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Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 5046

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5046. — À M. LE DOCTEUR TRONCHIN[1].

Mon cher Esculape, je sais bien qu’il faut recevoir sans murmure tous les petits agréments que la nature a bien voulu attacher à la vieillesse. Cependant, si on peut les adoucir et les prévenir, c’est encore le mieux. Il y a plus de six mois que ma tête murmure et bourdonne : les doctes distinguent entre le bourdonnement et le sifflement ; mais le fait est que je deviens sourd de jour en jour et d’heure en heure ; je suis le surdus loquens ; faites-moi, s’il vous plaît, le surdus audiens, afin qu’on puisse me dire : À bon entendeur, salut !

N’avez-vous point quelque tour dans votre sac dont vous puissiez m’aider ? sinon, je suis résigné à être de la confrérie des sourds. S’il y a obstruction dans le nerf auditif, je crois qu’il n’y a point de salut pour moi à mon âge ; mais si c’est uniquement tension et sécheresse, j’espère dans ce bel axiome : Contraria contrariis curantur.

  1. Les deux billets suivants, édités par MM. de Cayrol et François, ont dû être écrits vers cette époque. (G. A.)