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Correspondance (Diderot)/76

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Correspondance générale, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierXX (p. 82-83).


LXXVI

AU CHEVALIER DE LANGEAC[1].
Samedi.
Monsieur le chevalier,

Je vous prie de vous rappeler la parole que vous m’avez donnée. Notre position devient tout à fait fâcheuse. Acquérez deux belles choses et qui s’embelliront tous les jours en vous montrant un acte de bienfaisance. Lorsque je cède à un autre le mérite d’une bonne œuvre, c’est toujours un sacrifice que je fais. Si vous pouvez, faites. Si vous ne pouvez pas, après vous être endetté cinquante fois pour le vice, endettez-vous une fois pour la vertu. Jugez de notre misère par la vivacité de mes sollicitations. Ce que je vous dis d’un autre, je ne rougirais pas de vous le dire pour moi. Je vous aime pour votre caractère ; je vous estime pour votre esprit et vos talents ; faites que je vous révère pour votre bienfaisance. Il y a près de quarante ans que je connais l’honnête et habile artiste pour lequel j’intercède. Je vous confie sous le secret (car un mot suffit pour gâter la meilleure action) que cet artiste me coûte plus de deux cents louis. Je l’ai fait travailler pour moi toutes les fois qu’il manquait d’ouvrage. Je ne vais jamais chez lui sans me rappeler le mot de Socrate qui disait que l’avare était celui qui craint d’avoir un ami pauvre. Bonjour, monsieur le chevalier ; je vous salue et je vous embrasse.

Les quinze jours de répit que vous m’avez demandés sont expirés.



  1. Inédite. Collection de feu M. Rathery. La suscription porte : À Monsieur, Monsieur le chevalier de Langeac, rue d’Anjou, faubourg Saint-Honoré, dans la maison ci-devant occupée par Mme de Coaslin.