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Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1744

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Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 378-379).

1744. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON.
À Champs, le 25 juin.

Je suis, comme l’Arétin, en commerce avec toutes les têtes couronnées ; mais il s’en faisait payer pour les mordre, et je ne leur demande rien pour les amadouer. Recevez donc, monseigneur, cet énorme paquet, que vous pourriez faire partir par la première flotte que vous enverrez à la pêche de la baleine. Que direz-vous de mon insolence ? vous ai-je assez importuné de mes Batailles ? Tantôt c’est pour la princesse de Suède, tantôt c’est pour la czarine. Vous êtes bien heureux que je vous sauve le roi de Prusse, cette fois-ci ; et, si vous étiez à Paris, vous auriez vraiment un paquet pour le pape. Eh bien ! il pleut donc des victoires ! Le roi de Prusse bat nos ennemis[1], et fait des épigrammes contre eux. Ô la belle et glorieuse paix que vous ferez ! Je vous prépare une fête[2] pour votre retour ; j’y couronnerai le roi de lauriers. En attendant, vous recevrez une septième édition de Lille, de ce petit monument que j’ai élevé à la gloire de notre monarque. Dites-lui-en un peu de bien, et empêchez, si vous pouvez, les araignées[3] de se manger.

Voici une mauvaise plaisanterie que j’écris au roi de Prusse. Vous verrez, monseigneur, que je ne le traite pas si pompeusement que le vainqueur de Fontenoy


Lorsque deux rois s’entendent bien, etc.

Cela n’est pas bon à courir, mais peut-être en peut-on amuser le roi preneur de villes et gagneur de batailles : car encore faut-il amuser son héros.

Où est monsieur votre fils ? Négocie-t-il avec le gros M. Bentin[4] ? Je n’ai pas vu votre belle-fille, à qui je voulais rendre mes respects. Je suis tantôt à Champs, tantôt à Étiolles[5]. Préparez pour la fête les oliviers que je voudrais qui ornassent le théâtre[6].

  1. Le 4 juin, à Friedberg.
  2. Le Temple de la Gloire ; voyez tome IV, page 348.
  3. Les rois ; voyez la lettre 1689.
  4. On lit Bentin dans l’édition de Kehl et dans plusieurs autres ; il s’agit sans doute ici de Bertin, né en 1719, lieutenant général de police en 1757. ( Cl.) — Bentinck. (G. A.)
  5. Chez Mme d’Étiolles, créée marquise de Pompadour quelques semaines plus tard.
  6. À la suite de cette lettre, dans les éditions de Kehl il y a la Lettre critique d’une belle dame à un beau monsieur de Paris sur le poëme de la Bataille de Fontenoy, placée tome VIII, page 397.