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Claude Paysan/047

La bibliothèque libre.
La Cie d’imprimerie et de gravures Bishop (p. 206-208).


XLVII


Écrit dans le cahier de Fernande, un des premiers jours de septembre.

« C’est bien fini, tout-à-fait fini cette fois, et je ne veux plus espérer, car je le sens maintenant, sans le savoir, sans même m’en douter, j’espérais encore.

« Mais depuis quelques jours, je souffre tant, et de mon mal et de vouloir n’en rien laisser paraître devant ma mère, que je craignais de ne pouvoir résister jusqu’au bout sans me trahir… On est si vite dompté par les souffrances.

« Et, aujourd’hui, j’ai demandé au docteur, pendant que nous étions seuls, de me dire franchement si ce devait être long encore. Il est resté tout interdit d’abord, puis il m’a regardé fixement dans les yeux, longuement, pour deviner si j’étais sincère, je suppose. Il a dû lire jusqu’au fond de mon âme, car avec une pitié douce : Eh ? bien, oui, vous aurez la force de résister, ce ne sera pas long, m’a-t-il dit, en me pressant les mains comme pour adoucir la peine qu’il craignait probablement de me causer.

« Sa réponse au contraire m’a presque fait plaisir et je l’ai remercié de sa franchise. Il me semble que je vais y trouver un regain d’énergie pour lutter jusqu’à la fin contre les douleurs que j’éprouve continuellement dans toute la poitrine.

« Je demande cependant de ne point succomber à quelqu’hémorragie, c’est trop affreux, et ceci me fait trembler de peur pour ma mère et pour moi.

« Je voudrais mourir avec une lucidité complète d’esprit, tout doucement, comme on s’endort le soir ; je voudrais avoir le temps auparavant d’embrasser ma mère… la pauvre vieille Julienne…

« À Claude aussi, j’aimerais à dire adieu… Il y a déjà longtemps que je ne l’ai point vu, ce Claude… Pourquoi ne vient-il pas ?… Ça me ferait plaisir de le revoir… des fois j’ai des envies de le lui faire dire… Je suis contente maintenant qu’il m’ait aimée, et je voudrais même qu’il me regrettât toujours.

« Ce n’est pas généreux de ma part ce que j’écris là, je le sais bien, et pourtant, si je disais le contraire, je mentirais…

« Oui, combien longtemps pensera-t-il à moi ?… que fera-t-il, ensuite ?… les hommes oublient si vite d’ordinaire… Mais il me semble que celui-là ne fera pas comme les autres, puisqu’il n’a pas aimé comme les autres… Moi, si je devais vivre… je…

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« En effet, le docteur disait bien l’autre jour à ma mère — il croyait que je ne l’entendais pas — qu’il en avait vu souvent de plus malades que moi qui étaient revenus à la santé… Moi-même j’en ai connu de mes amies qui avaient longtemps souffert de la poitrine et qui cependant ne sont pas mortes…

« C’est vrai que ce matin, quand je lui ai demandé

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« Allons, suis-je folle ?…

Oh ! oui, pourtant, je sens que j’accepterais n’importe quelle souffrance pour vivre encore un été…

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« Mon Dieu ! comme ça m’épuise d’écrire… Mon crayon tremble entre mes doigts… Est-ce donc par mon vieux journal de couvent que je dois commencer mes adieux ?…

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