Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4921

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 128-129).

4921. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
5 juin.

Mes divins anges, je suis aussi honteux que pénétré de toutes vos bontés ; je vous remercie de celles de M. le comte de Choiseul. M. Duclos me mande qu’on a rendu les annonces des Cramer, si ridiculement saisies. Mes Commentaires sont très-sévères, et doivent l’être, parce qu’il faut qu’ils soient utiles ; mais après avoir critiqué en détail, je prodigue les éloges en gros, j’encense Corneille en général, et je dis la vérité à chaque ligne de l’examen de ses pièces.

Je donne au public beaucoup plus que je n’avais promis. Vous aurez bientôt le Jules César de Shakespeare[1], traduit en vers blancs, imprimé à la suite de Cinna, et la comparaison de la conspiration contre César avec celle contre Auguste ; vous verrez si je loue Corneille, et Shakespeare vous fera bien rire.

La Place n’a pas traduit un mot de Shakespeare.

Vous aurez aussi la traduction de l’Héraclius de Calderon[2], et vous rirez bien davantage. Que les Français ne sont-ils dans la tactique ce qu’ils sont dans le dramatique !

Tronchin ne sait ce qu’il dit ; le lait d’ânesse m’a fait mal. J’ai eu le malheur de travailler ; mais il est trop affreux de ne rien faire.

J’apprends dans l’instant qu’on vient d’enfermer dans des couvents séparés la veuve Calas et ses deux filles. La famille entière des Calas serait-elle coupable, comme on l’assure, d’un parricide horrible ? M. de Saint-Florentin est entièrement au fait ; je vous demande à genoux de vous en informer. Parlez-en à M. le comte de Choiseul : il est très-aisé de savoir de M. de Saint-Florentin la vérité ; et, à mon avis, cette vérité importe au genre humain.

La poste part ; je vous adore.

  1. Voyez tome VII, page 431.
  2. Voyez tome VII, page 487.