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Cours d’agriculture (Rozier)/VOMIQUE

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Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 417-419).


VOMIQUE. (Médecine rurale). La vomique est un abcès exactement renfermé dans un kiste, ou une membrane qui forme une espèce de poche.

Il peut se former des vomiques dans presque toutes les parties du corps : mais pour l’ordinaire cette maladie n’attaque que les poumons : ce n’est jamais qu’à la suite d’une inflammation ou d’un cathare du poumon, qu’on peut se permettre de ne plus douter de son existence, sur-tout, si, dans les quatorze jours, l’expectoration de la matière qui obstruoit les poumons ne s’est point faite ; s’il n’est survenu aucune autre évacuation considérable, soit par les selles, soit par les urines, et que le malade, loin d’être guéri, ou du moins considérablement soulagé, ressente au contraire des redoublemens de fièvre beaucoup plus forts le soir ; à sa respiration gênée ; éprouve dans le jour des horripilations ou des froids bien marqués, et ses joues deviennent rouges sur-tout aux deux pommettes, et les lèvres sèches. Tous ces symptômes n’en restent pas là ; ils prennent une plus grande intensité, et leur violence vous garantit de la formation complète de la vomique. Alors la fièvre devient plus continue ainsi que la toux ; le moindre mouvement ou la plus légère nourriture que-le malade se permette, la fait augmenter. Il ne peut se coucher sur le côté sain, il sent alors un poids considérable sur le côté affecté, qui n’est occasionné que par l’amas de la matière contenue dans le kiste ; il ne peut pas même long-temps rester dans cette situation, le tiraillement des parties lui cause une vive douleur : il faut qu’il se couche sur le côté malade. Souvent il est obligé de rester assis le jour et la nuit, ne pouvant point se coucher du tout. Il passe les nuits blanches. L’inquiétude s’empare de lui : il est en proie à des angoisses horribles ; et les sueurs se font appercevoir sur la poitrine, sur le visage, et autour du col.

Il a souvent le goût d’œufs pourris dans la bouche ; la fièvre le mine et le consume au point qu’il ne lui reste plus que la peau et les os ; rien ne peut étancher sa soif ; sa langue et sa bouche deviennent aussi sèches et aussi âpres qu’une rape ; ses forces l’abandonnent ; sa voix devient rauque et très-foible ; ses yeux ne sont plus saillans ; ils sont enfoncés dans les orbites ; quelquefois sur le côté affecté on apperçoit une légère enflure, et un changement de couleur presque insensible. Quelquefois aussi on sent un gonflement, en comprimant le creux de l’estomac, lorsque le malade tousse.

Les indications que l’on doit sa proposer dans le traitement de cette maladie sont, 1°. de mûrir la vomique avant de la faire crever ; sans cela, la suppuration n’étant point assez abondante, elle dégénéreroit en ulcère, ou en fistule ; 2°. de la faire rompre ; 3°. d’en évacuer la matière.

1°. On fait d’abord recevoir par la bouche, les vapeurs d’une décoction de plantes émollientes pour macérer les parties du kiste ; 2°. on passe peu-à-peu aux vapeurs stimulantes et irritantes pour la faire crever. Enfin ou fait rire, crier, ou tousser le malade ; et si ces moyens ne réussissent point, on donne des émétiques, tels que l’oximel scillitique qui en procure la rupture par l’endroit le plus affaibli auparavant par les fumigations. Hippocrate qui connoissoit cette méthode faisoit prendre un mélange de parlies égales de vin et de petit lait dans lequel il faisoit éteindre des briques rougies au feu. Salius Diversus veut qu’on aide le travail de la nature, en affoiblissant le kiste, lorsque les parois sont trop fortes pour procurer la sortie du pus. Et lorsque ce pus a une acrimonie trop forte, il prescrit des remèdes propres à aider la coction, tels que l’iris, l’arum qui sont des atténuants incisifs.

Si ces secousses ne suffisent pas, il fait user d’alimens salés et âcres, combinés avec le thin, l’origan, et la rhue ; fait appliquer des emplâtres et des onctions avec ces mêmes remèdes. Mais Salius Diversus n’a pas sans doute fait attention à la fièvre et à la dégénération des humeurs, qui les contre-indiquent. On peut voir dans l’Histoire des voyages, la méthode que suivent les Lapons, qui ne connoissent d’autre cure de la vomique que le détachement de l’abcès, et son vomissement.

Quant aux efforts de voix, à l’éternuement, aux exercices violens, à la promenade en voiture dans des endroits pierreux et inégaux, il est certain qu’ils peuvent être d’un grand secours ; mais aussi ils peuvent beaucoup nuire, s’ils ne sont point proportionnés à l’état de la constitution, et peu mesurés aux forces du malade.

Je préfère les vapeurs stimulantes à l’émétique, quoique Hippocrate ait guéri quelquefois en donnant de l’ellébore. On n’a pas à craindre que les efforts que l’émétique procure, venant à coïncider avec ceux que le malade fait pour cracher, occasionnent une suffocation. Meibonius a fort bien observé que les émétiques, les purgatifs, et autres semblables, procurent des évacuations soudaines, et trop violentes qui peuvent être funestes.

3°. Quand il paroît, sur le côté de la poitrine, des marques de l’abcès avec douleur, pesanteur et autres signes, il faut alors l’ouvrir, de peur que la suppuration venant à se faire par la trachée artère, et ne pouvant pas être assez copieuse, il ne s’y forme des ulcères fistuleux. Hippocrate pratiquoit cette opération, lors même que les indices étoient douteux.

On voit périr beaucoup de gens par des ulcères formés par la suppuration du poumon. D’après l’ouverture de leurs cadavres, il est démontré que ces abcès sont adhérens à la plèvre, que ses membranes sont endurcies et sinueuses. Ce qui prouve l’impossibilité à pouvoir évacuer le pus par les bronches, ou que la vomique puisse s’ouvrir d’elle-même, et indique la nécessité de faire l’opération.

C’est ainsi qu’une tumeur, extérieure, une saillie dans une espace intercostal, annonce que l’abcès est formé dans une partie adhérente à la plèvre et au poumon. Le mouvement de ce viscère s’oppose à la consolidation. La nature s’est ménagée un repos par cette adhérence ; ce qui doit nous rendre moins réservés à pratiquer l’opération. Il est d’ailleurs une circonstance importante qui peut diriger l’opérateur et l’assurer dans l’espoir de sa manœuvre, c’est lorsque la plèvre oppose à la lancette une résistance considérable, parce qu’elle a acquis de l’épaisseur. Cette opération n’est pas aussi dangereuse qu’on le pense. Quand elle n’auroit pas du succès, elle ne peut pas avancer de beaucoup la mort du malade ; et si elle est faite à temps, elle peut prévenir la collection du pus et autres symptômes. Le docteur Barry se plaint de ce qu’on ne la fait pas assez tôt. Il l’a vu réussir sur trois sujets, quoique les signes extérieurs qui annonçoient la vomique, fussent très foibles. Il observa dans le premier que l’expectoration ne répondoit pas à la pesanteur et à la douleur, il fit ouvrir, et réussit. Dans les deux autres, l’expectoration se faisoit plus aisément, lorsque le malade étoit couché sur le côté affecté, que lorsqu’il étoit debout ; ce qui démontroit que les poumons manquoient de force tonique suffisante pour chasser le pus, et que la nature ne pouvoit pas en procurer l’excrétion entière, si on ne l’aidoit par l’expectoration.

Nous terminerons cet article, en faisant observer que, dans tous les cas, on doit se munir de quelque eau spiritueuse, ou de sels volatils pour en faire respirer au malade, parce que la rupture de la vomique ou l’opération, ne manquent jamais de faire tomber le malade en syncope.

Si la matière que le malade rejette est épaisse, si la toux diminue, si la respiration devient plus facile, on peut concevoir quelque espérance de guérison.

La nourriture des malades doit être légère et restaurante, comme le bouillon de mou de veau, de poulet, les crèmes de riz, de sagou, la décoction du gruau d’avoine. Sa boisson sera du petit lait édulcoré avec le miel. On lui donnera du quinquina, le seul remède par le moyen duquel on puisse espérer de s’opposer à la tendance générale des humeurs à la putridité ; à la dose de demi-drachme, toutes les trois heures, délayé dans un verre de sa boisson ordinaire, ou incorporé dans un peu de sirop, pour faire un bol.

M. Ami.