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Cours d’agriculture (Rozier)/SCIATIQUE

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 139-141).


SCIATIQUE, (la) (Médecine rurale) est une maladie très-douloureuse, qui a tantôt son siège dans l’articulation de l’os de la cuisse & de l’ischion, tantôt dans la gaine du nerf sciatique.

Cothunio en distingue deux espèces : dans la première il existe un abcès purulent dans toute la direction du nerf crural ; & dans la seconde, dans tout le trajet du nerf sciatique. Mais aussi il est prouvé que le foyer de cette maladie se trouve très-souvent dans les lombes & l’os sacrum, & s’étend même quelquefois jusqu’à l’extrémité du pied.

La sciatique ne diffère de la goutte & du rhumatisme que par le siége. Elle exerce constamment sa cruauté dans la région du coccis, de l’os sacrum, de la cuisse & de la jambe ; au lieu que la goutte & le rhumatisme ne se fixent presque jamais sur les mêmes parties, & que celles qui ont été affectées dans un paroxysme, en sont à l’abri dans un autre.

Cette maladie est toujours caractérisée par une douleur vive qui s’étend sur tout le trajet de l’endroit affecté ; elle est quelquefois si considérable que les malades ne peuvent y supporter la plus légère application : dans cet état, ils poussent les hauts cris, & sont obligés d’observer le plus grand repos, parce qu’ils ne peuvent ni marcher, ni oser exécuter le moindre mouvement. L’immobilité de la cuisse est la suite ordinaire de leurs douleurs, & comme leur souffrance redouble, quand ils veulent se baisser & se redresser, ils se voient contraints à rester dans la même situation.

Cette maladie qui a une durée plus ou moins longue, prend très-souvent le caractère & le type intermittent, & se reproduit dans certaines saisons de l’année. Hippocrate range la sciatique dans la classe des maladies d’automne. Mais communément on voit ses paroxismes se reproduire lorsque les froids commencent à se faire sentir.

Une infinité de causes concourt à exciter la sciatique. Elle est souvent produite par des chûtes, des coups violens, par de fortes contusions & par des blessures ; elle est quelquefois symptôme de la maladie vénérienne & de beaucoup d’autres maladies ; elle dépend le plus ordinairement de la suppression de transpiration, de la répercussion de quelque éruption cutanée, comme gale, dartre, &c. L’humidité de l’atmosphère, l’épaississement du sang, le séjour dans des lieux humides & marécageux, la cessation des évacuations périodiques ou habituelles, l’usage des alimens salés, épicés & de haut goût, & tout ce qui peut incendier les humeurs ou leur imprimer une certaine âcreté, peut donner naissance à cette maladie.

L’observation journalière nous apprend qu’elle est familière aux habitans des côtes maritimes, à ceux qui avoisinent de gros fleuves & des étangs, & qui s’exposent aux plus grandes intempéries de l’air. Les jeunes gens en sont pour l’ordinaire à l’abri, les vieillards y sont les plus exposés ; pour l’ordinaire elle ne se manifeste que dans un âge avancé.

La sciatique simple est rarement à craindre ; l’invétérée entraine avec elle le plus grand danger, en ce qu’elle affoiblit & exténue ceux qui en sont atteints, raccourcit leurs membres, & les réduit à un état d’atrophie extrême.

Le traitement de la sciatique est subordonné à la cause qui la produit. Le mercure emporte ordinairement celle qui dépend d’un vice vérolique ; les emménagogues & les anthi-hystériques conviennent dans celle qui reconnoît pour cause la suppression des mois & des lochies, ou les vapeurs hystériques ; les sudorifiques sont très-bien appropriés dans la sciatique occasionnée par la suppression de transpiration.

Mais quand elle est entretenue par l’engorgement de l’enveloppe du nerf sciatique, on appliquera un vésicatoire à l’endroit où le nerf est le plus à découvert vers la tête du péroné & à la malléole externe ; c’est ainsi qu’on est venu à bout de résoudre des états presque paralytiques, en pompant les humeurs contenues dans l’enveloppe de ces nerfs. C’est aussi dans ces vues que les anciens employoient les brûlures & sur-tout le moxa, particulièrement lorsque la sciatique étoit déterminée par la métastase d’une humeur purulente produite dans quel qu’autre partie du corps, & jetée sur l’articulation de la cuisse avec l’os de la hanche, afin de prévenir les suites funestes qu’auroit cet abcès, qui entraîneroit à coup sûr ou la carie ou la phthisie. On doit s’y opposer fortement par l’usage du quinquina combiné avec le lait, par celui des tisannes sudorifiques, qui réussissent toujours bien dans le cas d’ulcères sordides ; mais si on doit ouvrir ce dépôt, il faut le faire le plutôt possible, en pratiquant, comme le prescrit M. de Haen, une très-petite ouverture, en pansant très-rarement la plaie, & en la laissant ouverte pendant très-long-temps.

Quand il n’y a point d’abcès & que les douleurs sont vives, que les parties sont rouges & tendues, qu’il y a un degré de chaleur physique & pulsation des artères on doit alors employer les saignées du bras & du pied, insister beaucoup sur les adoucissans & les relâchans, & procurer ensuite un flux de ventre dysentérique par les vomitifs, qui réussissent toujours bien lorsque la sciatique dépend d’une surcharge putride dans l’estomac, & par des purgatifs actifs, tels que le jalap, les lavemens âcres : il faut enfin observer une proportion entre les remèdes & la violence de la maladie.

Les topiques actifs pourroient être dangereux dans les douleurs fortes, il vaut mieux appliquer les épipastiques les plus doux. Tissot propose le taffetas ciré, les linimens volatils huileux, les douches d’eau ; mais ensuite les vésicatoires en agissent mieux. On pratique à l’hôpital de Montpellier l’usage des mèches de coton brûlées, ce qui est analogue au moxa des Chinois. Mercatus a pratiqué avec succès des brûlures au cartilage des oreilles ; il en explique les bons effets, par la sympathie qu’il y a entre les maladies de la tête & la sciatique. On a vu un homme qui, par les lois de cette sympathie, avoit une surdité lorsque la sciatique disparoissoit, & entendoit très-bien lorsque les accès de sciatique venoient à reparoître. Hippocrate nous apprend que la surdité est avantageuse à ceux qui sont attaqués de la sciatique : cette sympathie indique les bons effets des remèdes révulsifs.