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Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4799

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 6-7).

4799. — À M. DAMILAVILLE.
9 janvier.

Vraiment, mes chers frères, j’apprends de belles nouvelles ! Frère Thieriot reste indolemment au coin de son feu, et on va jouer le Droit du Seigneur tout mutilé, tout altéré, et ce qui était plaisant ne le sera plus ; et la pièce sera froide, et elle sera sifflée ; et frère Thieriot en sera pour sa mine de fèves. Un autre inconvénient qui n’est pas moins à craindre, c’est qu’on ne prenne votre frère pour le sieur Picardec, de l’Académie de Dijon ; alors il n’y aurait plus d’espérance, et tout serait perdu sans ressource. Je demande deux choses très-importantes : la première, c’est qu’on m’envoie la pièce telle qu’on la jouera ; la seconde, qu’on jure à tort et à travers que je n’ai nulle part à cet ouvrage : mon nom est trop dangereux, il réveille les cabales. Il n’y en a point encore de formée contre M. Picardec, et M. Picardec doit répondre de tout.

Mes chers frères, intérim estote fortes in Lucretio[1] et in philosophia.

J’espère que je contribuerai, avec les états de Bourgogne (dont nous avons l’honneur d’être), à donner un vaisseau au roi ; mais si les Anglais me le prennent, je ferai contre eux une violente satire.

Frère V. est tout ébahi de recevoir, dans l’instant, une pancarte du roi, adressée aux gardes de son trésor royal, avec un bon rétablissant une pension que frère V. croyait anéantie depuis douze ans. Que dira à cela Catherin Fréron ? que dira Lefranc de Pompignan ? V. embrasse les frères.

Qu’est-ce donc que Zarukma[2] ? Quel diable de nom ! J’aimerais mieux Childebrand.

Je vous prie de me dire où demeure ce pédant de Crévier. Est-il recteur, professeur ? Je lui dois mille tendres remerciements.

  1. La première épître de saint Pierre, chapitre v, verset 9, dit : « Fortes in fide. »
  2. C’est une tragédie de Cordier ; voyez tome XLI, page 423.