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Cours d’agriculture (Rozier)/VEULE

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Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 85-86).
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VEULE. Ce mot s’applique aux branches, et souvent même à la tige d’un arbre. Dans le premier cas, il est presque le synonyme d’étiolé ; et dans le second, celui de rachitique. On nomme branche veule, celle dont l’écorce n’a point la couleur vive et animée que lui donneroit la libre circulation d’une sève abondante et bien élaborée. Un arbre mal planté, ou placé dans un terrain qui ne lui est pas propre, ne produit que des branches veules ; et les plantes semées trop près les unes des autres, et celles qui sont privées des rayons du soleil, et de la libre circulation de l’air, restent veules ou étiolées. Après avoir dégagé la branche veule de tous les obstacles extérieurs qui sembloient s’opposer à sa dilatation, à l’extension de son écorce, (moyen de guérison, qui ne peut même être employé utilement que pendant sa jeunesse) on mettra à découvert la racine qui lui correspond ; on tâchera de découvrir, dans le chevelu, les parties sèches ou moisies, qui vraisemblablement, s’y trouveront ; on les coupera jusqu’à la racine saine ; on défoncera le dessous de quelques décimètres ; on en tirera la terre, qui sera remplacée par de la terre neuve ou des gazons, pour le soutien desquels on aura placé au fond des tuileaux, ou quelques pierres de grosseur moyenne : cette dernière précaution laissera un libre passage à l’humidité et à la chaleur. Si la branche ne prend pas un nouvel essor dès le printemps suivant, il ne reste plus que de la soustraire entièrement, en la coupant raz la tige, avec l’attention de recouvrir la plaie avec l’onguent de Saint-Fiacre.

Un arbre veule a la tige extrêmement menue, relativement à sa hauteur ; ses branches sont courtes, ses feuilles étroites, son écorce sèche et de couleur rougeâtre. Il résulte des meilleures expériences faites sur la végétation, que les plantes puisent leur nourriture, soit dans la terre, par les mille bouches qui terminent le chevelu de leurs racines, soit dans l’atmosphère, par les innombrables suçoirs de leur écorce et de leurs feuilles ; que les divers élémens dont se compose la sève, s’élaborent en passant par divers canaux, où ils prennent le caractère séveux ; que la sève a un mouvement d’ascension et de descension ; que le premier s’opère par la partie ligneuse, et le second par la partie corticale. Pour que la plante acquière tout le développement, toute la vigueur végétative dont elle est susceptible, il faut qu’elle soit dans une position telle qu’elle puisse aspirer par tous ses organes, et par chacun d’eux, dans la proportion prescrite par la nature, la quantité de substance alimentaire qui lui est nécessaire. Si vous plantez un jeune arbre au milieu d’un bocage, ou d’un groupe d’autres arbres parvenus déjà à la force de l’âge, non seulement la bonté, ou la bonne préparation du terrain n’empêchera pas le premier de devenir veule ; mais meilleure sera la terre, et plutôt il le deviendra ; c’est-à-dire, qu’il prendra plutôt encore une croissance énorme en hauteur, et ridiculement disproportionnée avec sa grosseur. La terre agira sans cesse pour alimenter la sève ascendante ; et les têtes touffues des anciens arbres absorberont toute la nourriture aérienne qui devoit former, du moins en grande partie, la sève descendante. Toutes ses fibres corticales auront bientôt perdu leur souplesse, leur élasticité, et devenues sèches, elles ne seront plus propres à remplir aucune des fonctions pour lesquelles la nature les avoit destinées. Si vous avez quelque intérêt à conserver les alentours d’un pareil arbre, arrachez-le au plutôt, pour n’avoir plus sous les yeux le spectacle pénible de la langueur et du rachitisme. S’il est lui-même un arbre précieux, et qu’il vous importe de lui sacrifier les autres, hâtez-vous de les faire arracher ; suivez à la piste toutes les racines, pour les extirper soigneusement de la terre ; qu’un bon guéret soit maintenu sans cesse au pied du malade, et dans toute la circonférence que peut occuper son chevelu, et tâchez, par de fréquens arrosemens sur ses branches et sur sa tige, de faire recouvrer au tissu cellulaire la souplesse qu’il a perdue. Au reste, après deux ou trois ans de transplantation, tous ces soins mêmes seroient infructueux. Aérez les arbres que vous plantez, et rarement vous en aurez de veules…