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Cours d’agriculture (Rozier)/INCULTE

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 646-647).


INCULTE. Terrain qui n’est soumis à aucune culture. (Voyez ce qui a été dit au mot Défrichement). Il faudroit établir dans chaque Province, un ou plusieurs bureaux arbitres & juges des défrichemens, dont les sentences auroient force de loi, afin d’empêcher ceux qui sont évidemment abusifs, & par lesquels il est bien prouvé qu’après la première ou la seconde récolte, toute la terre sera entraînée par les pluies. L’on objectera que l’établissement de pareils bureaux attaque la propriété personnelle, droit sacré & immuable des citoyens : cela est vrai jusqu’à un certain point ; mais cette propriété n’est-elle pas sous la garde des loix, dans la personne d’un dissipateur qu’elles interdisent, d’un insensé auquel elles donnent un curateur, &c ? L’homme qui défriche mal à propos est dans l’un des deux cas. Les premiers font tort à eux-mêmes & à leurs enfans ; mais le second fait tort à lui & à la communauté en général. À peine apperçoit-on un peu de terre végétale sur la colline la plus rapide, qu’on travaille ce lieu inculte : deux ans après le rocher reste à nu, & il sera ainsi jusqu’à la consommation des siècles. S’il eût été planté en bois, cette terre végétale eût été retenue, & le bois en auroit formé de nouvelle dans le voisinage. Si une partie de la couche supérieure avoit été entraînée par des pluies d’orage, les débris des végétaux, des feuilles & des animaux l’auroient bientôt réparée, & cette première terre entraînée, auroit fertilisé les plaines. Aujourd’hui, les rivières, les ruisseaux, les torrens ne charient plus qu’un sable aride, sec & décharné. Je prie ceux qui liront cet article, de jeter un coup d’œil sur les terres situées aux pieds des montagnes ou dans le voisinage des ruisseaux, & de comparer les dépôts actuels avec ceux qui étoient formés il y a vingt à trente ans. Cette simple inspection vaudra une démonstration géométrique. Depuis qu’on a la manie de mettre tout en culture réglée, le sol où il existoit des forêts, s’est vu tout à coup converti en terres labourables, & dix ans après, la montagne est devenue sèche, aride, pelée, & sans vestige d’herbes. C’est la plus grande de toutes les folies, je le répéte, & on ne sauroit trop le dire, de tracer des sillons sur des pentes rapides. Le bois manque dans tout le Royaume, les troupeaux diminuent, & les produits, par conséquent, faute d’engrais ; les sécheresses sont plus longues, plus fréquentes, les sources moins abondantes ou supprimées, parce que les bois qui attiroient les nuages & l’humidité n’existent plus. Je mets en fait que de ce qui a été défriché depuis 1760, il y a plus d’un grand tiers aujourd’hui de nulle valeur pour la nourriture des troupeaux, & plus d’un quart pour la culture. Le problème se réduit actuellement à savoir si ce qui reste, dédommage & des avances pour le défrichement, & de la perte totale du sol ? Il faut encore examiner si dans 20 années une moitié franche ne sera pas réduite à l’état affreux de la première. Nous nous plaignons que les bras manquent, & nous voulons encore en augmenter la disette ! Encore une fois, c’est folie. Cultivons mieux ce dont nous jouissons ; voilà le principe de la vraie richesse. Pères de famille, semez, plantez des bois ; de toutes les spéculations d’agriculture, c’est celle que le luxe rendra le plus lucrative.

L’habitant des campagnes est rarement dans le cas de faire des avances ; les impositions qui pèsent sur lui, l’éducation & l’entretien de sa famille, soutirent peu à peu le plus clair de ses revenus ; une mauvaise année l’arrière pour plusieurs ; ainsi les grandes entreprises en bois ne sont pas à sa portée ; c’est aux gens de main-morte à y penser, & il seroit sans doute avantageux, pour eux & pour l’état, qu’ils fussent obligés de boiser chaque année une certaine étendue de terrain inculte. Il est tel, ou à cause de son éloignement, ou par rapport à la difficulté des chemins, ou enfin par le peu de qualité du sol.