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Cours d’agriculture (Rozier)/RIZ (supplément)

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RIZ. Nous ajouterons à ce que dit Rozier, sur les usages, économiques de ce grain, que l’impossibilité de séparer de sa farine un atome de gluten, analogue à celui du froment, explique le défaut de succès des tentatives essayées jusqu’à présent pour la transformer en pain : c’est donc une chimère, une véritable manie, que de s’obstinera vouloir la soumettre à cette forme, puisque mêlée en nature, ou cuite en diverses proportions avec la farine la plus propre à la boulangerie, le pain qui en résulte est compacte, fade, indigeste, et susceptible de durcir en peu de temps. Tous ceux qui ont prétendu le contraire prouvent qu’ils ne connoissent nullement la théorie de la panification ; qu’ils ignorent que, dans toutes les contrées où l’usage du pain est inconnu et où le riz en tient lieu, on se borne à déterminer le ramollissement et le gonflement de ce grain en l’exposant à la vapeur de l’eau bouillante, et à le manger sous cette forme concurremment avec les autres mets qui composent le repas de tous les jours. Il y a tant de moyens d’employer ce grain plus efficacement, qu’on peut sans regret abandonner l’espérance de le faire réduire à l’état panaire.

Il se consomme, en Europe, beaucoup de riz sous forme de potages et de gâteaux ; mais son usage est d’une toute autre importance chez les Orientaux ; ils sont amateurs d’un mets fort sain et très-économique, connu sous le nom de pilaw ; ce mets leur est aussi nécessaire que le macaroni aux Bergamasques, et la polenta aux Napolitains et aux Vénitiens. Ce n’est autre chose que du riz renflé par un bouillon quelconque, préparé ensuite au gras et au maigre, selon le coût et les facultés du consommateur. Tantôt le pilaw tient lieu de soupe, d’autres fois d’entrée, quelquefois ou le sert comme entre-mets. Voici la recette la plus généralement usitée à Constantinople.

On prend un poulet, on le coupe en quatre ou cinq parties ; on le fait revenir un moment dans une casserole, ensuite on y met du bouillon d’un autre poulet, le double de la quantité du riz qu’on se propose d’y ajouter. Aussitôt qu’il commence à bouillir, on y met le riz, qui devra avoir été préalablement lavé trois fois ; on le remue, afin qu’il ne s’attache pas au fond ; il faut faire en sorte que la casserole soit la plus large possible ; aussitôt que le riz a absorbe la totalité du bouillon, on le retire, et on met, dans une autre casserole, du beurre fondu, dont la quantité est plus ou moins considérable, suivant le goût du consommateur. On le fait roussir et on le jette sur le pilaw. Il faut avoir la précaution de remuer le tout, afin que le beurre se distribue uniformément. On le couvre et on le sert après cinq à six minutes sur la table.

Au lieu de poulet, on se sert de la viande de boucherie, comme de mouton découpé par petits morceaux, pour faire le pilaw. Il y entre souvent des pigeons et des cailles.

On emploie également le riz pour nourrir la volaille, avec lequel elle engraisse parfaitement ; il fournit à la fermentation et à la distillation une liqueur spiritueuse appelée arack.

Quand le riz étoit à bon compte, il servoit de base à des potages qui portoient son nom. On n’a pas encore oublié les avantages qu’ont procurés aux pauvres les distributions de riz économique par les anciens curés des paroisses de Saint-Roch et de Sainte-Marguerite ; les noms de ces pasteurs zélés sont inscrits à jamais dans les annales de la bienfaisance. Mais ces riz étoient plutôt une bouillie qu’une soupe ; et, sous la première forme, les farineux plus concentrés et moins délayés, présentent une masse que les sucs digestifs ne peuvent que difficilement pénétrer, dissoudre et changer en notre propre substance. Qu’arrive-t-il ? Elles séjournent peu dans l’estomac, et sont, pour ainsi dire, précipitées par leur poids dans les entrailles, ce qui fait que l’appétit renaît bientôt avec plus d’énergie qu’auparavant. D’après ces observations, il convient de rendre cette préparation moins épaisse, de la rapprocher davantage de l’état de soupe ou de potage. On voit au mot Orge combien ces soupes, préparées en grand, peuvent seconder la bienfaisance, soulager les indigens, et diminuer en même temps la consommation du pain.

Le riz a souvent servi de base à ces poudres nutritives, à ces bouillons portatifs, proposés comme des secours utiles pour les temps de disette et dans les voyages de long cours.

Mais si, d’après l’observation de plusieurs auteurs de réputation, l’homme a besoin de trouver, dans la nourriture du volume qui remplisse la grande capacité de son estomac, serve à en distendre les parois, et agisse, par son poids, en manière de lest, de quel œil peut-on envisager ces recettes de poudres alimentaires achetées des sommes exorbitantes par le gouvernement, et vantées avec excès par leurs auteurs, comme des ressources assurées dans tous les cas ? Il en est de ces poudres comme de la plupart des spécifiques que nous voyons renouveler de temps en temps par des gens à secret ; ils sont consignés dans nos plus anciens livres, et délaissés, parce que l’expérience éclairée de l’observation les a appréciés à leur juste valeur.

Du riz en farine. Le riz, dépouillé de toute partie corticale, peut être moulu entièrement sans résidu ; mais son état sec et dur exige un mouillage préalable. Dans l’état de farine, il a la blancheur et le cri de l’amidon, sans en avoir la finesse et le toucher ; délayé dans l’eau, en même proportion que l’amidon du blé, il fait beaucoup moins d’empois.

Sous forme de farine, le riz mis avec l’eau, le lait et le bouillon, porte le nom impropre de crème de riz. C’est celui de la Caroline qu’on préfère pour cette préparation ; son usage est recommandé pour la maladie et la convalescence.

Pendant la révolution, on a souvent proposé aux différentes administrations de convertir le riz en farine, pour en délivrer une certaine quantité à chaque volontaire, et le mettre en état, par ce moyen, de pourvoir à ses besoins imprévus, pendant l’espace de dix à douze jours. Je me suis toujours opposé à cette proposition, persuadé qu’elle ne pouvoit devenir un moyen d’épargner sur les subsistances et être utile aux soldats. En effet, la facilité qu’a le riz de se conserver et de supporter les plus longs trajets sans avarie, et d’exiger peu d’apprêt, lorsqu’il s’agit de le transformer en comestible, sont des avantages connus, et doivent servir à démontrer que, si le blé et les autres grains qui constituent la subsistance fondamentale de l’Europe, eussent réuni les mêmes qualités, ses habitans n’auroient pas songé à les moudre ni à les panifier.

En effet, pour moudre le riz, il faut une opération préalable, qui y ajoute du poids sans augmenter l’effet nutritif ; on doit le mouiller comme les grains des pays méridionaux. Une fois déformé, il est difficile de juger si le grain auparavant a été criblé et purgé de la poussière, des pierrailles que les meules et les bluteaux confondent, sans que les organes les plus exercés parviennent à les déceler. Je dirai plus, c’est que le grain pourroit être altéré avant d’avoir passé sous les meules, et que, dans l’état de farine il est impossible de s’en appercevoir.

Tous les avantages sont donc pour le riz en grain, et les inconvéniens pour la farine. Que gagneroit le militaire à le porter sous cette dernière forme ? Ne lui faudroit-il pas toujours le concours de l’eau, du feu et du vase pour le cuire ? D’ailleurs, le riz, a moitié crevé, est une sorte de pain qu’on peut manger avec tout ; en farine, il n’a que l’aspect d’une bouillie.

Le riz en grain mérite donc la préférence, considéré sous tous les rapports ; ce n’est absolument que dans des cas particuliers qu’on doit le réduire en farine, et cela, pour en préparer ce qu’on nomme crème de riz, destinée aux malades, pour lesquels on ne sauroit trop chercher à varier le goût et la forme des alimens qui constituent le régime. (Parm.)