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Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6871

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 247-248).
6871. — DE MADAME VEUVE DUCHESNE[1].
À Paris, le 2 mai 1767.

Monsieur, ce n’était pas sur la lettre que j’ai eu l’honneur de vous écrire ce mois dernier que je comptais avoir raison de mes justes plaintes, mais bien, monsieur, dans votre justice. Je sais que les louanges, quoiqu’elles vous soient dues, ne vous affecteront jamais au point de vous faire faire ce que votre équité n’approuve pas. J’ai donc fondé mon espérance plus dans vous-même que dans les plus belles phrases que j’aurais pu employer à ce sujet. Je ne connais rien autre que la vérité.

Certainement, mon intention est la plus ferme de ne jamais réimprimer aucun de vos ouvrages sans vous en faire part, et prendre en conséquence les avis que vous voudrez bien me communiquer. Ce n’est que par un malentendu, et l’éloignement les uns des autres, si jusqu’à présent il en a été agi autrement : chose pour laquelle je vous supplie, monsieur, d’en faire un oubli général par la promesse la plus sincère que je vous fais que vous aurez lieu d’être content par la suite.

Comme je veux absolument rendre moins défectueux ce qui me reste de cette édition de votre théâtre, j’ai envoyé à M. Thieriot un exemplaire, pour qu’il ait la bonté d’y sabrer généralement tout ce qu’il jugera à propos d’après vos intentions ; et comme le tome V sera quasi refait, je vous supplie, monsieur, de me faire savoir si je puis mettre à la fin de ce tome la pièce des Scythes, ainsi que toute autre chose, pour rendre cette édition au gré de vos désirs : ceci ne sera cependant qu’en attendant la belle édition que je me propose de faire immédiatement après la Henriade.

À propos de la Henriade, M. Thieriot a bien voulu se charger de vous faire passer quelques épreuves des gravures ; comme ce ne sont que des épreuves, s’il y avait quelque chose qui ne vous plût pas, j’y ferai retoucher sur vos remarques, avant de faire tirer pour l’édition. La première figure, qui est destinée pour être placée devant le titre, devait vous être envoyée il y a déjà bien du temps ; mais je ne l’ai différé que parce que je voulais l’accompagner de quelques autres : c’est la même raison pour laquelle j’ai différé aussi de vous accuser la réception de l’exemplaire qui doit servir de copie pour l’impression, qui, quoique pas encore commencée, sera plus tôt faite que les gravures : je fais faire un papier exprès à Annonay par celui qui a remporté le prix proposé par le ministre chargé du département du commerce. Enfin je tâcherai de ne rien épargner pour mériter votre estime et votre amitié. J’espère que, d’après la sincérité de mes sentiments pour vous et pour vos œuvres, vous voudrez bien m’honorer d’une lettre qui satisfera les désirs que j’ai de me réconcilier avec vous. Je suis avec respect, monsieur, etc.

P. S. J’ai à vous dire, monsieur, qu’il se débite dans Paris fort souvent des ouvrages qui paraissent être de mon fonds, et que souvent je ne connais pas : ce sont des auteurs qui les font imprimer pour leur compte et les font débiter de même, en y faisant mettre mon adresse, parce que la maison a une sorte de célébrité. Je m’en suis déjà plainte, et j’espère que je parviendrai à empêcher un abus qui me compromet vis-à-vis des personnes pour qui je dois avoir toutes sortes d’égards.

  1. Dernier Volume des œuvres de Voltaire, 1862.