie.

Et vous étiez là présente, à l’église, lorsque le prêtre me souhaita d’être aimable comme Rachel, sage comme Rébecca, et de vieillir fidèle et heureuse comme Sara, et de parvenir au repos dans le Royaume du Ciel. J’élève vers vous, ô Vierge prudente ! ma main qui porte l’anneau. Je demeurerai fidèle à celui qui est avec moi une seule chair. Je me suis épanouie entre ses bras, j’ai été radieuse à cause de son amour jusque dans les souffrances. Puisque le Seigneur est avec vous depuis que vous jouiez devant lui, avant qu’il préparât les cieux et bornât les abîmes, vous comprenez ce que me dure l’absence de mon mari bien-aimé.

Notre-Dame de Lourdes, intercédez pour qu’il me soit permis d’accomplir de nouveau les œuvres de la femme forte à côté de celui qui m’a été donné pour époux. Vous êtes bénie entre toutes les femmes : telles sont les paroles qu’a prononcées sur vous l’ange Gabriel. Puisse-je être, moi aussi, bénie du Seigneur, dans la mesure de mon imperfection, et bénie par celui qui veillait sur moi comme le Charpentier veillait sur vous. Car vous avez connu, avec celui de Dieu, le plus ineffable des amours humains, tellement ineffable qu’après tant et tant de siècles le lis de saint Joseph embaume toute la terre, et votre union avec lui est comme l’eau pure mêlée à l’azur des sommets. Je pense que ce doux patriarche a dû, en mourant, poser l’une de ses mains sur votre front et l’autre sur le front de Jésus agenouillé peut-être. Laissez, pour tant d’amour que vous avez eu pour son humble protecteur, que mon compagnon ne trépasse pas loin des siens. Et je m’écrierai, glorifiant encore une fois, par vous, Celui qui fait se relever les hommes des tombeaux et des tranchées : et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni !

Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs qui savons bien que nous ne pouvons rien espérer que de la miséricorde. Je proclame devant vous que si Dieu exigeait un compte rigoureux de mes fautes, je n’oserais même pas élever la voix pour vous demander d’intercéder pour moi auprès de lui. Je ne suis digne que du veuvage, parce que toute femme et tout homme ont crucifié Dieu dès leur naissance et ils ne peuvent qu’offrir leur bonne volonté. Cette bonne volonté, je vous la confie pleine et entière, afin que vous la présentiez au Maître qui pardonne. Si elle a porté quelques pauvres fruits de charité, rangez-les dans votre corbeille, ô très basse et très haute servante du Magnificat, faiseuse de toutes les commissions que nul n’oserait tenter auprès de votre Fils. En lui remettant ces dons imparfaits, demandez-lui que nous voyions ensemble, mon mari et moi, le crépuscule descendre sur la treille alors seulement que nos enfants seront plus grands que nous. Peut-être avec indulgence le Créateur recevra-t-il ces fruits, comme un roi qui se laisse toucher par le présent du pauvre, et m’exaucera-t-il, grâce à la toute-puissante entremise que nous vous

demandons maintenant et
à l’heure de notre
mort. Ainsi
soit-il.