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Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4874

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 82-83).

4874. — À M. BECCARIA[1].

Monsieur, j’aurais dû vous remercier plus tôt ; mais je n’ai pas voulu vous faire un vain compliment ; j’ai voulu connaître toute l’étendue du bienfait, et vous rendre mes très-humbles actions de grâces en connaissance de cause. Ce n’est donc qu’après avoir lu votre livre avec la plus grande attention que j’ai l’honneur de vous dire qu’on n’a jamais rien écrit de plus vrai, de plus sage et de plus clair. Il n’y a qu’un homme de qualité, appelé aux premières fonctions, qui puisse traiter ainsi ce qui regarde le bien public. C’est ce qui est arrivé en Espagne au seul don Ustariz ; en France, au duc de Sully ; en Angleterre, à plusieurs membres du parlement.

Ce que vous dites, monsieur, de l’intérêt de l’argent comprend toute cette question en peu de mots. L’intcresse è sempre in ragione diretta delle ricerce, ed in inversa delle offerte. Les théologiens, qui ont tant embarrassé cette matière, auraient mieux fait de ne point parler de ce qu’ils n’entendaient pas.

Je vois, par votre livre, que le Milanais prend une face nouvelle. Il ne faut qu’un ministre pour changer tout un pays. Vous avez chez vous un grand homme[2], digne d’être secondé par vous. Je gémis que mon grand âge et mes maladies ne me permettent pas de vous admirer de plus près.

J’ai l’honneur d’être, avec l’estime la plus respectueuse, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

  1. Cette lettre, éditée par MM. de Cayrol et François, sans suscription et à la date de 1758, est adressée, selon nous, à Beccaria, qui publia en 1762 son ouvrage intitulé Du Désordre des monnaies dans les États de Milan, et des moyens d’y remédier, et qui était l’ami du comte Firmiani. (G. A.)
  2. Le comte Firmiani, gouverneur de Milan. (A. F.)