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Cours d’agriculture (Rozier)/PLANÇON ou PLANTARD

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 757-758).


PLANÇON ou PLANTARD. On appelle ainsi les branches de saule, de peuplier, d’osier, &c. qu’on a séparées du tronc & que l’on plante ensuite dans un trou profond, fait avec un instrument de fer que l’on nomme vulgairement aiguille, pal ou barre. C’est un morceau de fer de quinze à vingt lignes d’épaisseur, sur une longueur de quatre pieds, terminé en pointe taillée quarrément du côté qui doit pénétrer en terre. L’ouvrier l’enfonce à force de bras en le retirant de temps à autre. Si le haut de cette barre est terminé par un manche semblable à celui d’une tarière, on le nomme alors improprement tarière, puisqu’il n’est pas vissé ou creusé en cuillier par le bout inférieur. L’ouvrier ne retire point de terre ce dernier instrument ; il l’enfonce en le faisant rouler autour de la circonférence du tronc qu’il pratique. Par ce procédé, le tronc a une forme conique ; on y met le plançon, en observant qu’il touche le fond ; & ensuite, on fait tomber tout autour la terre des bords que l’on serre le plus que l’on peut, & dans tous les points contre le plançon ; moins il reste de vide, plus cette terre est serrée, & plus la reprise du plançon est certaine.

Doit-on couper la tête des plançons ? Quelques auteurs sont pour la négative & sur-tout pour les peupliers noirs ; mais l’expérience prouve qu’ils reprennent aussi-bien de quelque manière qu’on les plante. Si on supprimoit la tête du peuplier d’Italie, il perdroit un de ses beaux ornemens, celui de la perpendicularité & uniformité de sa tige ; mais si les arbres qui résulteront des plançons, sont destinés à fournir des échalas, (voyez ce mot) il vaut beaucoup mieux retrancher leur tête, afin que le nombre des échalas soit plus considérable, & qu’ils soient mieux nourris ; les arbres, au contraire, destinés au fagotage pour la nourriture des troupeaux, rendront davantage si on laisse leur tête s’élever dans les airs.

La pratique ordinaire est de couper triangulairement & en pointe la base des plançons, en observant cependant qu’un des côtés du triangle soit recouvert de son écorce. C’est par ce point-là que les premières racines commenceront à pousser ; d’ailleurs, la forme triangulaire & pointue permet qu’on enfonce d’avantage le plançon en terre.

Pendant la première année, on ne doit supprimer aucun des bourgeons qui percent à travers l’écorce ou plançon ; les plantes, les arbres, se nourrissent plus par leurs feuilles que par leurs racines ; les feuilles absorbent l’humidité de l’air, (consultez ce mot) ainsi que les différens sucs nutritifs qu’il contient ; & la naissance & les progrès de ces bourgeons facilitent ceux des racines, si toute fois le terrain convient à leur manière de végéter.

Il n’y a qu’un seul cas où l’on doive ébourgeonner ; c’est lorsque l’un des bourgeons qui poussent par le bas, devient trop fort & absorbe une trop grande partie de la séve qui devoit se porter aux bourgeons du sommet ; mais tant que la séve se distribue d’une manière à peu près uniforme, il est inutile, & même nuisible de bourgeonner les plançons. À la chute des feuilles, on sera à temps de commencer & de pratiquer cette opération ; il faut cependant attendre que le sommet du bourgeon soit bien aoûté.

La meilleure saison de mettre les plançons en terre, sur-tout dans les provinces méridionales, est au commencement de novembre ; on y est assuré que la chaleur intérieure de la terre, que le froid n’a pas encore diminuée, facilitera la germination des racines, qui sera encore aidée par les pluies d’hiver. Pendant ce temps-là la partie du plançon hors de terre ne poussera aucun bourgeon, parce que la température de l’air ambiant ne sera pas au même degré de chaleur que celui de l’intérieur de la terre, ou du moins il ne se soutiendra pas au même point & au point nécessaire à la végétation du peuplier, du saule, &c. (Consultez sur l’effet de l’air ambiant, les belles expériences de M. Duhamel, rapportées à l’article Amandier.) résulte de ces plantations précoces, que les plançons supportent beaucoup mieux les chaleurs & les sécheresses du printemps.

À moins que le climat ne soit très-froid, il vaut mieux planter de bonne heure, que d’attendre la fin de l’hiver, on gagne du temps ; la terre a le temps de se serrer contre le plançon, de faire corps avec lui, de pousser beaucoup plus vite au printemps, & de donner de plus beaux bourgeons dans l’année.

Le moins que l’on peut laisser le plançon coupé de dessus l’arbre, exposé au hâle, c’est le mieux. Si on a de l’eau dans le voisinage, on y plongera sa partie inférieure, sinon on l’enterrera dans une fosse que l’on recouvrira de terre, d’où on ne retirera les plançons qu’à mesure que l’on les plantera. Le point essentiel, je le répète, est presque toujours trop négligé, c’est qu’on ne serre point assez la terre contre la partie du plançon qui se trouve ensevelie.