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Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4823

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4823. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Janvier.

Madame, je perds beaucoup à la mort de l’impératrice de Russie[2]. Mais je suis consolé si Votre Altesse sérénissime est heureuse, si elle est en parfaite santé, si ses États ne se ressentent point des suites de cette funeste guerre, qui désole presque toute l’Europe. Je dis au premier coup de canon : « En voilà pour sept ans au moins ; » et j’ai eu le malheur d’être prophète. Cela est un peu loin de la paix perpétuelle que Jean-Jacques Rousseau a si généreusement proposée, d’après le vertueux visionnaire l’abbé de Saint-Pierre. Les hommes seront toujours fous ; et ceux qui croient les guérir sont les plus fous de la bande. Ce qu’il y a de bon, c’est que toutes les espérances des politiques sont toujours trompées, et que cette expérience ne les détrompe jamais. Ceux qui se contentent de prévoir que les nations deviendront très-malheureuses par les fautes de cette politique sont les seuls qui aient raison.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. Élisabeth Petrowna était morte le 5 janvier.