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Cours d’agriculture (Rozier)/ANÉVRISME et VARICE

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Hôtel Serpente (Tome premierp. 540-544).


ANÉVRISME & VARICE, Médecine rurale.

1o. De l’anévrisme. C’est une tumeur formée par le sang dans la tunique propre de l’artère, ou par la rupture de l’artère, ce qui constitue deux espèces d’anévrismes, l’un vrai & l’autre faux.

On appelle anévrisme vrai, cette tumeur formée sur le trajet d’une artère, par la dilatation des tuniques qui forment ce canal sanguin nommé artère.

On donne le nom d’anévrisme faux à cette tumeur qui naît à la suite de la rupture des tuniques de l’artère, & dans laquelle le sang s’épanche.

Il n’est pas inutile de savoir, pour l’intelligence de cet article, qu’on distingue dans le corps humain plusieurs vaisseaux ou conduits qui servent à charier, les uns le sang & les différentes humeurs qui sortent de ce fluide principe, & les autres celles qui retournent dans le torrent de ce fluide. Les vaisseaux ou conduits qui portent le sang du cœur dans les différentes parties du corps, sont de deux espèces ; les vaisseaux qui, en partant du cœur, vont porter le sang dans toutes les parties du corps se nomment artères ; & ceux qui prennent le sang dans toutes les parties du corps pour le reporter au cœur, se nomment veines.

Continuons maintenant à parler des maladies de ces premiers canaux qu’on nomme artères ; & nous traiterons ensuite des maladies des seconds, nommés veines.

L’anévrisme siège dans toutes les parties extérieures du corps indistinctement & il a lieu aussi dans l’intérieur du corps.

À l’extérieur, quand cette tumeur se manifeste, la peau qui étoit blanche dans le principe, commence à rougir ; on sent sur cette tumeur un battement manifeste, & semblable à celui des artères : ce qui sert de lumière pour distinguer ces tumeurs sanguines des tumeurs qui naissent d’une autre cause ; il arrive cependant quelquefois que ce battement de l’artère se fait sentir, dans des tumeurs qui ne sont pas de la nature de celles dont nous parlons, mais le fait est rare.

Ces tumeurs sont produites par des piqûres, des chûtes, des coups, des contusions ou des plaies ; elles viennent aussi quelquefois à la suite des efforts que l’on fait, soit en chantant, soit en portant des fardeaux très-pesans, soit en toussant, en vomissant, en éternuant, en criant, soit enfin en accouchant.

Quand l’anévrisme siège dans les parties internes, il est constamment mortel : lorsqu’avec de grandes difficultés de respirer, un malade éprouve des inquiétudes, on peut soupçonner que l’anévrisme est dans la poitrine.

Quand il est à l’extérieur, & dans les grandes artères, il est encore mortel ; mais dans les petites artères, on parvient quelquefois à le guérir. On a vu, mais très-rarement, l’anévrisme déchirer les membranes qui le contenoit, exciter une hémorragie considérable, la tumeur disparoître, & la perte de sang s’arrêter d’elle-même, & sans reparoître ; mais ce phénomène est rare.

Dans cette affreuse maladie, la vie est à chaque instant en danger, la tumeur grossit par degré, la peau qui la couvre s’amincit insensiblement ; l’effort le plus léger suffit pour faire crever cette peau devenue plus mince, & pour priver de la vie le malade en peu de minutes.

Les moyens qu’on peut employer pour remédier aux suites funestes de ces tumeurs, sont purement mécaniques ; il faut désemplir les vaisseaux par les saignées, & par l’application des sang-sues, (loin de la partie sur laquelle siège l’anévrisme) & faire sur la tumeur une pression graduée avec une plaque de plomb, si le siège qu’occupe la tumeur le permet ; on doit sentir aisément que, quand elle est située au col, la pression graduée & continuée ne peut pas avoir lieu ; le malade seroit bientôt suffoqué.

On emploie encore avec succès les styptiques, le blanc d’œuf, l’alun dissous dans l’eau, le fort vinaigre, l’acacia ; si l’anévrisme est considérable, il faut appeler les gens de l’art. Les conseils que nous donnons sont seulement pour respecter ce mal, ne point se permettre d’imprudence, & attendre des secours éclairés.

Nous avons connu une femme de mauvaise vie, qui, à la suite d’efforts violens qu’elle fit pour empêcher deux hommes de fouiller dans ses poches, fut attaquée au-dessus de la clavicule d’une tumeur de la grosseur d’une petite noisette. Un chirurgien ignorant fut appelé ; il prononça que c’étoit un bubon vénérien, & administra les grands remèdes à la malade : elle souffrit beaucoup dans ce traitement, surtout quand le chirurgien appliquoit des frictions sur la tumeur qui croissoit de jour en jour. Les battemens de l’artère se manifestant de plus en plus, le chirurgien crut reconnoître la maturité de la tumeur, & se disposoit à l’ouvrir pour en faire sortir, disoit-il, le pus ; nous fûmes appelés : nous reconnûmes le genre de la tumeur, & nous nous opposâmes à ce que le chirurgien en fît l’ouverture. Nous prescrivîmes la saignée : elle fut répétée de tems en tems ; mais la tumeur continuant à grossir, & la malade à vivre dans l’incontinence, un jour la tumeur perça, & la malade expira en quelques minutes d’une hémorragie.

Nous n’avons rapporté cet exemple que pour effrayer ceux & celles qui se livrent à des exercices immodérés, & qui étant assez malheureux pour être attaqués de semblables maladies, sont assez téméraires pour confier leur vie au premier charlatan qui se présente, sous le spécieux prétexte de guérison.

2o. Des varices. Cette maladie est absolument la même que la précédente ; elle ne diffère que par la partie dans laquelle elle siège.

La varice est une tumeur molle, inégale, tortueuse, noueuse, indolente, livide ou noirâtre. Elle est causée par la dilatation des veines engorgées par le sang qui ne peut pas remonter vers sa source, soit parce qu’il est trop épais, soit parce qu’il éprouve des obstacles dans son cours.

Cette tumeur, ou plutôt ces tumeurs, paroissent aux jambes & aux cuisses ; les femmes enceintes y sont fort sujettes.

Ces tumeurs sont ordinairement la suite des coups, des chûtes, des efforts & des ligatures ; le sang arrêté dans les veines en force les tuniques, & donne naissance à une tumeur. Elles sont quelquefois la suite d’obstruction des viscères du bas ventre.

Quand ces tumeurs sont simples & petites, elles ne sont ni douloureuses, ni dangereuses ; mais celles qui sont grandes, s’enflamment, quelquefois se rompent, donnent des hémorragies funestes, & se terminent en ulcères de mauvais genre.

Les varices qui sont dans l’intérieur du corps, sont beaucoup plus dangereuses que celles qui siègent à l’extérieur ; celles auxquelles les femmes enceintes sont sujettes, traînent ordinairement peu de danger après elles. Les hypocondriaques, les mélancoliques, & ceux qui ont des maladies de rate, sont soulagés quand il leur survient des varices, & qu’elles coulent abondamment.

Les onguens & emplâtres que l’on applique indiscrétement sur ces tumeurs, les font dégénérer ; de très-simples qu’elles étoient, ils en forment des maladies très-dangereuses, comme des ulcères malins, suivis d’œdème, d’empâtemens & de carie des os.

La première indication qui se présente, est de désemplir les vaisseaux par les saignées ou par les sang-sues, afin de faciliter le retour du sang ; ensuite, il faut s’occuper à corriger la mauvaise disposition du sang par l’usage des bouillons amers, auxquels on joint avec succès des purgatifs doux de distance en distance, & suivant l’exigence des cas.

La compression guérit aussi quelquefois ces tumeurs, quand on la continue long-tems, mais sans meurtrir les chairs ; on se sert aussi avec succès de compresses graduées, trempées dans de l’eau alumineuse, & dans de fort vinaigre.

Quand les varices sont très-grandes, anciennes & douloureuses, il faut avoir nécessairement recours à l’opération.

On ouvre la tumeur avec un instrument tranchant : quelques-uns aiment mieux le cautère actuel, & leur sentiment est à préférer ; on comprime la veine qui porte le sang à la tumeur ; on fait ensuite le traitement d’une plaie simple ; il faut avoir, dans ce cas, recours aux gens de l’art. M. B.


Anévrisme & Varice, Médecine vétérinaire.

L’anévrisme vrai est formé par la dilatation de l’artère. On le connoît à une tumeur circonscrite, accompagnée d’un battement, qui répond ordinairement à celui du pouls de l’animal. Dès qu’on porte le doigt sur cette tumeur pour la comprimer, elle disparoît en total ou en partie. Par cette pression, le sang est obligé d’entrer de la poche anévrismale, dans le corps de l’artère qui lui est continue.

Les causes de l’anévrisme vrai sont internes ou externes : telles sont la foiblesse des tuniques de l’artère, qui ne peuvent résister à l’effort & à l’impétuosité du sang, ou un ulcère qui en a corrodé en partie les tuniques ; les coups, les chûtes, les secousses, les sauts, les efforts, l’extension violente des membres, la compression que cause une entorse, une luxation, & quelquefois une fracture non réduite.

Le danger de cette maladie est relatif à la grandeur de l’artère & à sa situation. L’anévrisme des vaisseaux de l’intérieur du corps de l’animal est très-fâcheux, parce qu’on ne peut y apporter aucun remède ; qu’il se termine par l’ouverture de l’artère & par la mort. Il est soupçonné par les palpitations du cœur que l’animal éprouve lorsqu’il a fait une course violente. Celui qui attaque le tronc des vaisseaux extérieurs est moins dangereux à cause de sa situation. Il peut se guérir par la compression, en se servant d’une pelotte maintenue par un fort bandage. Si, après quelques jours de compression, la tumeur n’est point dissipée, l’opération est la seule ressource ; mais elle demande, pour être faite, un artiste sage & éclairé.

L’anévrisme faux se fait par un épanchement de sang, en conséquence de l’ouverture d’une artère, occasionnée par des causes extérieures, comme le bistouri & d’autres instrumens dont se sert le maréchal. Cette espèce d’anévrisme ne peut se guérir que par la ligature de l’artère, si l’espèce d’artère le permet.

Il ne faut pas confondre l’anévrisme faux avec ce qu’on appelle abcès. Le défaut de distinction conduiroit à des suites fâcheuses. L’existence d’une tumeur proche d’une artère, les pulsations que l’on sent au doigt, la résistance du sang qui est plus considérable que celle du pus renfermé dans un abcès, sont autant de signes pour le faire distinguer.

La varice est une dilatation qui survient à la veine d’un animal, plus fréquemment à la veine saphêne, dans son passage à la partie latérale interne du jarret. On assigne ordinairement cette situation à cette maladie, attendu l’action violente & les grands efforts auxquels cette partie se trouve exposée. Elle se connoît à l’inspection & au gonflement de la veine, en appuyant un doigt sur le lieu même où est la tumeur. Elle disparoît sur le champ, parce que la pression détermine le sang le long de la veine, reparoît & se montre de nouveau aussitôt que cette pression cesse. Au surplus, lorsque la dilatation est excessive, il y a douleur, inflammation, &c.

La compression, telle que nous l’avons indiquée ci-dessus, est le seul moyen à mettre en usage.

Le nom de varice est particuliérement restreint, en maréchallerie, à signifier un gonflement de la partie latérale interne du jarret. Ce gonflement n’est autre chose qu’un relâchement des ligamens capsulaires de l’articulation. Cet accident est particulier ; & quoiqu’il reconnoisse pour cause les efforts que fait l’animal dans cette partie, on ne doit pas l’appeler proprement varice. Nous avons observé que le feu appliqué par pointes, étoit le remède le plus propre pour la guérir. M. T.