Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4932

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 137-138).

4932. — À M. DEBRUS[1].
À Ferney, 15 juin.

Lamarque a beau dire, il ne se justifiera jamais d’avoir assuré que Marc-Antoine n’avait pas mangé depuis quatre heures. Mais c’est beaucoup qu’il assure n’avoir trouvé aucune meurtrissure sur le corps[2].

Le procureur général de Toulouse ne vaut pas assurément le procureur général de Genève[3]. Les affaires de finance ne retarderont pas d’un moment celles de notre veuve. Cela n’a rien de commun. Ce ne sont pas les mêmes ministres qui se mêlent des rentes et de la justice.

M. le marquis de Nicolaï, fils de monsieur le premier président[4], qui est venu à Ferney, m’a promis de parler et de faire parler fortement monsieur son père à monsieur le chancelier. Je lui ai donné un petit mémoire pour que nous soyons renvoyés au grand conseil. Si nous obtenons ce renvoi, je vous réponds que messieurs les roueurs toulousains seront bien menés.

J’embrasse tendrement le généreux et vertueux M. Debrus et son digne ami M. de Végobre, aussi bien que M. Cathala, La Serre, et tous ceux qui s’intéressent si noblement à une famille infortunée.

  1. Éditeur, A. Coquerel. — Autographe.
  2. Le chirurgien Lamarque, chargé, le 15 octobre 1761, de l’autopsie de Marc-Antoine Calas, affirmait, dans son rapport, que le dernier repas du défunt avait précédé d’au moins quatre heures son décès, tandis que, selon les Calas, le suicide avait eu lieu peu après le souper de la famille. La conjecture de Lamarque était appuyée sur des observations de détail qui pouvaient donner lieu à une interprétation toute contraire.

    Une polémique s’engagea plus tard sur ce point entre Lamarque et un chirurgien de Lyon. En effet, il résulte des faits constatés par Lamarque lui-même qu’un repas avait été pris par le suicidé peu avant sa mort. Il déclarait que « les aliments n’avaient pu être entièrement broyés, divisés et atténués ». C’était confirmer pleinement la déposition des accusés.

    Deux autres médecins, le célèbre chirurgien Louis et un nommé Lafosse, ont écrit aussi sur les diverses questions de médecine légale que soulève le rapport, évidemment inconséquent, de Lamarque. (Note du premier éditeur.)

  3. Jean-Robert Tronchin, homme d’un mérite aussi rare et aussi reconnu que le fameux médecin son parent. Voltaire le regardait comme déplacé dans ce modeste emploi de procureur général d’une petite république, et le comparait au grand acteur Baron, obligé de paraître sur un des petits théâtres de la Foire (Note du premier éditeur.)
  4. M. de Nicolaï était premier président de la cour des comptes.