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Claude Paysan/031

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La Cie d’imprimerie et de gravures Bishop (p. 144-145).


XXXI


Depuis, ils s’étaient rencontrés, une fois, par hasard, car on aurait dit qu’ils se fuyaient tous deux à présent, Fernande et Claude.

Fernande n’allait plus que rarement chez la vieille Julienne et seulement à des heures où elle savait ne pas le trouver. Et quand elle le voyait venir, c’est elle maintenant qui se sauvait derrière les arbres du jardin. Pourtant, bonne comme le sont toutes les femmes, elle souffrait au fond de son cœur de penser à la douleur qu’elle devait lui causer. Et souvent elle réfléchissait longuement à toutes ces choses.

… Ah ! si elle n’avait pas craint d’exciter davantage l’amour de Claude, elle lui aurait bien expliqué, fait comprendre la folie qu’il faisait de l’aimer… Elle n’aurait pas invoqué leur différence de condition ou d’éducation, non, rien pour l’humilier, mais elle aurait trouvé d’autres raisons qui l’auraient consolé et convaincu en même temps peut-être… Elle l’estimait beaucoup sans doute, mais à quoi lui serait-elle utile ? ne sachant pas travailler, puis faible, bonne à rien du tout… Elle n’en avait jamais parlé, jamais, mais s’il l’entendait tousser le matin… On ne le savait chez elle parce qu’elle se cachait, étouffait ses harassantes quintes de toux ; aussi il ne fallait pas le leur apprendre… Non, va, elle ne se marierait jamais. ..

Le jeune homme qui venait la visiter ?… simplement un ami de sa famille, qu’elle n’aimait pas, oh ! non, par exemple, et qui ne l’aimait pas, lui non plus…

Puis il y en avait tant qui valaient mieux qu’elle… des belles paysannes, bonnes et vigoureuses, qui seraient si fières de l’avoir pour mari, parce qu’il était beau et bon… Comme elle le voudrait heureux et comme ça lui faisait du chagrin de le voir souffrir au contraire à cause d’elle… Elle allait bientôt retourner à la ville, alors il fallait lui promettre de l’oublier tout à fait, de n’y plus penser, jamais ; il lui ferait cette joie-là pendant l’hiver de courtiser une bonne jeune fille, pour faire plaisir à sa vieille mère aussi…

… Pourtant elle n’osait rien lui dire de toutes ces réflexions qu’elle roulait dans sa tête. Et quand ils s’étaient rencontrés, ils avaient à peine levé les yeux l’un sur l’autre ; lui, à cause de sa même gêne sauvage qui ne le lâchait jamais ; elle, à cause d’un certain embarras aussi qui lui était venu et, sans plus sourire elle l’avait salué comme une indifférente.

Ensuite, ils ne s’étaient plus revus.

C’est que, dans les derniers jours de septembre, malgré les beaux soleils encore tièdes, toute la famille Tissot était retournée précipitamment à la ville. Une vilaine bronchite qui faisait souffrir Fernande avait hâté ce départ… Les crépuscules d’automne sont toujours si froids et si humides à la campagne…