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Cours d’agriculture (Rozier)/SAPONAIRE ou SAVONIÈRE

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 98-100).


SAPONAIRE ou SAVONIÈRE (Voyez Planche I, page 79) Tournefort la place dans la première section de la huitième classe qui renferme les herbes à fleur disposée en œillet, dont le pistil devient le fruit, & il l’appelle lychnis silvestris quæ saponaria vulgo. Von-Linne la classe dans la decandrie digynie, & la nomme saponaria officinalis.

Fleur à dix étamines C ; ces fleurs sont attachées au bas du pistil dans un calice D oblong, d’une seule pièce, & découpée en cinq. Les cinq pétales E, dont elles sont composées, sont disposés comme les pétales de l’œillet ; leurs onglets sont étroits, anguleux, de la longueur du calice.

Fruit ; capsule oblongue, enveloppée dans le calice ou l’on trouve ces semences F, menues, presque rondes en grand nombre, & rougeâtres.

Feuilles, adhérentes aux tiges, ovales, en forme de fer de lance, simples, entières.

Racines A, longues, noueuses, rampantes, fibreuses poussent des rejetons B, qui deviennent ensuite des tiges.

Port ; les tiges de deux pouces environ de hauteur, herbacées, cylindriques, articulées, lisses, dures, courbées, rameuses. Plusieurs fleurs dont la couleur est d’un lilas tendre, sont portées par des pédicules qui naissent des aisselles, ou qui partent du sommet des tiges. Les feuilles sont opposées & presque réunies à leur base.

Lieu ; les bords des champs, les endroits frais ; la plante est vivace par ses racines, & fleurit en août, septembre, octobre, suivant le climat.

Propriétés ; feuilles & racines inodores, d’une saveur amère ; la racine est moins amère… Les feuilles tendent à dissiper le dégoût occasionné par des matières pituiteuses, raniment légèrement les forces vitales, accélèrent la digestion, ne produisent ni douleurs dans la région épigastrique, ni coliques ; elles constipent peu ; elles augmentent sensiblement le cours des urines, & rarement la transpiration insensible d’une très-grande utilité dans les rhumatismes séreux, dans les rhumatismes inflammatoires, quand la fièvre commence à se calmer, & dans le rhumatisme invétéré. Quelquefois elles réussissent dans les maladies du foie sans inflammation ni spasmes, dans les maladies par des acides contenus dans les premières voies, dans les pâles couleurs, dans les ulcères des voies urinaires. Il est rare qu’elles fassent mourir les vers contenus dans les premières voies ; qu’elles provoquent le flux menstruel & qu’elles contribuent a la guérison des dartres, de la gale & de l’hydropisie par un vice du foie. La racine proposée pour combattre les mêmes maladies, n’est pas si active que les feuilles… Celles-ci offrent un des meilleurs agens tirés du règne végétal contre les obstructions que produisent dans les viscères des matières épaisses, grasses & visqueuses ; cette plante contient un savon naturel tout formé, & c’est de cette propriété que dérive son nom. M. Seguy, médecin du Roi, fit imprimer dans un supplément du Journal de Paris, du 3 Février 1784, des détails sur une propriété bien essentielle de cette plante, dont plusieurs médecins avoient déjà parlé, & dont d’autres avoient nié l’efficacité. M. Séguy la regarde presque comme un spécifique contre le vice syphillitique, & il détaille ainsi le traitement qu’il fait suivre à ses malades.

On prend deux onces de saponaire sèche, savoir, une once & demie de racine & demi-once de la plante ; après l’avoir coupé menue, on la fait bouillir dans trois pintes d’eau qu’on laisse réduire à deux ; les malades boivent dans la journée, depuis une jusqu’à deux pintes de cette décoction, & même davantage si on le juge à propos ; je n’ai jamais fait saigner ni purger aucun des malades que j’ai traités avec ce remède ; il peut cependant se trouver des cas où ils aient besoin de ce secours. Lorsque la maladie se manifeste par des signes graves, je joins ordinairement la poudre de toute la plante & quelque-fois son extrait, à l’usage ordinaire de la décoction, en observant que la poudre & l’extrait soient préparés dans les mêmes proportions de racine & de plante que la décoction, c’est-à-dire, un quart de plante, sur trois quarts de racine. Dans le cas d’ulcération au palais, il faut joindre l’usage de l’extrait à celui de la décoction, & s’abstenir de la poudre, qui irrite les ulcères sur lesquels on l’applique ; elle enflamme aussi la gorge de ceux qui la préparent, lorsqu’ils ne prennent pas des précautions contre cet inconvénient. Je donne la poudre, depuis un gros jusqu’à trois, à la dose d’un gros à la fois, puis une ou plusieurs fois par jour, & délayé dans la quantité d’eau qu’il faut pour pouvoir l’avaler : quant à l’extrait, on commence par en donner quelques grains, & on augmente ou l’on diminue la dose selon que les malades le supportent ; l’un & l’autre doivent toujours être aidés de la décoction qui fait la base de la cure : les deux pintes de cette décoction, faite comme il est prescrit, contiennent trois gros & demi d’extrait de consistance pilulaire.

Le régime qu’exige ce traitement se réduit à se priver de laitage, de crudités, d’alimens salés, épicés & chauffans, du café & même quelque fois du vin ; on peut vaquer à ses affaires en prenant ce remède, qui ne fatigue pas ; on en continue l’usage six semaines ou deux mois.

J’emploie aussi le même remède comme topique, soit en fomentation ou en cataplasme, & son extrait en forme d’emplâtre, relativement aux différentes indications curatives que présentent les circonstances.

Usages ; feuilles récentes depuis 4 onces, jusqu’à une livre en infusion dans deux livres d’eau, à prendre par verrées dans le jour… Feuilles sèches, depuis deux onces jusqu’à demi-livre en infusion dans deux livres d’eau, à administrer de la même manière… Racine récente, depuis demi-once jusqu’à une once & demie en infusion dans une livre d’eau. Racine sèche, depuis deux dragmes jusqu’à une once, en infusion dans la même quantité d’eau.

Dans les parties du nord de l’Europe où le savon revient très-cher, on emploie la saponaire pour blanchir le linge. En effet, lorsque l’on laisse tremper cette plante pendant plusieurs jours dans l’eau, on trouve cette eau gluante, douce au toucher ; elle devient presque aussi écumeuse, si on l’agite, que l’eau dans laquelle on fait dissoudre du savon. Si on fait bouillir la plante dans l’eau elle est encore bien plus savonneuse. Cette propriété étoit déjà connue par les anciens.