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Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4930

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 135-136).

4930. — À M. DAMILAVILLE[1].
14 juin.

Le frère Thieriot m’a montré la pancarte de mon frère. J’ai trouvé ses idées très-justes ; il faut que le capitaine qui a bien servi soit colonel. Je n’ai malheureusement nul crédit auprès de monsieur le contrôleur général : mais M. Tronchin, des fermes, en a, du moins à ce qu’on m’assure. Je lui écris, je lui envoie le précis de votre mémoire, en suppliant mon frère de ne point se décourager. Si M. Bertin[2] donne à l’amitié la place qu’il doit aux services, ce passe-droit qu’on ferait pourrait vous servir, mon cher monsieur, à obtenir une place plus importante. On sent le besoin qu’on a des hommes de mérite, et tôt ou tard on les récompense. Je ne doute pas que M. d’Argental ne se donne les plus grands mouvements en faveur de mon frère.

Thieriot m’apprend que Crébillon n’est pas mort ; il l’était dans les gazettes. On a défendu à Genève les livres de Jean-Jacques. Je ne sais ce qu’on en fait à Paris. J’ai eu son Éducation. C’est un fatras d’une sotte nourrice en quatre tomes, avec une quarantaine de pages contre le christianisme, des plus hardies qu’on ait jamais écrites ; et par une inconséquence digne de cette tête sans cervelle et de ce Diogène sans cœur, il dit autant d’injures aux philosophes qu’à Jésus-Christ ; mais les philosophes seront plus indulgents que les prêtres.

J’embrasse mon frère cordialement.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Contrôleur des finances. Il voulait donner cette place à son ami Marinval.