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Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5238

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 428-429).

5238. — À M. RIBOTTE[1].
16 mars 1763.

Le 7 mars, tous les conseillers d’État de robe et d’épée s’assemblèrent à Versailles ; les secrétaires d’État assistèrent à ce grand conseil, ce qui n’arrive presque jamais. Il y avait trois évêques, plusieurs abbés ; le nombre des juges montait à cent. Toute la galerie de Versailles était remplie de personnes de tout rang et de tout âge. La veuve Calas s’était rendue dans les prisons de Versailles, selon l’usage. Le geôlier et la geôlière la reçurent comme leur sœur, lui préparèrent un grand dîner, pour elle, pour ses filles et pour ses amis, et ne voulurent rien recevoir pour leur droit.

La séance du conseil dura trois heures et un quart ; l’affaire fut jugée sur le mémoire de M. Mariette, avocat au conseil, que j’ai donné à Mme Calas. M. de Crosne, maître des requêtes, rapporteur de l’affaire, parla avec l’éloquence la plus touchante, et discuta tout de la manière la plus exacte.

Toutes les voix se réunirent à ordonner que le greffier en chef du parlement de Toulouse enverrait la procédure au conseil du roi, et que le procureur général rendrait compte, au nom du parlement, des motifs qui ont porté les juges de Toulouse à faire rouer Jean Calas.

Le roi a donné son approbation à la décision du conseil. Tout Paris a applaudi. L’ordre du conseil est parti pour Toulouse.

Voilà, monsieur, des nouvelles sûres, dont vous pourrez donner copie à tous ceux qui en seront curieux.

  1. Bulletin de la Société de l’Histoire du protestantisme français ; Paris, 1856, page 243.