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Correspondance de Lagrange avec d’Alembert/Lettre 077

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Texte établi par Ludovic LalanneGauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome XIIIp. 167-168).

77.

D’ALEMBERT À LAGRANGE.

À Paris, ce 9 mars 1770.

J’ai depuis six semaines, mon cher et illustre ami, une faiblesse de tête qui me rend incapable d’application et qui m’empêchera même de vous écrire une longue Lettre. Je suis bien aise que vous ayez reçu tous mes paquets. J’ai aussi reçu votre double Mémoire sur les équations et sur les problèmes de Diophante ; mais, dans l’état où je suis, je n’ai pu que les parcourir très-légèrement, et ce que j’en ai subodoré me paraît excellent et me donne bien envie de le connaître mieux dès que je le pourrai, car j’ai pris le parti de renoncer pour deux mois ou six semaines au moins à toute espèce de travail. Je recevrai avec grand plaisir le Mémoire de M. Beguelin et les observations qu’il voudra bien me communiquer ; je vous prie de le lui dire et de lui faire mes compliments, ainsi qu’à M. Lambert.

Je vous exhorte fort à ne pas laisser impunie l’impertinence de Fontaine c’est un homme qui mérite d’être humilié ; je n’en connais pas de plus orgueilleux et de plus méchant. Je vous invite non-seulement à lui répondre sur la question de maximis et minimis, mais à faire voir aussi l’insuffisance de sa méthode pour les équations. Je suis d’ailleurs particulièrement intéressé à ce dernier objet, et je vous serai très-obligé de vouloir bien lui prouver que mes objections sur cette méthode méritaient un peu plus d’attention de sa part. M. le chevalier de Borda me charge de vous faire ses compliments. Je lui ai communiqué votre réponse à ses objections ; il en a pris copie. J’ignore s’il a quelque réplique à y faire, mais du moins il est honnête et vous n’aurez pont à vous plaindre de lui.

J’écris encore à M. Bitaubé de vous faire rembourser par M. Michelet le prix du deuxième Volume du Calcul intégral d’Euler. Si vous persistez dans les façons (ridicules entre amis) que vous faites à ce sujet, vous me priverez de l’avantage d’avoir beaucoup plus tôt par votre moyen ce qui pourra paraître d’intéressant, car je vous prierai de ne me plus rien envoyer.

Je compte avoir dans trois semaines ou un mois une occasion pour vous faire parvenir trois exemplaires de la nouvelle édition de mon Traité des fluides, un pour vous, un pour M. Lambert et le troisième pour l’Académie.

J’attends le Volume de 1767 et ceux qui auront pu paraître depuis, comme 1763. J’ai fait remettre à M. de la Condamine le Volume de 1766. Je n’ai pu savoir s’il le gardera, parce qu’il est à la campagne et n’en est pas encore revenu. En tout cas, j’aurai soin qu’il ne soit pas perdu. Adieu, mon cher et illustre ami ; que le dieu qui préside à la Géométrie vous conserve : pour moi, je n’existe plus.

À Monsieur de la Grange, directeur de la Classe mathématique
de l’Académie royale des Sciences, à Berlin
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