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Cours d’agriculture (Rozier)/FUMIGATION

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FUMIGATION. Rozier s’étant apperçu que ce mot avoit été oublié, a profité de l’article Méphitisme pour présenter tous les avantages d’une pareille opération ; mais je crois utile d’en faire mention ici, et d’indiquer en même temps les différens accessoires qui peuvent en favoriser l’efficacité.

Les fumigations consistent dans des vapeurs ou odorantes, ou acides, ou sulfureuses, qu’on répand dans les lieux dont l’air infecté est insalubre pour la vie de l’homme et des animaux. Telles sont le vinaigre, les baies de genièvre, des plantes aromatiques, des matières résineuses que l’on met en expansion dans les hôpitaux, les prisons, les églises, les lieux obscurs trop peu aérés où se trouvent rassemblés beaucoup d’hommes, pour corriger les mauvaises impressions d’un air vicié sur l’économie animale.

Plusieurs écrits traitant des moyens de désinfecter l’air dans ces établissemens, nous ne nous en occuperons pas spécialement dans cet article ; mais nous allons examiner de quelle manière il est possible de rendre plus sain l’air que respirent les animaux dans les étables, les écuries, les bergeries, les toits à porcs, les poulaillers, les colombiers, etc. ; objet dont on s’est jusqu’à présent trop peu inquiété, quoique plusieurs maladies acquièrent un nouveau degré d’intensité par le concours de ces vapeurs fétides, et de cet air méphitique ou même contagieux dans lesquels croupissent les animaux.

Mais, comme les fumigations seules ne sauroient produire l’assainissement complet de l’air, comme elles ne font qu’ajouter quelquefois des vapeurs désagréables aux miasmes dont cet air est déjà chargé ; comme elles rendent même de plus en plus l’air nuisible à la respiration en l’épaississant davantage, il est nécessaire de recourir à différens moyens pour purifier l’air que respirent les animaux domestiques dans les asiles où ils sont renfermés. On peut établir quatre moyens principaux pour parvenir a ce but. Le premier consiste dans la manière la plus avantageuse de construire et de disposer les étables, les écuries, etc. ; le second repose spécialement sur la propreté ; le troisième est fondé sur les moyens mécaniques de chasser l’air infect et de le renouveler ; enfin le dernier dépend des différentes opérations chimiques pour purifier ce fluide atmosphérique.

1°. De la construction et de l’emplacement les plus favorables à la salubrité des étables, etc. Quoiqu’on ne soit pas toujours le maître de choisir les lieux es plus convenables, et de construire à son gré les écuries, les bergeries, les colombiers et les autres demeures qu’on destine aux animaux domestiques ; il est cependant nécessaire de savoir comment on parvient à les rendre saines. Il importe sur-tout de les placer, s’il est possible, dans un lieu libre et un peu élevé, pour éviter l’humidité qui est très-pernicieuse à la plupart des animaux, et qui, aidant la décomposition des litières et la putréfaction de toutes les substances, répand des principes de corruption dans l’air. Le sol des écuries, etc., sera bien pavé et un peu incliné, pour favoriser l’écoulement des urines, car la position horizontale rend les écuries moins humides ; et rien n’affecte davantage le pied du cheval, que de tenir cet animal sur un plan trop en pente ou en talus. Il faudra, autant qu’on le pourra, construire les étables à une exposition orientale ou méridionale ; cependant celle du nord, quoique froide en hiver, est assez salubre ; il est rare que les animaux éprouvent la froidure d’une manière nuisible ; (excepté les poules et les pigeons) car les moutons, le vaches, les chevaux, les cochons, supportent très-bien la température de nos hivers, dans leurs étables, où ils s’échauffent d’ailleurs mutuellement. Au contraire, les grandes chaleurs de l’été, pendant lesquelles on les renferme d’ordinaire, les font extrêmement souffrir, principalement ceux à toison épaisse : aussi ces animaux entassés dans un petit espace, presque sans jour, sans air, et au sein des ardeurs de la canicule, suent, halètent et même périssent étouffés ; ou bien, sortant tout à coup de cette atmosphère brûlante et concentrée, ils passent dans un air libre et froid qui suspend leur transpiration et produit de fréquentes maladies*

Rien n’est donc plus nécessaire épie de pratiquer des fenêtres ou des larmiers dans les étables, les écuries, les bergeries, d’en proportionner le nombre et les dimensions à l’étendue des bâyimens, et de les construire de manière à pouvoir les ouvrir et les fermer à volonté, pour donner accès à l’air et intercepter la lumière, à les préserver du froid en hiver, et de la chaleur en été ; enfin, avec des égouts pour l’écoulement des urines et des ordures, etc.

Mais, comme l’atmosphère de ces localités est fort pesante, et que l’air méphitique, ou le gaz acide carbonique qui se dégage des matières putréfiées, de la respiration, de la transpiration, et des excrémens, est plus lourd que l’air commun, il se lient de préférence dans les parties basses, ce qui nuit d’autant plus aux bestiaux, qu’ils ne peuvent se coucher et dormir sans respirer cet air épais, stagnant et imprégné de toute la mauvaise odeur des litières et des sécrétions. C’est donc principalement dans le bas qu’il importe d’ouvrir des soupiraux, des espèces de vasistas propres à, balayer l’air pesant et corrompu ; car les fenêtres qui renouvellent le dessus de l’atmosphère d’une écurie ne changent point du tout celui du bas dans lequel se trouvent les bestiaux, et n’en effleurent que la surface ; aussi les cochons, les brebis, les chèvres et les autres espèces moindres d’animaux domestiques souffrent davantage de l’air vicié que les chevaux, les bœufs et les vaches. Cependant la chèvre, la brebis, sont destinées par la nature à vivre au grand air, sur les collines, où elles se plaisent. Les cochons qui préfèrent les terrains fangeux, la boue, et se vautrent dans les marécages, ne sont pas aussi incommodés d’un air lourd et corrompu que les autres bestiaux !

D’ailleurs, la grandeur des écuries, des étables, des bergeries, n’est pas suffisante pour offrir un volume d’air capable d’être respiré par un grand nombre d’animaux ; il est respiré plusieurs fois avant d’être changé ; et dans les pays où les bouviers, les bergers couchent dans les étables, on les voit se lever, chaque matin, pâles, abattus ; ils éprouvent souvent le cauchemar pendant la nuit ; il doit en arriver de même aux bestiaux, surtout aux jeunes, d’où il suit un dépérissement et une mauvaise constitution qui détériorent les espèces. Il est donc nécessaire de donner un assez grand espace à ces animaux, d’exhausser le plancher, de percer les murs en différens endroits, pour donner un libre accès à l’air, en prenant les précautions nécessaires pour empêcher les hommes ou les animaux de proie d’y pénétrer. Ce renouvellement de l’air et cette heureuse exposition sont si utiles aux bestiaux, qu’on ne peut attribuer qu’à cette seule cause tous les avantages du parcage de ces animaux.

Les poulaillers, les colombiers, quoique plus élevés, communément que le sol, et moins humides, moins remplis d’un air épais que les écuries et les étables, ont aussi besoin d’avoir des ouvertures pour le renouveler. Les oiseaux sont d’un tempérament plus chaud que les quadrupèdes ; ils ont un besoin plus naturel encore d’air pur, et on les rassemble ordinairement en grand nombre dans le même local ; mais il est essentiel de garnir ces ouvertures d’un treillage fort et serré pour empêcher l’entrée des belettes, des putois et des autres bêtes carnassières ou malfaisantes qui s’introduisent souvent dans ces asiles. Pendant l’été, on placera des châssis de canevas à ces ouvertures, pour empêcher l’entrée des mouches qui harcèlent continuellement les bestiaux.

Pénétrée de toutes ces vérités, la Société d’Agriculture du département de la Seine avoit proposé un prix sur les constructions rurales, qu’elle a décerné à un Mémoire de M. de Perthuis, qui a traité cet utile sujet dans cet Ouvrage, avec la méthode et les vues économiques qui persuadent que l’on est inspiré par le seul désir de servir son pays. Il appartenoit à une nation qui a tant fait pour les animaux, qui a infligé des peines, des amendes contre ceux qui, dans les foires, les maltraiteroient, de réunir les notions acquises par les meilleurs agriculteurs ; c’est à M. Lasteyrie que nous en devons la traduction, qu’il a enrichie de notes instructives.

Des moyens de propreté. Ce seroit en vain qu’on prendroit toutes les précautions pour offrir un local sain et agréable aux bestiaux, si l’on ne veilloit pas à sa propreté continuelle. Rien ne corrompt, davantage l’air que l’amas infect d’urines, d’excrémens, de litières qui se décomposent et qui fermentent sans cesse dans les étables. De ce foyer perpétuel de vapeurs de litières s’exhalent des miasmes qui pénètrent dans les poumons, s’attachent non seulement aux poils, à la laine, à la peau des bestiaux, aux plumes des poules et des pigeons, mais même aux murs et à tous les objets qui sont exposés à leur contact. Les excrémens des animaux sont aussi désagréables pour eux que les nôtres le sont pour nous, et leur répugnent autant. Il est très-nécessaire de les nettoyer souvent, de changer leur litière ; car il vaudroit encore mieux les laisser coucher sur un plancher propre et uni, que dans une litière pourrie et infecte. Il seroit encore fort utile de laver souvent ces étables et ces écuries, d’en blanchir les murs avec un lait de chaux, de nettoyer les différens ustensiles avec de l’eau un peu vinaigrée, d’enlever la poussière, les toiles d’araignées, de faire périr par diverses lotions âcres et caustiques les œufs des insectes, de faire baigner les animaux plus souvent, de les étriller, les frotter avec un bouchon de paille, de changer leurs auges et mangeoires, ou les tenir nettes ; d’enlever sur-tout les excrémens, de faire bien écouler les urines et de préserver de l’humidité les étables, de les maintenir sèches, s’il est possible. Il ne faut pas trop encombrer les bestiaux, et avoir soin de séparer les malades des sains. L’odeur du foin sec et de la paille, la poussière qui en sort lorsqu’on les secoue, contribuent encore à remplir les écuries, les étables, les bergeries d’un air fort épais ; il faudroit donc secouer ces foins et ces pailles dans la grange, avant de les donner aux bestiaux. Ce sont ces soins qu’on néglige, parce qu’ils sont pour des bêtes, qui deviennent quelquefois des causes de graves incommodités et de grandes pertes d’animaux. C’est alors que l’œil du maître est sur-tout nécessaire, et qu’on a besoin de domestiques intelligens et laborieux. Aussi la santé et la beauté des animaux dont on tient les étables propres sont très-remarquables.

Une subsistance saine et abondante ne suffit pas, encore une fois ; et, comme on l’a dit, la propreté et la litière d’un animal sont la moitié de sa nourriture.

Des moyens mécaniques. Indépendamment des soins précédens, il existe encore d’autres manières de renouveler l’air et de chasser les exhalaisons méphitiques des étables, des bergeries et des écuries. Il faut sur-tout isoler les espèces de bestiaux dans des lieux séparés, car il paroît que les vapeurs de la transpiration d’une espèce sont plus nuisibles à une autre espèce que les leurs propres. D’ailleurs, ce mélange de diverses exhalaisons d’animaux peut former des miasmes plus délétères que s’ils étoient simples. La précaution d’éloigner le grenier à foin, qu’on place souvent au dessus des écuries, est encore utile, car lorsque le foin s’imprègne des vapeurs qui s’élèvent de l’étable, les bestiaux dédaignent cet aliment qui acquiert une saveur désagréable à leur goût. Il suffit même que quelqu’un ait couché sur ce foin, pour qu’il leur répugne. La salubrité des écuries et des étables qui n’ont point de greniers à foin au dessus d’elles est plus grande, parce que le foin les échauffe non seulement d’une manière extrêmement sensible, mais encore il exhale une grande quantité de gaz acide carbonique chargé d’une odeur herbacée, comme on peut s’en convaincre par l’odorat ; Ce qui augmente toujours le méphitisme de l’air. Si la bergerie ou l’étable n’est point entourée de paille, de foin et d’autres matières facilement combustibles, l’un des moyens les plus utiles pour renouveler l’air, seroit d’y promener une petite botte de paille enflammée, avec toutes les précautions nécessaires pour ne pas occasionner d’incendie : c’est ainsi qu’on dilateroit l’air et qu’on le changeroit ; ce moyen aideroit aussi à faire périr les taons, les oestres, les araignées et autres insectes nuisibles ou malfaisans. Les habitans de l’Europe méridionale, comme dans l’Espagne, le royaume de Naples, chassent ou font périr les scorpions, les crapauds, les lézards, qui viennent en grand nombre se réfugier dans les étables, en brûlant de la poix et du galbanum dont l’odeur les suffoque. Mais il est sur-tout nécessaire d’entretenir une grande agitation dans l’air, soit par des ventouses qui aspirent l’air par le haut, comme le recommande mon collègue Tessier, dans les Mémoires de la Société de Médecine, année 1779, soit par quelque autre moyen analogue. Le froid est plus favorable à la salubrité des étables que la chaleur, parce que celle-ci hâte la putréfaction des litières, des excrémens, des urines, tient les bestiaux dans une sueur et une transpiration continuelles qui les affoiblissent et les étouffent ; aussi ces animaux toussent ; leurs poumons deviennent squirrheux, et ils périssent de suffocation. C’est pourquoi il est avantageux de pratiquer des ouvertures du côté où souffle le vent. Il faut excepter cependant le vent chaud et humide du midi et du sud-ouest, qui sollicite la putréfaction dans les corps.

La dessiccation des foins et des autres fourrages dégageant une très-grande abondance de gaz acide carbonique, ou d’air méphitique, il faut écarter de la demeure des bestiaux ces herbes encore à demi-fraîches. Le voisinage des fumiers, des mares ou flaques d’eaux croupies et fangeuses, auprès des étables, des bergeries, des écuries, forme encore un foyer très-dangereux de corruption, qu’il est nécessaire d’éloigner autant que les localités le permettent.

Les toits à porcs doivent avoir des cloisons à jour ; ces animaux ne craignent point le froid, ils aiment l’humidité et à se vautrer dans l’ordure, moins par goût, que par la nécessité où ils sont de calmer la chaleur de leur tempérament pendant l’été, et de trouver une espèce de coussin mollet qui leur fasse éprouver des sensations agréables : il convient de laver fréquemment leurs loges.

On pourroit établir, dans les grandes étables, des ventilateurs, une espèce de grand éventail qui, mis en mouvement dans les grandes chaleurs, aideroit à rafraîchir et à renouveler l’air. J’ai vu, dans de vastes écuries, un petit ruisseau d’eau claire qui, les traversant, et charriant au dehors toutes les immondices, y entretenoit la propreté et une fraîcheur agréable avec la salubrité. D’ailleurs, il importe beaucoup de donner aux animaux un espace suffisant pour ne pas être gênés, sur-tout dans la gestation, de peur d’occasionner des avortemens.

Des moyens chimiques. Les mêmes procédés employés pour désinfecter l’air des salles d’hôpitaux, des prisons, des camps, des caveaux, des vaisseaux, des ateliers, enfin de tous les lieux où se rassemble une grande foule d’hommes, peuvent également s’appliquer à ceux où on réunit beaucoup d’animaux. Mais, tant qu’on ne parviendra point à éteindre le foyer de l’infection ; tant qu’on n’arrêtera pas cette source d’émanations malfaisantes, le secours d’un remède momentané, tel qu’une fumigation, ne sera presque d’aucune utilité ; car si elle n’a pour but que de détruire les miasmes délétères de l’air, on auroit plutôt fait de le renouveler entièrement ; il faut donc que ces procédés chimiques attaquent principalement le foyer de l’infection, et qu’ils agissent plutôt sur la cause qui vicie l’air, que sur cet air même.

Les anciens agriculteurs ont proposé mille recettes de fumigations pour assainir l’air des étables, des écuries, des poulaillers, des colombiers, etc. Les uns se servoient du soufre, d’autres du benjoin, de l’encens, de plantes, de résines aromatiques, du genièvre, etc., qu’ils faisoient brûler dans les lieux ou étoient renfermés leurs animaux domestiques, mais, loin de purifier l’air, ils le remplissoient d’une fumée épaisse et étouffante qui suffoquoit les pauvres bestiaux. D’autres auteurs recommandoient de mettre du vinaigre en expansion, en le versant sur une pelle rougie au feu. Ce procédé n’étoit pas plus utile que les précédens ; car le vinaigre se décomposant formoit du gaz acide carbonique, et de l’hydrogène mêlé d’eau en vapeurs qui épaississoient toujours l’air, et le rendoient moins propre à la respiration.

Le moyen le plus avantageux pour détruire la putridité de l’air et les miasmes infects de la demeure des animaux domestiques, lorsque les précautions ci-dessus indiquées ne sont pas suffisantes, consiste dans le procédé de désinfection de M. Guyton de Morveau. Ce célèbre chimiste a donné le premier l’idée d’appliquer l’action de l’acide muriatique oxigéné, dans l’état de vapeurs ou de gaz, aux miasmes délétères et contagieux pour les détruire. En effet, l’oxigène dont cet acide est surchargé se combine aux principes putrides répandus dans l’air, change leur nature, et parvient à neutraliser les effets pernicieux qu’ils exercent sur l’économie animale.

L’on a soin de faire sortir d’une écurie ou d’une bergerie infectée tous les animaux qu’elle renferme ; lorsqu’on veut mettre ce procédé en pratique pour une étable d’environ trente pieds de longueur, douze de largeur, et autant d’élévation, l’on prend une demi-livre de sel de cuisine pulvérisé, (muriate de soude) deux onces de manganèse en poudre, (oxide de manganèse) huile de vitriol, (acide sulfurique concentré) six onces, mêlés avec autant d’eau.

L’on dispose au milieu de l’étable un petit fourneau bien allumé sur lequel on placera une terrine de grès remplie de sable fin ou de cendre tamisée ; sur ce sable ou ces cendres on mettra une capsule de verre ou de grès, dans laquelle on jettera le mélange de sel et de manganèse, ensuite on versera dessus, en mêlant, l’huile de vitriol étendue d’eau, en évitant la vapeur forte qui s’en élèvera aussitôt. On se retirera en fermant exactement toutes les issues, et on laissera les choses en cet état jusqu’au lendemain. Alors on ouvrira les portes, les larmiers ; on renouvellera l’air, et l’étable sera purifiée. Nous renvoyons d’ailleurs à l’article Acide muriatique de ce Supplément.

Le docteur anglais Carmichaël Smith, a recommandé un autre procédé qui paroît être fort efficace aussi, et qui consiste à mettre en expansion du gaz nitreux, au lieu de l’acide muriatique oxigéné. Pour cet effet, on dispose également un fourneau allumé avec son bain de sable ; on met dans la capsule de verre ou de grès environ six onces de salpêtre purifié, (nitrate de potasse) réduit en poudre ; on verse dessus six onces d’acide vitriolique, (acide sulfurique étendu d’eau) et l’on retient la vapeur dans le local, en le fermant exactement.

Ces deux procédés ont été mis en usage avec beaucoup de succès, non seulement pour les lieux habités par les hommes, mais encore pour les demeures des bestiaux. Ils sont particulièrement nécessaires dans les cas de maladies contagieuses, d’épidémies et d’épizooties ; si l’on ne peut pas faire sortir tous les animaux de l’étable dont on veut assainir l’air, on fera ces fumigations moins fortes de la moitié, pour ne pas incommoder les bestiaux.

Plusieurs expériences ont démontré l’utilité de ces fumigations de gaz acide muriatique oxigéné, dans les redoutables maladies épizootiques contagieuses. Vicq-d’Azyr les a recommandées dans ces occasions ; et quoique le docteur Rasozi et quelques auteurs en aient contesté l’efficacité, cependant elles ne sont point à négliger, sur-tout après avoir épuisé tous les moyens détaillés précédemment. En général, les acides étant les destructeurs des principes putrides et alcalins que développent les maladies contagieuses, leur usage ne peut être que très-salutaire ; et c’est dans ces vues que Rozier a recommandé les fumigations d’acide muriatique simple, suivant le procédé de Guyton de Morveau, à l’article Méphitisme du Cours complet d’Agriculture.

M. Paraletti, membre de l’académie de Turin, a fait le plus heureux usage des fumigations de gaz acide muriatique oxigéné, dans des ateliers de vers à soie attaqués de maladie. Les vers de l’un de ses ateliers, qui avoient passé la quatrième mue, devenoient languissans, refusoient la feuille de mûrier ; plusieurs rendoient des excrémens gluans, olivâtres ; d’autres avoient des taches ronges sur la peau, il en mouroit un très-grand nombre. L’auteur mit dans une capsule de verre une once de manganèse en poudre, et versa dessus de l’eau régale, (acide nitro-muriatique) en remuant avec une spatule de cristal. Il s’éleva une vapeur de gaz très-vive, que M. Paroletti promena par toute la chambre pendant un quart d’heure, en modérant toutefois la fumigation, de manière à ne point incommoder les vers ; ensuite il renouvela l’air. Au bout de deux jours, la maladie disparut ; les vers montèrent heureusement, et eurent un succès partait. Dans un second essai fait sur quelques centaines de vers à soie, attaqués d’une maladie qui les rendoit luisans et d’une couleur jaune, il a suffi de tenir ouvert, près d’eux, un de ces flacons portatifs de désinfection que prépare M. Boulay, pharmacien : presque tous les vers montèrent et fournirent de très-beaux cocons. Ce procédé seroit sans doute avantageux à la santé des hommes qui, se livrant à l’éducation des vers a soie, éprouvent souvent des fièvres dangereuses.

En 1800, une maladie contagieuse s’est fait sentir à St-Omer et dans les environs ; elle a moissonné huit cents bœufs ou vaches, dans l’espace de six mois : une foule de vachers, de cultivateurs ou distillateurs de grains, ont perdu tout ce qu’ils avoient de bestiaux M. Ramonel » pharmacien, de première classe des armées, avoit dix-sept bœufs dans une seule étable, qu’il nourrissoit avec la drèche provenant de sa distillerie ; son établissement étoit voisin de deux vachers qui voyoient tous les jours leurs bestiaux périr ; il conserva les siens, en mettant en expansion, deux fois le jour, du gaz acide muriatique oxigéné, au moyen d’un réchaud qu’il plaçoit à une des extrémités de l’étable dont les portes et les fenêtres étoient fermées pendant une heure ; ce gaz sembloit chagriner un peu les bestiaux, ils s’apitoient et toussotent souvent ; mais à peine avoit-on donné de l’air à l’étable, et le gaz dissipé, qu’ils paroissoient très-gais et mangeoient avec avidité. Ce moyen fut employé, pendant quelque temps, sans qu’on se soit apperçu de la moindre indisposition parmi eux ; ils prirent de l’embonpoint comme dans les temps ordinaires.

Le gaz acide carbonique, qui vicie l’air des étables, peut être absorbé par l’eau de chaux, exposée dans des baquets aux coins du local, lorsqu’on ne peut pas y faire circuler du nouvel air ; il faut cependant observer que ces agens chimiques n’ont qu’une puissance momentanée, et qu’il est nécessaire de les répéter souvent. Il est d’ailleurs indispensable d’en confier l’emploi aux propriétaires instruits, plutôt qu’à des domestiques aussi peu éclairés que maladroits.

Dans les Mémoires de la Société de Médecine, année 1786, Lasonne et Cornette recommandent l’usage des acides végétaux en expansion dans les lieux infectés ; ils proposent aussi de combiner ces acides à des aromates, tels que le camphre pour corriger la putridité. Cependant ils regardent avec raison l’usage des aromates comme pernicieux, soit qu’on les brûle, soit qu’on les vaporise seulement à l’air, car l’odeur qu’ils exhalent est une véritable combustion lente qui s’empare de l’oxigène atmosphérique et diminue la faculté respirable.

L’usage dans lequel sont les fermiers, de renfermer les vaches dans des étables peu aérées, quoique dangereux, leur fait cependant fabriquer une plus grande quantité de lait, parce que ces animaux transpirent peu et absorbent beaucoup dans un air si humide ; mais ce lait est plus séreux, moins agréable, et la santé des animaux en est très-altérée. Ce n’est donc point un avantage, et l’on y perd souvent des animaux, qu’un plus grand soin eût conservés à leurs maîtres. (Parmentier.)