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Correspondance 1812-1876, 6/1872/DCCCLXVII

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Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 235-236).


DCCCLXVII

À M. BERTON PÈRE, À PARIS


Nohant, 6 octobre 1872.


Mon cher enfant,

Je ne sais pas si tu as lu ton rôle de Moréali. Ne te presse pas de l’apprendre. Je suis en train de le modifier profondément. Dans ma première version, celle qui a été lue à Chilly, Moréali était vraiment pur, il aimait sans le savoir, il ne le découvrait que tard en perdant l’espérance de convertir. C’était pour moi tout l’homme et toute la pièce. Chilly et Duquesnel ont alors jeté les hauts cris, disant que c’était un gêneur, qu’il était insupportable et odieux, et que, dès le commencement, il fallait lui faire dire son amour. J’aurais dû dire, moi : Alors, pas de pièce ! Mais je ne sais pas me défendre, j’ai cédé. Et voilà qu’à présent, on reconnaît que ma première version était la vraie. J’y reviens avec satisfaction et je crois que tu en seras content aussi ; car le personnage redevient ce que je souhaitais qu’il fût.

Tu ne me donnes pas de tes nouvelles ; j’espère que tu vas mieux. Écris-moi. Je t’embrasse.

GEORGE SAND.

Je me hâte de refaire ton rôle en grande partie, et, dès aujourd’hui, j’envoie le changement du premier acte à Charles-Edmond. On souhaitait que la prière par laquelle tu débutes fût plus longue et plus explicite. J’y ai songé cette nuit. Non, il ne le faut pas. Le jeune amoureux est là qui entend cette prière. Il faut qu’elle soit vague et courte ; une prière à genoux serait ennuyeuse. J’aime mieux que tu passes comme une apparition mystérieuse. Mais, quand tu reviens à la fin de l’acte premier, tu en dis plus long, et ce que tu dois dire pour que le public te connaisse et t’apprécie.