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Cours d’agriculture (Rozier)/LESSIVE (supplément)

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LESSIVE, (Économie domestique.) L’opération qu’on fait subir au linge sale pour le blanchir s’appelle lessive. Chaque ménage fait ordinairement la lessive de son linge. Cependant, dans les grandes villes, il y a des buanderies particulières où l’on se charge de blanchir le linge de chaque ménage ; il y a aussi des établissemens affectés à cette seule opération ; ce sont des buanderies banales où, moyennant une légère rétribution, chacun peut aller faire sa lessive.

Chaque ménage, chaque blanchisseuse, enfin chaque pays, a sa manière de faire la lessive. Mais combien par-tout cette opération est-elle mal entendue ! À combien de détails et de dépenses inutiles n’assujettit-elle pas ? Enfin, on doit le dire, cet art est encore dans l’enfance ; c’est la routine qui en perpétue les méthodes vicieuses.

Cependant, lorsque le chimiste porte ses regards sur le procédé du blanchissage, et qu’il en examine tous les détails, il ne peut résister au désir de lui voir succéder des moyens plus prompts, plus simples, moins embarrassans, et sur-tout plus économiques.

Ce fut dans cette intention que M. Cadet-Devaux et moi nous fîmes, sur le blanchissage, une série d’expériences, à la faveur desquelles nous nous proposions de vaincre tous les obstacles qui se rencontrent ordinairement dans la substitution d’un procédé à un autre.

Il nous fut d’autant plus facile de surmonter toutes ces difficultés, que je connoissois déjà les expériences que M. Roard avoit faites sur le même objet, et que nous n’avions que de légers changemens à faire au procédé et à l’appareil que M. Chaptal avoit proposés pour une opération analogue.

M. Cadet-Devaux a publié, dans le journal d’Économie rurale et domestique, le procédé que nous avons substitué à l’ancien. Il a donné aussi la description de l’appareil et du fourneau que j’ai destinés à ce genre d’opération ; enfin, il a fait connoître tous les avantages que l’économie politique et domestique doivent retirer de l’adoption de ce nouveau procédé.

C’est ce même procédé que nous allons décrire ici.

Du blanchissage à la vapeur. Le blanchissage à la vapeur intéresse non seulement l’économie domestique, mais plus essentiellement encore l’économie politique, sous le rapport des arts, du commerce, de l’industrie nationale, et sur-tout de l’économie du bois, dont le blanchissage fait une consommation ruineuse, puisque quarante millions d’hommes concourent, en France, à cette consommation.

Avant de présenter à l’économie domestique les avantages du nouveau procédé, arrêtons-nous un instant sur ceux que l’économie politique doit retirer de l’adoption du blanchissage à la vapeur. Cet art est entièrement nouveau ; il exclut tous les procédés usités pour blanchir le linge : il proscrit les cendres, le salin, la potasse. Nous prouverons bientôt à l’économie domestique que l’emploi de ces substances lixivielles n’a que des inconvéniens ; l’économie publique va juger de l’influence de cette proscription sur la dépense générale.

Des cendres. La presque totalité des cendres, dans les villes, est employée au blanchissage ; dans les campagnes, c’est la totalité. La cendre est nécessaire aux verreries, à la confection du salpêtre, et ce qui provient de l’incinération du bois que la France consomme seroit plus que suffisant pour subvenir aux besoins de ces deux arts. Or, désormais l’économie domestique n’entrera plus en concurrence avec eux. L’intérêt de ces arts et celui de l’économie sont liés, parce que l’économie bénéficie en vendant ses cendres et achetant le sel lixiviel, dont le blanchiment à la vapeur prescrit l’emploi.

Des sels lixiviels. On donne le nom de sels lixiviels aux sels qu’on emploie à faire la lessive. Ces sel ont la propriété de s’unir avec les substances grasses dont le linge sale est pénétré, et cette union convertit la substance grasse en savon. Les sels lixiviels sont le produit des végétaux : ce sont le salin, la potasse, la soude.

Du salin. Le salin est le sel des cendres : c’est la lessive de la cendre qu’on évapore à siccité. Le salin contient des sels étrangère aux sels lixiviels, et, de plus, une partie colorante qui nuit à la blancheur du linge.

De la potasse. La potasse est le salin purifié et rendu caustique par la calcination ; mais la causticité de la potasse est inquiétante, et le devient davantage, lorsqu’on l’augmente par la chaux vive. Au défaut de cendres, c’est le salin, c’est la potasse, que le salpêtrier et le verrier emploient : nous leur restituons la cendre de laquelle on obtient ces sels.

La France, dans son état actuel de pénurie en bois, n’a plus ni salin, ni potasse à fabriquer ; c’est de l’étranger qu’on tire ces productions, dont le prix ne cesse d’augmenter en raison de la diminution des bois dans l’Europe entière ; car bientôt le Nord et l’Amérique septentrionale même n’auront plus de forêts assez étendues, pour fournir à l’énorme consommation de cette substance. La France tire annuellement de l’étranger pour plus de dix millions de potasse. Par le nouveau procédé, le commerce est affranchi de l’importation étrangère du savon et de la potasse ; car, ce que le verrier et le salpêtrier ne consommeront pas de cendres, suffira à la fabrication de la potasse, que quelques autres arts emploient.

De la soude. On tire la soude de l’Espagne. Le peu qui s’en fabrique dans nos provinces méridionales maritimes s’y consomme. En proscrivant la soude, le commerce est également affranchi de cette importation étrangère.

Du savon. Le blanchissage à la vapeur diminue beaucoup aussi la consommation du savon, c’est-à-dire, à peu près du tiers à moitié ; mais comme nos savons sont les meilleurs de l’Europe, ce que la France consommera de moins ouvrira une plus forte exportation à l’étranger.

De la consommation du bois. Il résulte d’une suite d’expériences que le blanchissage d’une quantité donnée de linge, dont le simple couler de la lessive consomme pour quinze francs de bois, n’en consomme, par la lessive à la vapeur, que pour quinze sous ; il y a donc économie des dix-neuf vingtièmes.

Le prix du bois augmente chaque année ; la diminution du bois et sa valeur continuellement progressives, menacent donc l’indigent de sa privation, et déjà il l’éprouve. Son prix exorbitant depuis long-temps gêne l’aisance, et il devient pour le riche un fort objet de dépenses, sur-tout par la prodigalité qu’il y met. On admet, dans l’Empire français, une population de quarante millions ; établissons à quinze francs par an ce que riches ou pauvres dépensent en blanchissage. C’est ce que coûte en un jour celui de la maison de nombre de riches. Dans ce calcul, le bois entre pour la moitié du prix de la lessive. Quarante millions d’hommes à quinze francs par an, cela fait 600 millions : moitié pour le bois, 300 millions. En déduisant un vingtième pour celui que la lessive à la vapeur consomme, il en résulte une économie annuelle de 285 millions.

Comparons maintenant les dépenses résultant de l’une et l’autre manières d’opérer, et le temps employé à chaque opération : c’est le moyen d’en connoître les avantages réels. On est parti d’après une lessive composée de 555 pièces de linge, pesant 500 livres.

PROCÉDÉ USITÉ. PROCÉDÉ À LA VAPEUR.
PREMIER JOUR. Echangeage partiel.
Échangeage.
À la rivière ou à la fontaine, eau douce.   À la maison ; eau de puits ; il rentre dans la classe des opérations domestiques et n’exige conséquemment point de buandières.
Trois journées de buandière à 2 l. 6 l. s.
Une journée de bête de somme et de son conducteur 2   PREMIER JOUR
Savon à 18 sous, cinq livres 4 10   Tremper le linge, l’égoutter, le passer à la lessive et l’y laisser macérer ; ces opérations n’exigent que deux heures, et trois au plus pour un fort blanchissage.
12 l. 10 s.
 
SECOND JOUR DEUXIÈME JOUR.
Couler à froid. Le séjour au cuvier, le retirage et le savonnage, sont les opérations du deuxième jour.
Une journée de buandière 2 l.   s.
  Sel de soude 9 l.
Savon 18 s.
Bois 15
10 l. 13 s.
Couler à chaud.  
TROISIÈME JOUR.
Une journée de buandière et une nuit 2 l.  
Cendres, dix boisseaux 10  
Bois, fagots, bourrées 15  
27 l. 0 s.
QUATRIÈME JOUR.
Retirage et savonnage. Retirage et savonnage.
Quatre journées de buandières. 8 l.   Trois journées de buandières. 6 l.
Une journée de bête de bête de somme et de son conducteur. 2   Une journée de bête de somme et de son conducteur. 2
Savon à 18 sous, quatre livres 3 12   Savon, une livre et demie 1 7
13 l. 0 s. 9 l. 7 s.

Récapitulation de la dépense. Récapitulation de la dépense.
Cendres 10 l.   Sel de soude 9 l.
Savon 8 2   Savon 2 5
Bois 15   Bois 15
Journées 22   Journées 8
55 l. 2 s. 20 l. 0 s.
Temps, trois jours et une nuit de lessive, et quatre jours où on couleroit à froid. Temps, deux jours, trois heures de la veille et une nuit inactive.
Un blanchissage composé de cinquante-cinq pièces, au lieu de six centre cinquante-cinq, seroit l’affaire de trois à quatre heures pour toutes ces opérations.


Procédé usité 55 l. 2 s.
Procédé à la vapeur 20
Bénéfice 35 l. 2 s.


INCONVÉNIENS DU PROCÉDÉ USITÉ, AVANTAGES DU PROCÉDÉ À LA VAPEUR.
PROCÉDÉ USITÉ. PROCÉDÉ À LA VAPEUR.
De l’échangeage. De l’échangeage.
Transport de la totalité du linge à la fontaine.
Eau douce.
Échangeage d’une partie du linge au savon.
Frais de transport, du savon, et une troisième buandière.
L’échangeage à la maison.
Eau de puits.
Point d’échangeage au savon.
Économie de ces trois dépenses.
De la lessive. De la lessive.
On y emploie la cendre, la soude, le salin, la potasse et quelquefois la chaux vive, pour augmenter la causticité de la potasse. On y emploie le carbonate de soude.
Retirage. Retirage et savonnage.
On passe à l’eau le linge dit franc de lessive ; mais on est forcé d’y employer du savon pour les taches qui n’ont point disparu, ou sur celles que fait la lessive. Le retirage et le savonnage ne sont qu’une seule et même opération.
Quoique douce et molle, notre lessive a dissous la substance grasse et fait céder les taches. Le linge porte avec lui tout le savon nécessaire, quoiqu’en très-petite quantité ; l’action de la lessive et de la vapeur donne à ce peu de savon si parfaitement dissous, et mis par là en contact avec le plus léger filament de la toile, assez d’énergie pour obtenir le linge le plus net, le plus clair et le plus blanc.
Si la buandière porte avec elle du savon, c’est pour rechercher quelques taches accidentelles.
Du savonnage.
Cette partie du retirage coûte beaucoup de savon, et pour l’enlèvement des taches, et pour éclaircir le linge que la lessive laisse terne.
On emploie le battoir, la brosse, et souvent de la lessive chaude, fatigant ainsi le linge pour faire céder les taches résistantes.


Terminons ce tableau de comparaison par les résultats de l’un et l’autre procédés.

PROCÉDÉ USITÉ. PROCÉDÉ À LA VAPEUR.
Le linge de corps, malgré l’échangeage au savon, la lessive et le savonnage, n’est pas parfaitement blanc.
Quant au linge de table qu’on n’échange pas au savon, non seulement il rapporte souvent d’une lessive, même caustique, les taches de vin ou de fruits, et si on le fait sécher au soleil, plusieurs taches de graisse reparoissent.
À plus forte raison le linge de cuisine, les torchons, ne peuvent pas subir cette épreuve de sèchement au soleil, sans reprendre une partie de leurs taches et une odeur de graillon insupportable ; cependant ce linge est échangé au savon ; en sorte qu’il est vrai de dire qu’un torchon, à dater du jour où il est mis en service, jusqu’à celui qui le réduit à son dernier lambeau, n’a jamais été pur.
Le surplus du linge, celui de lits, de chambres, quoique moins profondément sale, ne parvient jamais à être d’un blanc net et clair, malgré la causticité de la lessive usitée.


Les cendres, la soude, donnent une lessive dont on connoît très difficilement la force, parce qu’elles sont mêlées de sels étrangers, et qu’on ignore celle du sel lixiviel qu’elles contiennent réellement ; le poids ne peut pas régler, parce que l’une et l’autre sont falsifiées de terre et de sable.
Le prix de la cendre, ainsi que de la soude ne peuvent qu’augmenter, en raison de la pénurie du bois.


Les lessives de cendres et de soude sont colorées. Il résulte de cette partie colorante que beaucoup de taches résistent à la lessive, et que souvent la lessive en fait que le savon ne peut pas enlever ; alors il faut un ou deux blanchissages pour éteindre les taches.
Le linge de corps, sans échangeage au savon, acquiert la plus grande blancheur.
Nulle tache ne résiste, avec la précaution de passer préalablement à l’acide sulfurique étendu d’eau les taches de rouille ; et, au savon sec, celles qui exigent cette application ; et, quant aux taches de graisse, pas une ne reparoît au soleil, parce que la lessive, aidée de la vapeur, dissout complètement les corps gras.
Le linge de cuisine subit rigoureusement cette épreuve, il ne reproduit ni tache, ni odeur au soleil ; enfin, le torchon le plus infect sort du cuvier comme le mouchoir de poche.
La totalité du linge est de même net, clair, bien odorant, et d’une blancheur éclatante de lait, bien préférable au blanc bleuâtre qu’on donne au linge pour masquer le gris sale qu’il rapporte constamment de la lessive.
Enfin, le blanc de notre linge soutient la comparaison de celui de Flandres, qu’on obtient par des procédés si dispendieux : l’odeur du savon noir, dont le goût ne se dissipe pas moins avec le temps, le séjour sur le pré, des arrosemens répétés, font du blanchissage, dans ces provinces, l’opération la plus longue ; en passe la moitié de sa vie à blanchir le linge qu’on salit pendant l’antre moitié. Quelle économie pour ces provinces où le blanchissage est ruineux.
Il ne peut être falsifié, parce que c’est un sel sous forme de cristallisation.


Le prix ne peut que diminuer par la concurrence des fabriques.
Les dix boisseaux de cendres sont remplacés par neuf livres de sel de soude, qui entrent dans une même quantité de lessive.
La solution du sel de soude ne trouble pas la transparence de l’eau pure.
Elle ne colore conséquemment point.

L’action de cette matière colorante est telle, avons-nous dit, que le linge, en sortant du cuvier, redoute le froid : un coup d’air suffit pour le tacher. Nul de ces inconvéniens.
Souvent on coule à froid : couler à chaud la plus petite lessive est l’affaire d’une journée. À la vapeur, quatre heures pour la plus forte lessive.
L’arrangement du linge dans le cuvier est long. On ne fait que l’y poser.
Le couler à chaud donne lieu à des accidens fréquens et graves de brûlure. La vapeur est contenue par le couvercle.
La buandière n’est pas impunément exposée pendant vingt-quatre heures consécutives à la vive ardeur du feu, ainsi qu’à la vapeur humide, brûlante et caustique de la lessive, causticité qui lèse les organes de la respiration, car la buée volatilise une portion du sel lixiviel et de toute solution saline. En été, cette vapeur met la buandière en nage et l’épuise : en hiver, elle ne passe pas sans danger à un air froid, lorsque ses vêtemens sont pénétrés, comme ils le sont, d’une humidité difficile à sécher, comme l’humidité alcaline. Lorsque, par le couler, on brûle pour 15 francs de bois, nous en brûlons pour 15 sous, ce qui réduit la chaleur extérieure à une bien douce température.
Le plancher de la buanderie est inondé de lessive. Pas une goutte de lessive sur le sol.
Le local est encombré du cuvier, souvent de deux, quand on coule à part le gros linge ; de seaux, etc. Un espace de quatre pieds carrés suffit à l’appareil.
Emploie-t-on le salin ? il a les mêmes inconvéniens que la cendre, même la coloration de la lessive. Rien de plus doux que notre lessive ; on en boiroit comme médicament, comme eau minérale apéritive.
Quant à la potasse, elle a une causticité très-préjudiciable ; sa lessive mord, mais emporte le morceau, sur-tout si on l’aiguise avec la chaux vive, et la cupidité préfère un excès de potasse, ce qui diminue la quantité de savon.
C’est avec la potasse aiguisée de chaux qu’on fait la pierre à cautère, qui dissout si efficacement les chairs sur lesquelles on l’applique ; en sorte que le plus ou moins d’activité de cette lessive dépend du plus ou moins d’eau qui étend ce sel.
La causticité de cette lessive est souvent telle, qu’elle agit sur les mains de la buandière, et cependant elle n’en enlève pas mieux les taches, tout en enlevant la peau.
C’est le moment d’observer que ce qui en fait l’action n’est pas le degré de causticité où elle est portée, mais bien les quatre-vingts degrés de chaleur, et jamais plus, que prend la vapeur, et dans le bain de laquelle se trouve être le linge ; tandis que la lessive versée bouillante, et à plus de quatre-vingts degrés, n’arrive à la lessive qu’avec soixante-dix.
Ce sont ces dix degrés de chaleur de plus, qui font le succès du blanchissage à la vapeur.


Du procédé à employer pour blanchir le linge à la vapeur. Nos expériences de comparaison ont été faites sur une quantité de cinq cents livres pesant de linge. Mais, comme la ménagère compte toujours son linge par pièce, sans jamais le peser, ce poids déterminé de cinq cents livres ne réveille en elle aucune idée. Présentons-lui donc, pour la diriger sur cette relation du poids et des pièces de linge, le relevé d’un blanchissage de cinq cents pesant.


LINGE DE CORPS. POIDS PARTIEL. POIDS TOTAL
Liv. Onces Gros Liv. Onces
30 Chemises d’hommes, chacune » 12 » 22 8
24 Idem » 5 » 7 8
15 Cravates » 1 4 1 6
10 Caleçons » 6 » 3 12
12 Paires de bas de coton » 3 » 2 4
10 Bonnets de coton » 3 » 1 14
20 Paires de chaussons » 1 4 » 15
10 Gilets » 9 » 5 6
12 Serres-tête » 2 1 1 8
15 Bandeaux » 2 » 1 14
60 Mouchoirs » 3 » 11 14
3 Pantalons » 10 » 1 4
3 Linges à barbe » 6 » 1 2
5 Robes de femmes 1 » » 5 »
8 Jupons 1 8 » 12 »
6 Corsets » 4 » 1 8
2 Peignoirs » 10 » 1 4
4 Idem » 8 » 2 »
20 Essuie-mains » 6 » 7 8
269 Pièces Total 7 8
 
LINGE DE TABLE. POIDS PARTIEL. POIDS TOTAL
Liv. Onces Gros Liv. Onces
269 Pièces de l’autre part 48 15
10 Paires de draps de maîtres 8 » » 80 »
6 Paires de draps de domestiques 12 » » 72 »
2 Couvre-pieds piqués 8 » 9 »
10 Têts-d’oreillers 3 4 2 3
 
LINGE DE CUISINE.
6 Grandes nappes 1 4 » 11 »
12 Moyennes idem 1 4 » 15 »
20 Petites idem 1 » » 20 »
120 Serviettes » 4 33 12
50 Idem d’office » 6 » 18 12
20 Tabliers de service de chambre 1 » » 20 »
40 Tabliers de cuisine en masse 64 11
90 Torchons » 11 » 61 14
655 Pièces Total 500 15


De l’échangeage : Le linge sale est pénétré d’une substance grasse et de taches. La substance grasse, et moins encore les taches, ne lui préjudicient point.

Mais l’humidité visqueuse et alcalescente ne s’évapore point, ne se sèche point : elle entretien le linge humide, le rend susceptible de fermenter, de l’échauffer, ce qui l’altère ; il prend de l’odeur. Où serrer de pareil linge ? Or, cette humidité visqueuse et alcalescente est dissoluble dans l’eau, sur-tout lorsque le linge en est récemment pénétré, et rien de plus facile alors que de l’en déterger : l’eau de puits suffit. On y trempe son linge, on l’y frotte à la main, on l’exprime, on le passe à une seconde eau, de laquelle on le retire en le froissant et l’exprimant de nouveau pour le mettre sécher au grenier : alors on peut le garder en fagots ou en faisceaux, et attendre le moment de la lessive.

On échange la totalité du linge à la maison et à l’eau ; on n’échange au savon ni le linge de corps, ni le linge de cuisine ; on emploie indifféremment de l’eau de puits, si l’échangeage se fait partiellement.

Je n’admets que cet échangeuse partiel. Attendre jusqu’à la veille de son blanchissage, pour échanger son linge, n’est pas d’une bonne ménagère. Il faut échanger au fur et mesure, au moins toutes les semaines. La ménagère négligente qui aura attendu la veille de sa lessive, procédera comme elle l’entendra à cette opération ; si elle multiplie les difficultés, qu’elle sache les vaincre. Elle ne peut pas échanger à l’eau de puits, et le savon lui devient indispensable. Cependant nous capitulerons sur ce point avec le propriétaire rural, qui ne peut disposer que d’eau de puits.

Du passer à la lessive. Le linge partiellement, et dès lors anciennement échangé, on le plongera la veille dans de l’eau douce pour l’imbiber complètement ; retiré de l’eau, on le laissera égoutter : le linge échangé et égoutté, on l’étend dans un cuvier fort ordinaire, par fagots minces, que l’on arrose à froid de la lessive que nous allons faire connoître.

On place le linge fin au fond et successivement le plus gros dessus, pour mettre celui de cuisine à la surface. Cet ordre est inverse de celui dans lequel on arrange le linge dans le cuvier, par le procédé usité : on en verra la raison.

Le col et les poignets des chemises, si le linge est extrêmement fin, peuvent se frotter légèrement dans une portion de lessive qu’on réserve a cet effet. On y frotte également les torchons, ce qui tient lieu de l’échangeage au savon.

Composition de la lessive pour blanchir à la vapeur. La lessive, pour ce blanchissage, est composée de carbonate de soude cristallisé, ou sel de soude cristallisé, douze livres.

Savon, une livre.

Eau douce, cent livres, (cinquante pintes ou cinquante litres.)

Du degré de la lessive. Ces proportions donnent à l’aréomètre des sels six degrés environ. Mais, avec la quantité d’eau que le linge échangé et égoutté apporte à notre lessive, elle tombe à deux degrés, ce qui fait une lessive molle et douce. Quant au degré des lessives ordinaires, il est difficile de le fixer, ainsi que d’en calculer la causticité ; d’ailleurs, ce sont des muids de lessive qu’on emploie, ce qui absorbe en pure perte une grande quantité de sels lixiviels qu’on jette lorsque la lessive est coulée, au lieu que nous n’employons que la quantité relative au linge à blanchir.

De la préparation de la lessive. Le carbonate de soude se dissout à l’eau froide, le savon s’y dissout également ; mais, si l’on mêle les deux solutions à froid, le savon caillebotte. En conséquence, on fait dissoudre le savon dans cinq pintes d’eau qu’on met sur le feu ; on y ajoute peu à peu, et en agitant, dix pintes de la solution de sel de soude ; alors on peut, sans l’inconvénient du caillebottage, faire le mélange au fur et à mesure.

Lorsque nous prescrivons l’emploi du carbonate de soude, le sel de soude cristallisé, nous motivons la préférence que doit avoir cet alcali sur la potasse : mais, si c’est de la soude du commerce qu’on extrait le carbonate de soude, il coûte fort cher : c’est donc du sel marin qu’il faut extraire la soude, pour qu’elle ne puisse valoir que le prix auquel nous l’avons fixée. Cependant, si l’industrie appelée à ce nouveau genre de fabrication n’est pas encore prête, et qu’elle ne puisse, pour le moment, alimenter le commerce, et sur-tout à ce bas prix, de sel de soude, on pourra, en attendant, continuer d’employer la notasse ou la cendre, mais à des doses bien inférieures à celles qu’exige l’ancien procédé. Il est vrai que la potasse et la cendre présentent des inconvéniens ; mais on les atténue en ne coulant pas la lessive, et on ne brûle pas pour cette opération l’énorme quantité de bois qu’elle exige ; car nous ferons notre lessive de cendre à froid, si c’est de la cendre que nous employons.

On se procurera la cendre la meilleure, la plus nette, la plus recuite ; et on la coulera à froid de cette manière-ci.

La cendre mise dans un tonneau, au fond duquel on aura mis de la paille, pour faciliter l’écoulement de la lessive.

On bouchera le trou destiné à cet écoulement : on mettra à la surface de la cendre un petit panier d’osier, ou une mauvaise toile pour recevoir l’eau, dont on ne mouillera la cendre que peu à peu, jusqu’à ce qu’elle en couvre la surface ; on laissera le tout dans cet état pendant vingt-quatre heures. Alors on fait couler la lessive, et on remplace la quantité d’eau qui s’écoule par de l’eau qu’on ajoute : on cesse de lessiver lorsque la lessive arrive trop affoiblie.

Si on préfère la potasse à la cendre, on en fait dissoudre dans l’eau une quantité proportionnée à la quantité de linge ; et on opérera, dans l’un et dans l’autre cas, comme si c’étoit une dissolution de sel de soude. Cependant nous observerons qu’on doit au moins diminuer d’un tiers la dose de la potasse qu’on substituera au sel de soude.

Quantités respectives de lessive et de linge. Prenons pour base de nos quantités respectives, cent livres de linge, car nous opérons sur cinq cent livres : nous établissons que cent livres de linge échangé et égoutte conservent un poids égal d’eau, c’est-à-dire cents livres : voilà donc cent livres d’eau que cent livres de linge échange apportent à la lessive. Cette eau va se confondre à la lessive, va en faire partie. La quantité de lessive que nous ajouterons sera du quart du poids de l’eau apportée : ainsi, pour cent livres de linge apportant cent livres d’eau, ce sera vingt-cinq livres, ou douze pintes et demie de lessive.

De ces douze pintes et demie, le linge en retiendra les deux tiers, ou huit pintes, et les quatre autres pintes s’écouleront dans la chaudière. Celle quantité des deux tiers de lessive que le linge égoutté absorbe et conserve pendant l’opération, paroît considérable, sur-tout le linge étant parfaitement mouillé, puisqu’il apporte son poids d’eau. Cette absorption des deux tiers tient à la grande viscosité que donne à la lessive le peu de savon qu’on y a dissous, en sorte que le linge est tout à la fois dans un bain de vapeur et dans un bain d’eau tenant en dissolution du sel lixiviel et du savon.

Comme nous avons opéré dans notre expérience, sur cinq cents livres de linge et qu’il nous a apporté cinq cents livres ou deux cent cinquante pintes d’eau, le quart de la lessive à ajouter a été de cent vingt-cinq livres, ou soixante-deux pintes et demie d’eau, dont les deux tiers environ vont à la chaudière, après avoir traversé le linge. Cette quantité d’eau n’est pas tellement rigoureuse, qu’on ne puisse négliger les fractions ; mais voilà les proportions.

De la macération du linge dans la lessive. Le linge ainsi passé à la lessive, on l’y laisse macérer pendant la nuit. Macérer, c’est faire tremper à froid.

De la mise du linge dans le cuvier à vapeur. La veille a été employée au trempage du linge anciennement échangé, ainsi qu’au passer du linge à la lessive, ce qui n’exige que deux ou trois heures ; la nuit est employée à la macération, le second jour terminera notre blanchissage, fût-il de deux mille pesant de linge.

Nous avons dit que le linge mis dans le cuvier à vapeur conserve les deux tiers de lessive, et que l’autre tiers coule dans la chaudière, pour y entrer en ébullition et alimenter la vapeur. Ainsi le cuvier est rempli, et il peut ne pas l’être ; on le couvre de son couvercle, on allume le feu ; la lessive qui égoutte dans la chaudière ne tarde pas à bouillir ; et la vapeur, ainsi que la chaleur, se répandent à l’aide des conduits de vapeur distribués dans le centre et sur les côtés du cuvier ; et bientôt elles inondent toute la masse, de la base au sommet. Le temps du séjour est proportionné à la quantité de linge. Dans le grand appareil, il faut environ cinq heures ; dans le second, il en faut quatre ; et trois dans le troisième : dans le petit appareil portatif, une heure et demie suffit. Enfin, le plus ou moins de séjour dépend de plusieurs petites circonstances qui ne permettent pas de le fixer d’une manière rigoureuse ; mais on doit supprimer le feu, lorsque la chaleur avant gagné le haut du tonneau, la superficie a été l’espace d’une demi-heure dans le bain de vapeur. Ce temps suffit pour les mouchoirs qui sont à la surface et que l’on retire, ainsi que le linge fin qui est immédiatement au dessous ; car nous mettons dans le même cuvier le torchon de cuisine et le fichu de batiste, l’un au fond et l’autre à la surface, et chaque pièce est aussi isolée que si elle étoit à part. Elle est entrée dans le cuvier avec sa juste proportion de lessive et de savon, et le linge le plus fin est bien mieux soigné que dans ces savonnages faits exprès pour lui, et dont il sort toujours plus ou moins terne, tandis qu’il sort de notre cuvier d’une éclatante blancheur.

C’est par les mouchoirs et le linge fin qu’on commence le retirage ; on retire successivement le reste du linge, qui se conserveroit brûlant pendant la nuit entière, et sans nul inconvénient, si l’opération s’étoit faite le soir au lieu du matin.

Du retirage. On porte le linge, au sortir du cuvier, à la fontaine ; on le lave à petite eau en le frottant légèrement, et l’exprimant on le dégorge à grande eau, dont on le retire pour l’égoutter et le transporter à la maison. Point de battoirs, encore moins de brosses ; point de torsion, laisser égoutter, et, de préférence, passer le linge à la presse.

Du savonnage. On donne a la buandière un morceau de savon pour la recherche seulement de quelques taches, et il est rare que le linge en ait conservé, en sortant du bain de vapeur. On cessera d’être étonné de ce que cette opération exige si peu de savon. Où le mettre ? Telle a été la réponse des buandières, à la première expérience qu’elles firent d’un savonnage sans presque de savon. En effet, le linge en est pénétré jusqu’au dernier filament. Or, c’est la manière de l’employer et d’appliquer le savon qui en assure le bon effet.

Des savonnages domestiques. Le savonnage du linge, que sa finesse ne permet pas de hasarder à la lessive ordinaire, tel que la mousseline, la batiste, etc., est, pour les femmes, l’objet d’une forte dépense, sur-tout depuis qu’elles ont généralement adopté le blanc dans leur habillement ; mais il est aussi l’objet de beaucoup de soins et d’embarras pour celles qui, désirant alléger cette dépense, font faire à la maison ces savonnages, dont la répétition est si fréquente.

On n’y emploie que le savon ; mais il faut en employer beaucoup pour suppléer à l’énergie de la lessive, et frotter fort, ce qui use beaucoup. Disons donc aux femmes qui allient avec le luxe quelque économie, que ce linge si délicat par son tissu n’a cependant rien à redouter de l’action de la lessive à la vapeur ; que c’est même le seul procédé pour obtenir des vêtemens éblouissant de blancheur, et en prolonger du double la durée.

Cette opération du blanchissage domestique est assez compliquée ; on échange à l’eau, ensuite au savon ; une assez forte eau de savon tient lieu de lessive ; on y fait bouillir le linge pendant une heure et plus ; on dégorge le linge au sortir du bain de savon, et souvent on ajoute encore du savon au bleu dans lequel on passe le linge, pour dégorger de nouveau. Il résulte de cette manutention longue et dispendieuse du linge gris-blanc ; teinte qu’on déguise par le bleu. C’est inutilement qu’on fatigue le linge par le forttement. Les femmes savent bien que les taches reparoissent, sur-tout celles du collet des robes, des mouchoirs, des plis qui sont en contact avec la peau, sur-tout si les femmes se servent de corps gras. On ne hasarderoit pas le sèchement au soleil de ce linge en apparence blanc ; il n’y a que la lessive qui attaque efficacement cette substance grasse profondément recélée dans les filamens du linge. Je sens ce que ces détails ont de minutieux ; mais ils se trouvent ennoblis par leur objet ; la plus grande propreté est la plus grande économie. D’ailleurs, la blancheur du linge est un besoin de tous les âges ; elle relève l’éclat de la jeunesse, et rend à la vieillesse quelque chose de la fraîcheur. Substituons à ces savonnages le blanchissage à la vapeur.

Procédé du blanchissage à la vapeur, substitué aux savonnages domestiques. Le petit appareil est destiné à remplacer le blanchissage à la vapeur. Cet appareil ne diffère des autres que par son volume et la facilité de le transporter. La manutention sera la même, si ce n’est que le peu de profondeur de la chaudière, ne pouvant pas admettre la cage qui, dans les appareils plus grands, en occupe une partie, nous y substituerons un diaphragme plat, de bois blanc, sur lequel posera le linge. Quant aux conduits de vapeur, il n’en a que quatre, un au centre, et les trois autres placés sur la paroi intérieure du vase. Procédons à notre opération : on mettra tremper la veille son linge pour l’échanger dans l’eau de rivière. Il faut tremper la veille ; car, qu’on ne croie pas que le linge se trempe facilement à grande eau, et sur-tout du linge de corps plus ou moins imbu de substances grasses. En effet, qu’on exprime du linge mouillé et non trempé, on voit beaucoup de bulles d’air s’en échapper. On le dégorgera en le maniant légèrement ; échangé dans cette première eau, on le trempera dans une seconde ; retiré et égoutté, on le fera macérer pendant la nuit dans la quantité de lessive suffisante. Les parties du linge plus profondément sales par le contact de la peau, s’échangeront au savon sec ; le linge déjà échangé est égoutté, pour que ce savon y demeure plus long-temps.

Le linge ayant macéré pendant la nuit dans sa lessive, on l’en retirera pour le mettre dans le cuvier à vapeur. Il n’est pas nécessaire que le cuvier soit rempli de linge. On y posera son couvercle qu’on assujettira avec un poids pour l’empêcher de verser.

L’expérience aura bientôt fixé le temps du bain de vapeur, il dépendra de la quantité du linge, de son plus ou moins grand degré d’encrassement ; une demi-heure d’ébullition suffit dans le petit appareil dont il s’agit, pour inonder l’intérieur du cuvier de vapeur, on y tiendra le linge pendant environ une heure, à une douce ébullition de la chaudière ; car, ici le temps fait à la chose.

Du retirage. On retire le linge, on l’examine pour le passer à l’eau : si une tache a pu échapper à la lessive, on la recherche avec un peu de savon ; enfin, on frotte, on froisse le linge à la main, pour le bien dégorger de sa lessive, et on l’égaie dans plusieurs eaux. On ne le passera point au bleu sur-tout si on préfère à cette teinte, qui n’a guères pour objet que de farder le linge, ce blanc de lait et cet éclat du lin blanchi à la vapeur. Admettons un savonnage composé de soixante pièces de linge, vingt grandes de vêtemens, cinq robes et quinze chemises ; les robes sont du poids de quatorze à quinze onces ; les chemises de cinq à six onces, plus, quarante petites cravates, fichus, etc., du poids de six gros : c’est au total douze livres. Ces douze livres échangées nous apportent douze livres d’eau ; il nous faudra douze livres ou six pintes de lessive dans les grands blanchissages ; la proportion de lessive est de moitié du poids du linge sec, et conséquemment du quart du linge échangé et égoutté ; mais ici la proportion change, nous n’avons que quatre pintes à fournir à la chaudière. Nous prenons donc :

Eau, six pintes ou douze livres.

Carbonate de soude cristallisé, une livre quatre onces ; ou potasse blanche de Russie, une livre.

Savon, une once deux gros.

Le prix de ce savonnage, ou plutôt de ce blanchissage, est de vingt-quatre à vingt-cinq sous, y compris le bois ou charbon, et trois ou quatre heures l’ont terminé. Je laisse aux femmes à calculer ce qu’un tel savonnage, fait chez elles, eût coûté de bois, de savon, de temps, de peine et d’embarras, sans compter l’avantage de la blancheur. On l’eût payé à une blanchisseuse en fin, de quatorze à quinze francs.

Observations sur les moyens de se procurer l’appareil. La gravure que nous donnons ici suffit pour diriger dans la construction du fourneau.

Le cuvier, les conduits de vapeur, peuvent se faire par tout tonnelier et mentissiez.

Il n’y a que les chaudières qu’il faut se procurer à Paris. Quant aux deux petits appareils, l’un suffisant pour le blanchissage complet d’un petit ménage, et l’autre destiné à suppléer aux savonnages de linge fin, il faut en tirer les fourneaux de Paris ; ces fourneaux sont en tôle et d’une construction toute particulière. L’un et l’autre de ces fourneaux deviennent bien précieux pour l’économie domestique : on peut les appliquer à tous les usages. Enfin, il suffit de savoir que, dans les expériences que nous avons faites avec un de mes fourneaux, cent vingt pièces de linge, tenues pendant trois heures en bain de vapeur, n’ont employé que dix livres pesant de bois, c’est-à-dire pour moins de quatre sous. J’ajoute que ce fourneau, susceptible de se transporter, peut échauffer une pièce, pour quelques heures, avec deux sous de bois ; il est douteux qu’on puisse ajouter à cette économie de combustible : ainsi ce fourneau, ne fût-il pas destiné à notre blanchissage, il n’en deviendroit pas moins le fourneau de tous les ménages[1].

De l’appareil du blanchissage à la vapeur. L’appareil consiste en

Un fourneau ;
Une chaudière ;
Un cuvier à vapeur.

Figure Iere. — Du fourneau. Le fourneau est un carré long, ayant de longueur cinq pieds ; de largeur, quatre pieds ; de hauteur, trois pieds six pouces.

En enfonçant d’un pied six pouces le fourneau en terre, il se trouve réduit à deux pieds d’élévation au dessus du sol, et alors le cuvier à vapeur est à portée des bras, ce qui en facilite le service.

Il est composé d’un foyer dont la porte est opposée à la cheminée.

La porte a de largeur, huit pouces ; de hauteur, dix pouces ; de profondeur, trois pieds huit pouces.

Il se prolonge dans la largeur que la porte a à sa hase, pour, au dessus de sept pouces, se rétrécir de manière à former une ellipse très-allongée de trois pieds de long, dont l’ouverture se termine dans son plus grand diamètre à quatre pouces.

Le fond de la chaudière est distant de cette ouverture de huit pouces.

Tel est donc l’intervalle qu’occupe le jet de la flamme qui, d’après mes principes, a besoin de cet intervalle pour former un foyer de calorique dont alors l’intensité devient égale à celle du jet de flamme de la lampe d’émailleur, ou du tube des lampes à la Quinquet.

Le foyer est en même temps le cendrier.

Le laboratoire, c’est-à-dire la partie du fourneau qui reçoit le corps ou vaisseau à chauffer, et destiné à une chaudière.

Il a, dans sa circonférence, trois angles circulaires, faisant cerceaux, distans de cinq pouces ; leur saillie est de deux pouces, et la distance de la saillie à la chaudière, d’un pouce. Ces angles représentent les dents d’une crémaillère ; ils sont destinés à recevoir et réfléchir les coups de la flamme qui tendoit à s’échapper sans avoir exercé toute son action sur la chaudière.

La partie supérieure du laboratoire se termine par une ouverture circulaire d’un pouce de haut, ce qui force la fumée à diviser son courant avant de s’échapper, de manière à ce qu’elle emporte avec elle le moins de calorique possible.

La fumée, après avoir parcouru cette surface circulaire, se dirige dans un tuyau antérieur qui a la largeur du fourneau, sur trois pieds de diamètre.

Une languette, de l’épaisseur d’une brique, sépare ce tuyau d’un tuyau postérieur : elle est élevée de seize pouces au dessus du sol du foyer.

Voici la marche de la fumée.

Elle descend par le tuyau antérieur quia même diamètre et même longueur, et gagne le tuyau d’issue qui prend naissance à la surface du fourneau. Ce tuyau a huit pouces de longueur sur quatre de large.

Une plaque de tôle est destinée à faire coulisse, pour arrêter le courant d’air et conserver la chaleur, tout en supprimant le feu. On fait la coulisse à deux pieds au dessus du fourneau.

Un tuyau de tôle de quatre pouces, ajusté à l’extrémité de la cheminée, conduit la fumée au dehors, ou dans une cheminée voisine.

La surface du fourneau présente une ouverture circulaire à mi-épaisseur, destinée à recevoir le bord de la chaudière.

Les proportions sont celles du grand appareil destiné à contenir cinq cents pesant de linge, sans compter l’addition de poids qui résulte de l’eau et de la lessive.

Il y a deux autres appareils.

Le second est d’un tiers moins grand.

Le troisième diminue également d’un tiers, en sorte que toutes les dimensions décroissent dans des proportions à peu près relatives.

Figure 2. — De la chaudière. La chaudière de fonte a une gorge qui se place dans la mi-épaisseur de l’ouverture du fourneau. Cette gorge est destinée à recevoir le cuvier à vapeur. La chaudière du grand appareil a trente pouces de diamètre sur quinze de profondeur, non compris la gorge.

Comme la chaudière n’a à contenir que quinze à vingt pintes de liquide, on profite de ce vide pour y placer une cage en bois blanc, à claire-voie, destinée à recevoir le linge de cuisine, et successivement le plus gros linge. Cette claie entre dans la chaudière à six pouces du fond, et ressort de trois pouces hors de la chaudière : elle est supportée par un trépied en fer, qui s’élève à six pouces.

Le linge mis dans la cage, on pose le cuvier à vapeur, dont la circonférence de la base embrasse une partie de la cage.

Figure 3. — Du cuvier à vapeur. Le cuvier à vapeur diffère des cuviers ordinaires : il est tronqué par ses deux extrémités. Il est de bois blanc, cerclé de trois cercles de fer. Il a à sa base le même diamètre que la gorge intérieure de la chaudière. Le diamètre supérieur a six pouces de plus ; l’épaisseur du bois est de dix-huit lignes ; son couvercle dépasse d’un pouce l’ouverture.

F, sont des conduits de vapeur ; sept pour le grand appareil, six pour le second, et cinq pour le troisième.

Ces conduits sont deux tringles de bois de deux pouces de large, placées en face l’une de l’autre à un pouce de distance, et assujetties par cinq ou six petites chevilles dans leur longueur.

Le conduit du milieu doit porter sur la base de la cage. Les autres conduits doivent être couchés latéralement et à plat, par une de leurs faces, sur la paroi intérieure du cuvier, de manière à communiquer tous avec la vapeur.

Le défaut de ces conduits dans la première expérience, l’avoit prolongée de plusieurs heures, et avec eux le cuvage marche très-rapidement.

On conçoit qu’à l’aide de ces conduits la vapeur agit en tout sens, par ascension par les côtés, et par descension. Arrivée au couvercle, elle est refoulée par lui sur la surface du linge plus lente à s’échauffer, et qui, d’ailleurs, a moins besoin de chaleur.

Indépendamment de cette prompte distribution de chaleur, les conduits ont l’avantage d’établir une communication directe de la colonne d’air avec l’intérieur de la chaudière, ce qui s’oppose à une élévation de température plus grande que celle de 80 degrés.

Explication des figures contenues dans la Planche IV.

Figure 1. — A. Cuvier.
B. Fourneau
C. Porte.
Figure 2. — Coupe sur la ligne A. B. du plan.
A. Couvercle.
B. Intérieur de la cuve.
C. Cage de bois blanc.
D. Trépieds.
E. Foyer.
Figure 3. — Coupe sur la ligne C. D. du plan.
A. Cuvier.
B. Chaudière.
C. Foyer.
D. Porte.
E. Escalier pour descendre au foyer.
F. Conduit par où s’échappe la fumée.
G. Soupape.
H. Cheminée.
I. Tuyau adapté au fourneau et à la cheminée.
Figure 4. — Plan du fourneau, vu par-dessus, avec sa rainure pour recevoir la chaudière.

Figure 5. — Flan du fourneau à la hauteur du foyer.
Figure 6. — Deux petites tringles de bois ajustées ensemble par des petites chevilles.
Figure 7. — Trépieds en fer.
(Curaudau.)

  1. Le dépôt de ces fourneaux et de tout ce qui a rapport à l’appareil du blanchissage à la vapeur, est chez M. Berte jeune, et Compagnie, rue Grenier-Saint-Lazarre, n°. 606, à Paris. Il y a aussi des poêles et des cheminées, en tôle ou en cuivre, que j’ai fait construire d’après mes principes, et qui offrent à l’économie domestique des avantages qu’elle n’a pu trouver, jusqu’à Ce jour, dans aucunes constructions de ce genre.