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Critique de la raison pratique (trad. Barni)/P1/L1/Ch1

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PREMIÈRE PARTIE


DE


LA CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


___


DOCTRINE ÉLÉMENTAIRE


DE LA RAISON PURE PRATIQUE







LIVRE PREMIER.


ANALYTIQUE DE LA RAISON PURE PRATIQUE


_____________


CHAPITRE Ier.


DES PRINCIPES DE LA RAISON PURE PRATIQUE.


$ I.


Définition.


Des principes pratiques sont des propositions contenant l’idée d’une détermination générale de la volonté qui embrasse plusieurs règles pratiques. Ils sont subjectifs ou s’appellent des maximes, lorsque le sujet n’en considère la condition comme valable que pour sa propre volonté ; ils sont objectifs au contraire, ou sont des lois pratiques, lorsque cette condition est considérée comme objective, c’est-à-dire comme valable pour la volonté de tout être raisonnable.


SCHOLIE.

Si l’on admet que la raison pure peut renfermer un principe pratique, c’est-à-dire qui suffise pour déterminer la volonté, il y a des lois pratiques ; sinon, tous les principes pratiques ne sont que des maximes. Dans la volonté d’un être raisonnable, mais soumis à des affections pathologiques *[1], un conflit peut s’engager entre les maximes et les lois pratiques qu’il reconnaît lui-même. Quelqu’un, par exemple, peut se faire une maxime de ne souffrir impunément aucune offense, et reconnaître cependant que ce n’est pas là une loi pratique, mais seulement une maxime particulière, et qu’on ne peut, sans contradiction, en faire une règle pour la volonté de tous les êtres raisonnables. Dans la connaissance physique, les principes de ce qui arrive (par exemple le principe de l’égalité de l’action et de la réaction dans la communication du mouvement) sont en même temps des lois de la nature ; car l’usage de la raison y est théorique et déterminé par la nature de l’objet. Dans la connaissance pratique, c’est-à-dire dans celle qui ne s’occupe que des principes déterminants de la volonté, les principes, qu’on se fait, ne sont pas pour cela des lois qu’on suive inévitablement, car la raison a ici affaire au sujet, c’est-à-dire à la faculté de désirer, dont la nature particulière peut modifier diversement la règle. — La règle pratique est toujours un produit de la raison, puisqu’elle prescrit l’action comme moyen d’arriver à un effet qu’on se propose pour but. Mais, pour un être chez qui la raison n’est pas le seul principe déterminant de la volonté, cette règle est un impératif, ou une règle qui se traduit par un « doit être **[2] », lequel désigne la nécessité objective de l’action, c’est-à-dire que si la raison déterminait entièrement la volonté, l’action serait infailliblement conforme à cette règle. Les impératifs ont donc une valeur objective, et sont tout à fait distincts des maximes, qui sont des principes subjectifs. Or, ou bien les impératifs déterminent les conditions auxquelles doit se soumettre la causalité d’un être raisonnable, considéré comme cause efficiente, pour arriver à un certain effet qu’elle est capable de produire, ou bien ils déterminent simplement la volonté, qu’elle suffise ou non à l’effet. Les premiers sont des impératifs hypothétiques, et ils ne contiennent que des préceptes d’habileté *[3] ; les seconds au contraire sont des impératifs catégoriques, et seuls ils méritent le nom de lois pratiques. Les maximes ne sont donc pas des impératifs, quoiqu’elles soient des principes. Et les impératifs mêmes, quand ils sont conditionnels, c’est-à-dire quand ils ne déterminent pas simplement la volonté comme volonté, mais relativement à un effet désiré, ou, en un mot, quand ils sont des impératifs hypothétiques, ces impératifs ne sont pas des lois, quoiqu’ils soient des préceptes pratiques. Les lois doivent déterminer par elles-mêmes la volonté comme volonté, avant même qu’on se demande si on a la puissance nécessaire pour produire l’effet désiré ou ce qu’il faut faire pour cela ; par conséquent, elles doivent être catégoriques, autrement ce ne seraient pas des lois, car il leur manquerait cette nécessité qui, pour être pratique, doit être indépendante de toutes conditions pathologiques, et, par conséquent, accidentellement attachées à la volonté. Dites à quelqu’un, par exemple, qu’il doit travailler et économiser pendant sa jeunesse, afin de mettre sa vieillesse à l’abri du besoin ; c’est là, pour la volonté, un précepte pratique juste à la fois et important. Mais il est aisé de voir que la volonté est ici renvoyée à quelque autre chose, qu’elle est supposée désirer, et ce désir, il faut le laisser à la discrétion de l’agent, soit qu’il prévoie d’autres ressources que celles qu’il peut acquérir par lui-même, soit qu’il n’espère pas devenir vieux, ou qu’il s’imagine qu’en cas de besoin il saura se contenter de peu. La raison, qui seule peut fournir des règles renfermant quelque nécessité, donne aussi de la nécessité à ce précepte (car autrement ce ne serait pas un impératif), mais cette nécessité est elle-même soumise à des conditions subjectives, et on ne peut la supposer au même degré dans tous les sujets. Au contraire c’est le propre de sa législation de ne supposer qu’elle-même, car la règle n’est objective et n’a une valeur universelle, que quand elle est indépendante de toutes les conditions accidentelles et subjectives, qui distinguent un être raisonnable d’un autre. Dites à quelqu’un qu’il ne doit jamais faire de fausse promesse : c’est là une règle qui ne concerne que sa volonté, qu’elle soit ou non capable d’atteindre les buts que l’homme peut se proposer ; le simple vouloir, voilà ce qui doit être déterminé tout à fait à priori par cette règle. S’il arrive que cette règle soit pratiquement juste, c’est une loi, car c’est un impératif catégorique. Ainsi les lois pratiques se rapportent uniquement à la volonté, indépendamment de ce que produit sa causalité, et il faut faire abstraction de cette causalité (en tant qu’elle appartient au monde sensible), pour les considérer dans toute leur pureté.


$ 2.


Théorème I.


Tous les principes pratiques qui supposent un objet (une matière) de la faculté de désirer, comme cause déterminante de la volonté, sont empiriques et ne peuvent fournir aucune loi pratique.

J’entends par matière de la faculté de désirer un objet dont la réalité est désirée. Si le désir de l’objet est antérieur à la règle pratique, et qu’il soit la condition qui nous détermine à nous en faire un principe, je dis (en premier lieu) que dans ce cas ce principe est toujours empirique. En effet la cause déterminante de la volonté *[4] est alors la représentation d’un objet, et un rapport de cette représentation au sujet, qui détermine la faculté de désirer à la réalisation de cet objet même. Ce rapport est ce qu’on appelle le plaisir attaché à la réalité d’un objet. Le plaisir doit donc être supposé ici comme la condition qui rend possible la détermination de la volonté. Or il n’y a pas de représentation d’un objet, quelle qu’elle soit, dont on puisse savoir a priori, si elle sera liée au plaisir ou à la peine, ou si elle sera indifférente. Donc, en pareil cas, la cause déterminante de la volonté doit toujours être empirique, et, par conséquent, aussi le principe pratique matériel, qui la suppose comme condition. Comme (en second lieu) un principe, qui ne se fonde que sur la condition subjective de la capacité de sentir du plaisir ou de la peine *[5] (capacité qu’on ne peut jamais connaître que par l’expérience, et qu’on ne peut considérer comme existant au même degré chez tous les êtres raisonnables), peut bien servir de maxime particulière au sujet qui possède cette capacité, mais ne peut lui servir de loi, (puisqu’il n’a pas cette nécessité objective qui doit être reconnue a priori), un principe ne peut fournir une loi pratique.


$ 3.


Théorème II.


Tous les principes pratiques matériels appartiennent, comme tels, à une seule et même espèce et se rattachent au principe général de l’amour de soi ou du bonheur personnel.

Le plaisir qui vient de la représentation de l’existence d’une chose, en tant qu’il doit être une raison qui détermine à désirer cette chose, se fonde sur la réceptivité **[6] du sujet, puisqu’il dépend de l’existence d’un objet ; par conséquent, il appartient au sens (au sentiment ***[7]), et non à l’entendement, lequel exprime un rapport de la représentation à un objet, fondé sur des concepts, et non pas un rapport de la représentation au sujet, fondé sur des sentiments. Il n’est donc pratique qu’autant que la sensation de ce que le sujet attend d’agréable de la réalité de l’objet détermine la faculté de désirer. Or la conscience qu’aurait un être raisonnable d’une satisfaction liée à son existence *[8] et l’accompagnant tout entière sans interruption, c’est le bonheur, et le principe qui consiste à faire du bonheur le mobile suprême de la volonté, c’est le principe de l’amour de soi. Donc tous les principes matériels qui placent la cause déterminante de la volonté dans le plaisir ou la peine, qu’on peut recevoir de la réalité de quelque objet, sont de la même espèce en tant qu’ils appartiennent tous au principe de l’amour de soi ou du bonheur personnel.


corollaire


Toutes les règles pratiques matérielles placent le principe déterminant de la volonté dans la faculté de désirer inférieure **[9], et, s’il n’y avait pas de lois purement formelles, capables de la déterminer par elles-mêmes, il n’y aurait pas lieu d’admettre une faculté de désirer supérieure ***[10].


scholie i.


On doit s’étonner que des esprits, d’ailleurs pénétrants croient distinguer la faculté de désirer inférieure et la faculté de désirer supérieure par la différence d’origine des représentations liées au sentiment du plaisir, suivant que ces représentations viennent des sens ou de l’entendement. En effet, quand on recherche les causes déterminantes du désir et qu’on les place dans le plaisir qu’on attend de quelque chose, on ne s’inquiète pas de savoir d’où vient la représentation de cet objet agréable, mais seulement jusqu’à quel point elle est agréable. Une représentation a beau avoir son siège et son origine dans l’entendement, si elle ne peut déterminer la volonté qu’autant qu’elle suppose le sentiment d’un plaisir dans le sujet, il dépend entièrement de la nature du sens intérieur qu’elle soit un principe de détermination pour la volonté puisqu’il faut que ce sens puisse en être affecté d’une manière agréable. Que les représentations des objets soient aussi hétérogènes qu’on le voudra, que ce soient des représentations de l’entendement, ou même de la raison, en opposition à celles des sens, le sentiment du plaisir, qui seul en fait proprement des causes déterminante de la volonté (l’agrément, le contentement qu’on attend de l’objet et qui pousse l’activité à le produire) est toujours de la même espèce car non-seulement on ne peut jamais le connaître qu’empiriquement, mais il affecte une seule et mène force vitale[11], qui se manifeste dans la faculté de désirer, et, sous ce rapport, il ne peut se distinguer de tout autre principe de détermination que par le degré. Autrement comment pourrait-on comparer, sous le rapport de la quantité[12], deux principes de détermination entièrement différents quant au mode de représentation, pour préférer celui qui affecte le plus la faculté de désirer ? Le même homme peut rendre, sans l’avoir lu, un livre instructif, qui ne sera plus désormais à sa disposition, pour ne pas perdre une partie de chasse ; s’en aller au milieu d’un beau discours, pour ne pas arriver trop tard à un repas ; quitter une conversation grave, dont il fait d’ailleurs grand cas, pour se placer à une table de jeu ; même repousser un pauvre, auquel il aime ordinairement à faire l’aumône, parce qu’en ce moment il a tout juste dans sa poche l’argent nécessaire pour payer son entrée à la comédie. Si la détermination de sa volonté repose sur le sentiment du plaisir ou de la peine qu’il attend d’une certaine chose, peu lui importe par quel mode de représentation il est affecté. Tout ce qu’il lui faut pour se résoudre, c’est de savoir quelle est l’intensité et quelle est la durée de ce plaisir, jusqu’à quel point il est facile de se le procurer, et si on peut le renouveler souvent. Comme celui qui dépense l’or ne s’inquiète pas de savoir si la matière en a été extraite du sein de la terre ou trouvée dans le sable des rivières, pourvu qu’il ait partout la même valeur, de même celui qui ne songe qu’aux jouissances de la vie ne cherche pas si ce sont des représentations de l’entendement ou des représentations des sens qui lui procurent ces jouissances, mais quel en est le nombre, l’intensité et la durée ? Il n’y a que ceux qui contestent à la raison pure la faculté de déterminer la volonté sans s’appuyer sur aucun sentiment, qui peuvent s’écarter de leur propre définition, au point de regarder comme tout à fait hétérogènes des choses qu’eux-mêmes avaient rapportées d’abord à un seul et même principe. Ainsi, par exemple, le simple exercice de vos forces *[13], la conscience de l’énergie de notre âme dans sa lutte contre les obstacles qui s’opposent à ses desseins, la culture des talent de l’esprit, etc., toutes ces choses peuvent nous causer du plaisir, et nous disons avec raison que ce sont là des joies et des jouissances délicates **[14], parce qu’elles sont plus en notre pouvoir que d’autres ; qu’elles ne s’usent point, mais se fortifient au contraire par l’habitude, et que, tout en charmant l’âme, elles la cultivent. Mais les donner pour une espèce de mobiles de la volonté différents du ceux qui viennent des sens quand on suppose, pour en expliquer la possibilité, un sentiment qui nous rend propres à les recevoir et qui en est la première condition, c’est faire comme ces ignorants qui, s’ingérant de faire de la métaphysique, subtilisent la matière au point d’en avoir pour ainsi dire le vertige, et croient qu’ils se font ainsi une idée d’un être spirituel et pourtant étendu. Si l’on admet avec Epicure que la vertu ne détermine la volonté que par le plaisir qu’elle promet, on n’a pas le droit de le blâmer ensuite d’avoir regardé ce plaisir comme tout à fait semblable à ceux des sens les plus grossiers ; car c’est à tort qu’on lui impute d’avoir attribué uniquement aux sens corporels les représentations par lesquelles ce sentiment est excité en nous. Il a cherché, autant qu’on peut la conjecturer, la source de beaucoup de représentations dans une faculté de connaître supérieure, mais cela ne l’empêchait pas et ne pouvait l’empêcher de regarder, d’après le principe indiqué, comme tout à fait semblable aux autres plaisirs le plaisir que nous procurent ces représentations, d’ailleurs intellectuelles, et sans lequel elles ne pourraient déterminer la volonté. Le premier devoir du philosophe est d’être conséquent, mais c’est celui qu’on observe le moins. Les anciennes écoles grecques nous en fournissent plus d’exemples que nous n’en trouvons dans notre siècle syncrétique, où l’on fabrique, avec des principes contradictoires, des systèmes conciliants *[15] sans bonne foi et sans solidité, parce que cela convient mieux à un public qui se contente de savoir de tout un peu, sans rien savoir en somme, et de paraître habile en toute chose. Le principe du bonheur personnel, quelque usage qu’on y fasse de l’entendement et de la raison, ne saurait contenir d’autres principes de détermination pour la volonté que ceux qui sont propres à la faculté de désirer inférieure, et par conséquent, ou il n’y a pas de faculté de désirer supérieure, ou la raison pure doit pouvoir être pratique par elle seule, c’est-à-dire que, sans supposer aucun sentiment, partant aucune représentation de l’agréable ou du désagréable, comme matière de la faculté de désirer, et, par conséquent, sans soumettre ses principes à aucune condition empirique, elle doit pouvoir déterminer la volonté par la seule forme de la règle pratique. C’est à cette seule condition de déterminer la volonté pour elle-même (de n’être pas au service des penchants) que la raison est une véritable faculté de désirer supérieure, à laquelle est subordonnée celle que déterminent des conditions pathologiques[16], et qui est réellement et spécifiquement distincte de celle-ci, de telle sorte que le moindre alliage compromet sa puissance et sa supériorité, tout comme le moindre élément empirique, introduit comme condition dans une démonstration mathématique, lui ôte toute valeur et toute vertu. La raison détermine immédiatement la volonté par une loi pratique, sans l’intervention d’aucun sentiment de plaisir ou de peine, même d’un plaisir lié à cette loi, et c’est cette faculté qu’elle a d’être pratique, en tant que raison pure, qui lui donne un caractère législatif.


scholie ii


Tout être raisonnable, mais fini, désire nécessairement être heureux et par conséquent il y a là un principe qui détermine inévitablement sa faculté de désirer. En effet son état originel n’est pas d’être toujours et entièrement satisfait de son existence, et de jouir d’une félicité qui supposerait la conscience d’une parfaite indépendance, mais ce bonheur est un problème que lui impose sa nature finie, car il a des besoins, et ces besoins concernent la matière de sa faculté de désirer, c’est-à-dire quelque chose se rapportant à un sentiment de plaisir ou de peine qui lui sert de principe subjectif et qui détermine ce dont il a besoin pour être content de son état. Mais, précisément parce que ce principe matériel de détermination ne peut être connu qu’empiriquement par le sujet, il est impossible de considérer ce problème comme une loi car une loi, en tant qu’objective, fournirait à la volonté le même principe de détermination dans tous les cas et pour tous les êtres raisonnables. Par conséquent, quoique le concept du bonheur serve partout de fondement au rapport pratique des objets avec la faculté de désirer, il n’est que le titre général des principes subjectifs de détermination, et il ne détermine rien spécifiquement, ce qui est pourtant la seule chose dont il s’agisse dans ce problème pratique et le seul moyen de le résoudre. Chacun place son bonheur en ceci ou en cela suivant son sentiment particulier de plaisir ou de peine, et le même sujet éprouvera des besoins différents suivant les variations de ce sentiment, et c’est ainsi qu’une loi, subjectivement nécessaire (comme loi de la nature), est, objectivement, un principe pratique entièrement contingent, qui peut et doit être très-différent en différents sujets, et qui par conséquent, ne peut fournir une loi, puisque dans le désir du bonheur il ne s’agit pas de la forme de la loi, mais de sa matière, c’est-à-dire de la question de savoir si je dois attendre du plaisir de l’observation de la loi et quelle somme de plaisir. Les principes de l’amour de soi peuvent, il est vrai, contenir des règles universelles d’habileté (à trouver les moyens d’atteindre les buts qu’on se propose), mais ce ne sont alors que des principes théoriques[17], comme, par exemple, que celui qui veut manger du pain ne pourrait satisfaire son désir, s’il n’y avait pas de moulins. Mais les préceptes pratiques, qui se fondent sur ces principes, ne peuvent être universels, car le principe qui détermine la faculté de désirer est fondé sur le sentiment du plaisir ou de la peine, qu’on ne peut jamais considérer comme s’appliquant universellement aux mêmes objets.

Mais, quand même des êtres raisonnables finis penseraient absolument de la même manière sur les objets de leurs sentiments de plaisir ou de peine, ainsi que sur les moyens à employer pour obtenir les uns et écarter les autres, ils ne pourraient encore prendre pour une loi pratique le principe de l’amour de soi ; car cet accord ne serait lui-même que contingent. Le principe de détermination n’aurait toujours qu’une valeur subjective, la valeur d’un principe empirique, et il n’aurait pas cette nécessité que l’on conçoit en toute loi, c’est-à-dire cette nécessité objective qui se fonde sur des principes a priori. Je ne parle pas de cette nécessité qui ne serait point pratique, mais purement physique, d’après laquelle l’action est tout aussi inévitablement déterminée par notre inclination, qu’il est nécessaire de bailler, quand on voit les autres bailler. Mieux vaudrait soutenir qu’il n’y a pas de lois pratiques, mais seulement des conseils *[18] à l’usage de nos désirs, que d’élever des principes purement subjectifs au rang de lois pratiques, car celles-ci doivent avoir une nécessité entièrement objective, et non pas simplement subjective, et elles doivent être reconnues a priori par la raison, et non par l’expérience (si générale qu’elle puisse être). Les règles mêmes des phénomènes concordants ne sont nommées des lois physiques (par exemple les lois mécaniques) que parce qu’on les connait réellement a priori, ou du moins parce qu’on admet (comme il arrive pour les lois chimiques) qu’on les connaîtrait a priori au moyen de principes objectifs, si notre pénétration était plus profonde. Mais les principes pratiques purement subjectifs ont pour caractère de ne s’appuyer que sur des conditions subjectives de la volonté, et non sur des conditions objectives, et, par conséquent, on ne peut les présenter que comme des maximes, et non comme des lois pratiques. Ce dernier scholie semble être au premier moment une pure chicane de mots, mais cette détermination de mots exprime la distinction la plus importante qu’on puisse considérer dans les recherches pratiques.


$. 4.


Théorème III.


Un être raisonnable ne peut concevoir ses maximes comme des lois pratiques universelles, qu’autant qu’il peut les concevoir comme des principes qui déterminent la volonté par leur forme seule, et non par leur matière. La matière d’un principe pratique est l’objet de la volonté. L’objet est ou n’est pas le principe qui détermine la volonté. S’il en est le principe déterminant, la règle de la volonté est soumise à une condition empirique (au rapport de la représentation déterminante avec le sentiment du plaisir ou de la peine) ; par conséquent, elle ne peut être une loi pratique. Or, si dans une loi on fait abstraction de toute matière, c’est-à-dire de tout objet de la volonté (comme principe de détermination), il ne reste plus que la seule forme d’une législation universelle. Donc, ou un être raisonnable ne peut concevoir ses principes subjectivement pratiques, c’est-à-dire ses maximes, comme étant en même temps des lois universelles, ou il doit admettre que c’est la forme seule de ces maximes qui, en leur donnant le caractère qui convient à une législation universelle *[19], en fait des lois pratiques.

SCHOLIE.

L’intelligence la plus vulgaire peut, sans avoir reçu aucune instruction à cet égard, distinguer quelles maximes peuvent revêtir la forme d’une législation universelle, et quelles maximes ne le peuvent pas. Je me suis fait par exemple une maxime d’augmenter ma fortune par tous les moyens sûrs. J’ai maintenant entre les mains un dépôt, dont le propriétaire est mort sans laisser aucun écrit à ce sujet. C’est bien le cas d’appliquer ma maxime ; mais je veux savoir si elle peut avoir la valeur d’une loi pratique universelle. Je l’applique donc au cas présent, et je me demande si elle peut recevoir la forme d’une loi, et, par conséquent, si je puis la convertir en cette loi : il est permis à chacun de nier un dépôt, dont personne ne peut fournir la preuve. Je m’aperçois aussitôt qu’un tel principe se détruirait lui-même comme loi, car il ferait qu’il n’y aurait plus de dépôt. Une loi pratique, que je reconnais pour telle, doit avoir la qualité d’un principe de législation universelle ; c’est là une proposition identique, et, par conséquent, claire par elle-même. Or je soutiens que, si ma volonté est soumise à une loi pratique, je ne puis donner mon inclination (par exemple, dans le cas présent, ma convoitise) pour un principe de détermination propre à former une loi pratique universelle, car, bien loin de pouvoir être érigée en un principe de législation universelle, elle se détruit elle-même au contraire, lorsqu’on cherche à lui donner cette forme.

Aussi, quoique le désir du bonheur et la maxime par laquelle chacun fait de ce désir un principe de détermination pour sa volonté soient universels, est-il étonnant qu’il soit tombé dans l’esprit d’hommes intelligents de donner ce principe pour une loi pratique universelle. En effet, si l’on donnait à cette maxime l’universalité d’une loi, au lieu de l’ordre qu’une loi universelle de la nature établit partout ailleurs, on aurait tout juste le contraire, un désordre extrême, où disparaîtraient complètement la maxime elle-même et son but. La volonté de tous n’a pas, sous ce rapport, un seul et même objet, mais chacun a le sien (son propre bien-être, qui peut bien s’accorder accidentellement avec les desseins que les autres rapportent également à eux-mêmes, mais qui est loin de suffire à fonder une loi, car les exceptions qu’on a le droit de faire à l’occasion sont en nombre infini, et ne peuvent être comprises d’une manière déterminée dans une règle universelle. On obtiendrait de cette manière une harmonie semblable à celle que nous montre certain poème satirique entre deux époux ayant la même tendance à se ruiner : O merveilleuse harmonie, ce qu’il veut, elle le veut aussi, ou semblable à celle qui régnait entre le roi François Ier et Charles V, lorsque le premier, prenant un engagement envers le second, disait : Ce que veut mon frère Charles (Milan), je le veux aussi. Des principes empiriques de détermination ne peuvent fonder une législation universelle extérieure, mais ils ne peuvent pas davantage en fonder une intérieure, car l’inclination ayant son fondement dans la nature de chacun, il y a autant d’inclinations différentes que de sujets différents, et, dans le même sujet, c’est tantôt l’une, tantôt l’autre, qui l’emporte. Il est absolument impossible de trouver une loi qui les gouvernerait toutes, en les mettant toutes d’accord.


$. 5.


Problème I.


Supposé que la simple forme législative des maximes soit le seul principe de détermination suffisant pour une volonté, trouver la nature de cette volonté, qui ne peut être déterminée que par ce principe.

Puisque la simple forme de la loi ne peut être représentée que par la raison, et que, par conséquent, elle n’est pas un objet des sens, et, par conséquent aussi, ne fait pas partie des phénomènes, la représentation de cette forme est, pour la volonté, un principe de détermination distinct de tous ceux qui viennent des circonstances arrivant dans la nature suivant la loi de la causalité, car ici les causes déterminantes doivent être elles-mêmes des phénomènes. Mais, si nul autre principe de détermination ne peut servir de loi à la volonté, que cette forme de loi universelle, il faut concevoir la volonté comme entièrement indépendante de la loi naturelle des phénomènes, c’est-à-dire de la loi de la causalité. Or cette indépendance s’appelle liberté, dans le sens le plus étroit, c’est-à-dire dans le sens transcendental. Donc une volonté, à laquelle la forme législative des maximes peut seule servir de loi, est une volonté libre.


$. 6.


Problème II.


Supposé qu’une volonté soit libre, trouver la loi qui seule est propre à la déterminer nécessairement.

Puisque la matière de la loi pratique, c’est-à-dire un objet des maximes, ne peut jamais être donnée qu’empiriquement, et que, d’un autre côté, la volonté libre doit pouvoir être déterminée indépendamment de toutes conditions empiriques (ou appartenant au monde sensible), une volonté libre doit trouver dans la loi un principe de détermination indépendant de sa matière même. Or, si dans une loi on fait abstraction de la matière, il ne reste plus que la forme législative. Donc la forme législative, en tant qu’elle est contenue dans la maxime, est la seule chose qui puisse fournir à la volonté un principe de détermination.


scholie


Liberté et loi pratique absolue sont donc des concepts corrélatifs. Or je ne cherche pas ici si ce sont des choses réellement distinctes, ou si plutôt une loi absolue n’est pas entièrement identique à la conscience d’une raison pure pratique, et celle-ci au concept positif de la liberté ; mais je demande par où commence notre connaissance de ce qui est pratique absolument, si c’est par la liberté ou par la loi pratique. Ce ne peut être par la liberté, car, d’un côté, nous ne pouvons en avoir immédiatement conscience, puisque le premier concept en est négatif, et, d’un autre côté, nous ne pouvons la conclure de l’expérience, puisque l’expérience ne nous fait connaître que la loi des phénomènes, par conséquent, le mécanisme de la nature, c’est-à-dire justement le contraire de la liberté. C’est donc la loi morale, dont nous avons immédiatement conscience (dès que nous nous traçons des maximes pour notre volonté), qui s’offre d’abord à nous, et la raison, en nous la présentant comme un principe de détermination qui doit l’emporter sur toutes les conditions sensibles, et qui même en est tout à fait indépendant, nous conduit droit au concept de la liberté. Mais comment la conscience de cette loi est-elle possible ? Nous pouvons avoir conscience de lois pratiques pures, tout comme nous avons conscience de principes théoriques purs, en remarquant la nécessité avec laquelle la raison nous les impose, et en faisant abstraction de toutes les conditions empiriques auxquelles elle nous renvoie. Le concept d’une volonté pure sort des premiers, comme la conscience d’un entendement pur sort des seconds. Que ce soit là l’ordre véritable de nos concepts, que ce soit la moralité qui nous découvre le concept de la liberté, et, par conséquent, que ce soit la raison pratique qui, par ce concept, propose à la raison spéculative le problème le plus insoluble pour elle et le plus propre à l’embarrasser, c’est ce qui résulte clairement de cette considération : puisque, avec le concept de la liberté, on ne peut rien expliquer dans le monde des phénomènes, mais qu’ici le mécanisme de la nature doit toujours servir de guide, et qu’en outre, lorsque la raison pure veut s’élever à l’inconditionnel dans la série des causes, elle tombe dans une antinomie où, d’un côté comme de l’autre, elle se perd dans l’incompréhensible, tandis que le mécanisme est du moins utile dans l’explication des phénomènes, personne ne se serait jamais avisé d’introduire la liberté dans la science, à la loi morale, et avec elle la raison pratique, n’était intervenue et ne nous avait imposé ce concept. L’expérience confirme aussi cet ordre de nos concepts. Supposez que quelqu’un prétende ne pouvoir résister à sa passion, lorsque l’objet aimé et l’occasion se présentent ; est-ce que, si l’on avait dressé un gibet devant la maison où il trouve cette occasion, pour l’y attacher immédiatement après qu’il aurait satisfait son désir, il lui serait encore impossible d’y résister ? Il n’est pas difficile de deviner ce qu’il répondrait. Mais si son prince lui ordonnait, sous peine de mort, de porter un faux témoignage contre un honnête homme qu’il voudrait perdre au moyen d’un prétexte spécieux, regarderait-il comme possible de vaincre en pareil cas son amour de la vie, si grand qu’il pût être. S’il le ferait ou non, c’est ce qu’il n’osera peut-être pas décider, mais que cela lui soit possible, c’est ce dont il conviendra sans hésiter. Il juge donc qu’il peut faire quelque chose, parce qu’il a la conscience de le devoir, et il reconnaît ainsi en lui-même la liberté qui, sans la loi morale, lui serait toujours demeurée inconnue.


$. 7.


Loi fondamentale de la raison pure pratique.


Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse toujours être considérée comme un principe de législation universelle.


scholie.

La géométrie pure a des postulats qui sont des propositions pratiques, mais qui ne supposent rien de plus sinon qu’on peut faire une chose, si on veut la faire, et ces postulats sont les seules propositions de cette science qui concernent une existence ; ce sont donc des règles pratiques dont l’application est soumise à une condition problématique de la volonté. Mais ici la règle dit qu’on doit absolument agir d’une certaine manière. La règle pratique est donc inconditionnelle, et, par conséquent, nous nous la représentons a priori comme une proposition catégoriquement pratique, qui détermine objectivement la volonté d’une manière absolue et immédiate (par la règle pratique même qu’elle exprime, et qui, par conséquent, a ici force de loi). En effet c’est la raison pure qui, étant pratique par elle-même, est ici immédiatement législative. La volonté est conçue comme indépendante de toutes conditions empiriques, par conséquent, comme volonté pure, comme déterminée par la simple forme de la loi, et ce principe de détermination est considéré comme la condition suprême de toutes les maximes. La chose est assez étrange, et il n’y a rien de semblable dans tout le reste de la connaissance pratique. En effet la pensée a priori d’une législation universelle possible, cette pensée qui, par conséquent, est purement problématique, nous est ordonnée absolument comme une loi, sans que l’expérience ou quelque volonté extérieure y entre pour rien. Mais ce n’est pas non plus un de ces préceptes d’après lesquels il faut faire telle chose, pour obtenir tel effet désiré (car alors la règle dépendrait toujours de conditions physiques), mais une règle qui détermine a priori la volonté, quant à la forme de ses maximes, et dès lors il n’est pas impossible de concevoir au moins, comme un principe de détermination puisé dans la forme objective d’une loi en général, une loi qui ne s’applique qu’à la forme subjective des principes. On peut appeler la conscience de cette loi un fait[20] de la raison, car on ne peut le conclure par voie de raisonnement de données antérieures de la raison, par exemple de la conscience de la liberté (laquelle ne nous est pas donnée d’abord), mais elle s’impose à nous par elle-même comme une proposition synthétique a priori, qui ne se fonde sur aucune intuition, ni pure ni empirique. Cette proposition serait, il est vrai, analytique, si on pouvait supposer d’abord la liberté de la volonté ; mais, pour en avoir un concept positif, il faudrait une intuition intellectuelle, qu’on n’a pas ici le droit d’admettre. Qu’on remarque bien, pour ne tomber dans aucune méprise en considérant cette loi comme donnée, que ce n’est pas là un fait empirique, mais le fait unique de la raison, qui se proclame par là originairement législative (sic volo, sic jubeo).

corollaire.

La raison pure est pratique par elle seule, et elle donne (à l’homme) une loi universelle que nous appelons la loi morale.

scholie.
Le fait que nous venons de constater est incontestable. Qu’on analyse le jugement que portent les hommes sur la légitimité de leurs actions, on trouvera toujours que, quoi que puisse dire l’inclination, leur raison demeurant incorruptible et n’obéissant qu’à sa propre loi, confronte toujours la maxime suivie par la volonté dans une action avec la volonté pure, c’est à-dire avec elle-même, en se considérant comme pratique a priori. Or ce principe de la moralité, faisant de l’universalité même de la législation un principe formel et suprême de détermination pour la volonté, sans tenir compte de toutes les différences subjectives que celle-ci peut offrir, la raison le présente comme une loi qui s’applique à tous les êtres raisonnables, en tant qu’ils ont une volonté, c’est-à-dire une faculté de déterminer leur causalité par la représentation de certaines règles, par conséquent, en tant qu’ils sont capables d’agir d’après des principes, et, par conséquent aussi, d’après des principes pratiques a priori (car ceux-ci ont seuls cette nécessité que la raison exige d’un principe). Il ne se borne donc pas aux hommes, mais il s’étend à tous les êtres finis doués de raison et de volonté, et il enveloppe même l’être infini en tant qu’intelligence suprême. Mais, lorsqu’elle s’applique aux hommes, la loi prend la forme d’un impératif, car si, comme êtres raisonnables, on peut leur attribuer une volonté pure, comme êtres soumis à des besoins et à des mobiles sensibles, on ne peut leur supposer une volonté sainte, c’est-à-dire une volonté incapable de toute maxime contraire à la loi morale. La loi morale est donc pour eux un impératif, lequel commande catégoriquement, puisque la loi est inconditionnelle ; le rapport de leur volonté à cette loi est un rapport de dépendance *[21] auquel on donne le nom d’obligation **[22], qui désigne une contrainte ***[23], mais imposée par la raison seule et par sa loi objective, et l’action qui nous est ainsi imposée s’appelle devoir ****[24], parce qu’une volonté sujette à des affections pathologiques *[25] (quoiqu’elle ne soit pas déterminée par ces conditions, et que, par conséquent, elle soit toujours libre) renferme un désir qui, résultant de causes subjectives, peut être souvent opposé au motif pur et objectif de la moralité, et qui, par conséquent, provoque une opposition de la raison pratique, qu’on peut appeler une contrainte intérieure, mais intellectuelle, une contrainte morale. Dans l’intelligence souverainement parfaite, on doit concevoir la volonté comme incapable d’aucune maxime qui ne puisse être en même temps une loi objective, et le concept de la sainteté, qui lui convient par là même, ne la place pas sans doute au-dessus de toutes les lois pratiques, mais au-dessus de toutes les lois pratiques restrictives, par conséquent, au-dessus de l’obligation et du devoir. Cette sainteté de la volonté n’en est pas moins une idée pratique, qui doit nécessairement servir de type **[26] à tous les êtres raisonnables finis : la seule chose qui leur soit accordée est de s’en rapprocher indéfiniment, et la pure loi morale, qui pour cela même est appelée sainte, leur met toujours cette idée même devant les yeux. S’assurer dans ce progrès indéfini, de manière à le rendre constant et sans cesse croissant, suivant des maximes immuables, c’est la vertu, et la vertu est le plus haut degré que puisse atteindre une raison pratique finie, car celle-ci, du moins comme faculté naturellement acquise, ne peut jamais être parfaite, et en pareil cas la certitude n’est jamais apodictique, et la conviction est très-dangereuse.
$. 8.


Théorème iv
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L’autonomie de la volonté est l’unique principe de toutes les lois morales et de tous les devoirs qui y sont conformes : toute hétéronomie de la volonté au contraire non-seulement ne fonde aucune obligation, mais même est opposée au principe de l’obligation et à la moralité de la volonté. En effet la moralité réside uniquement dans une volonté indépendante de toute matière de la loi (c’est-à-dire de tout objet désiré) et exclusivement déterminée par la forme universellement législative que ses maximes doivent être capables de revêtir. Or cette indépendance est la liberté dans le sens négatif, et cette législation propre de la raison pure, et pratique à ce titre, est la liberté dans le sens positif. Donc la loi morale n’exprime pas autre chose que l’autonomie de la raison pure pratique, c’est-à-dire de la liberté, et cette autonomie même est la condition formelle de toutes les maximes, la seule qui leur permette de s’accorder avec la loi pratique suprême. C’est pourquoi, si la matière du vouloir, qui ne peut être autre chose que l’objet d’un désir lié à la loi, s’introduit dans la loi pratique, comme condition de la possibilité de cette loi, il en résultera une hétéronomie de la volonté, c’est-à-dire que la volonté dépendra de la loi de la nature, de quelque attrait ou de quelque inclination, et, qu’au lieu de se donner à elle-même la loi, elle se bornera à chercher le précepte d’après lequel elle peut raisonnablement obéir à des lois pathologiques. Mais la maxime, qui dans ce cas ne peut jamais contenir une forme universellement législative, non-seulement ne peut produire de cette manière aucune obligation, mais elle est même contraire au principe d’une raison pratique pure, et, par conséquent aussi, à toute intention morale, quand même l’action qui en résulterait aurait un caractère légal.

scholie i

Il ne faut donc jamais ériger en loi pratique un précepte pratique qui contient une condition matérielle (par conséquent empirique). En effet la loi de la volonté pure, qui est libre, place cette volonté même dans une sphère tout autre que la sphère empirique, et la nécessité qu’elle exprime, n’étant pas une nécessité physique, ne peut résider que dans les conditions formelles de la possibilité d’une loi en général. Toute matière de règles empiriques repose toujours sur des conditions subjectives, qui ne lui donnent d’autre universalité, à l’égard des êtres raisonnables, qu’une universalité conditionnelle (c’est-à-dire que, dans le cas où je désirerais ceci ou cela, je devrais agir de telle ou telle manière pour me le procurer), et toutes ces règles rentrent dans le principe du bonheur personnel. Or il est sans doute incontestable que tout vouloir doit avoir un objet, par conséquent, une matière ; mais cette matière n’est pas par cela même le principe déterminant et la condition de la maxime, car dans ce cas cette maxime ne pourrait prendre la forme d’un principe de législation universelle, puisque l’attente de l’existence de l’objet serait alors la cause qui déterminerait la volonté, et qu’il faudrait donner pour principe au vouloir la dépendance de la faculté de désirer par rapport à l’existence de quelque chose, dépendance dont on ne peut chercher la cause que dans des conditions empiriques, et qui, par conséquent, ne peut servir de fondement à une règle nécessaire et universelle. C’est ainsi que le bonheur d’autrui pourra être l’objet de la volonté d’un être raisonnable. Que s’il était le principe déterminant de sa maxime, il faudrait supposer que le bonheur d’autrui est pour lui, non-seulement un plaisir naturel, mais un besoin, comme est en effet la sympathie chez les hommes. Mais ce besoin, je ne puis le supposer en tout être raisonnable (en Dieu par exemple). La matière de la maxime peut donc subsister, mais elle ne doit pas en être la condition, car autrement celle-ci n’aurait plus la valeur d’une loi. Par conséquent, la forme d’une loi, à laquelle la matière est subordonnée, nous permet bien d’ajouter cette matière à la volonté, mais non pas de la supposer. Que, par exemple, la matière soit mon bonheur personnel ; si j’attribue à chacun le même désir (comme je le puis faire à l’égard des êtres finis), le bonheur ne peut être une loi pratique objective, que si j’y comprends aussi le bonheur d’autrui. La loi qui ordonne de travailler au bonheur d’autrui ne résulte donc pas de cette supposition que le bonheur est un objet de désir pour chacun, mais de ce que la forme de principe universel, dont la raison a besoin, comme d’une condition nécessaire, pour donner à une maxime de l’amour de soi la valeur objective d’une loi, est le principe déterminant de la volonté. Par conséquent, ce n’est pas l’objet (le bonheur d’autrui) qui est le principe déterminant de la volonté pure, mais seulement la forme législative, laquelle me sert à restreindre ma maxime fondée sur une inclination, de manière à lui donner l’universalité d’une loi, et à l’approprier ainsi à la raison pure pratique, et c’est de là seulement, et non de l’addition de quelque mobile extérieur, que peut résulter le concept de l’obligation d’étendre la maxime de l’amour de soi au bonheur d’autrui.

scholie.

On a tout juste le contraire du principe de la moralité, lorsqu’on donne à la volonté pour principe déterminant le principe du bonheur personnel auquel, comme je l’ai montré plus haut, il faut rattacher en général tout ce qui place le principe de détermination, qui doit servir de loi, ailleurs que dans la forme législative des maximes. Et il n’y a pas seulement ici une contradiction logique, comme quand on veut élever des règles empiriques *[27] au rang de principes nécessaires de la connaissance, mais une contradiction pratique, qui ruinerait entièrement la moralité, si la voix de la raison, parlant à la volonté, n’était pas si claire, si puissante **[28] si distincte, même pour les hommes les plus vulgaires. Aussi ne trouve-t-on cette contradiction que dans les fausses spéculations des écoles, assez hardies pour rester sourdes à cette voix céleste, afin de maintenir une théorie qui ne coûte aucune contention d’esprit *[29].

Supposez qu’un de vos amis croie se justifier auprès de vous d’avoir porté un faux témoignage, en alléguant d’abord le devoir, sacré à ses yeux, du bonheur personnel, en énumérant ensuite tous les avantages qu’il s’est procurés par ce moyen, enfin en vous indiquant les précautions qu’il emploie pour échapper au danger d’être découvert, même par vous, à qui il ne révèle ce secret que parce qu’il pourra le nier en tout temps, et qu’il prétende sérieusement s’être acquitté d’un véritable devoir d’humanité ; ou vous lui ririez au nez, ou vous vous éloigneriez de lui avec horreur, et pourtant, si on ne fonde ses principes que sur son avantage personnel, il n’y a pas la moindre chose à objecter. Supposez encore qu’on vous recommande un intendant, à qui vous pourrez, vous dit-on, confier aveuglément toutes vos affaires, et que, pour vous inspirer de la confiance, on vous le vante comme un homme prudent qui entend à merveille ses propres intérêts, et dont l’infatigable activité ne laisse échapper aucune occasion de les servir, qu’enfin, pour ne pas vous laisser craindre de ne trouver en lui qu’un grossier égoïsme, on vous assure qu’il sait vivre élégamment, qu’il cherche son plaisir, non dans l’avarice ou la débauche, mais dans la culture de son esprit, dans le commerce des hommes distingués et instruits, et même dans la bienfaisance, mais que d’ailleurs il n’est pas très-scrupuleux sur les moyens (pensant que les moyens tirent toute leur valeur du but qu’on se propose), et que, pour arriver à ses fins, l’argent ou le bien d’autrui lui est aussi bon que le sien, pourvu qu’il soit sûr de pouvoir s’en servir sans danger ; ne croiriez-vous pas que celui qui vous recommanderait un tel homme ou se moquerait de vous, ou aurait perdu la tête. — La ligne de démarcation entre la moralité et l’amour de soi est si clairement et si distinctement tracée, que l’œil même le plus grossier ne peut confondre en aucun cas l’une de ces choses avec l’autre. Les quelques remarques qui suivent peuvent donc paraître superflues pour établir une vérité aussi évidente ; mais elles serviront du moins à donner un peu plus de clarté au jugement du sens commun.

Le principe du bonheur peut bien donner des maximes, mais non des maximes qui puissent servir de lois à la volonté, quand même on prendrait le bonheur général pour objet. En effet, comme la connaissance de cet objet repose sur des données purement empiriques, puisque le jugement qu’en porte chacun dépend de sa manière de voir, et que cette manière de voir même est très-variable dans le même individu, on en peut bien tirer des règles générales, mais non pas des règles universelles, c’est-à-dire on en peut bien tirer des règles qui après tout conviendront le plus souvent, mais non pas des règles ayant toujours et nécessairement la même valeur, et, par conséquent, on n’y peut fonder de lois pratiques. Précisément parce qu’ici un objet de la volonté doit servir de principe à sa règle, et, par conséquent, lui être antérieur, cette règle ne peut se rapporter qu’à la chose recommandée, c’est-à-dire à l’expérience, et, par conséquent, elle ne peut se fonder que sur l’expérience, d’où il suit que la diversité des jugements doit être infinie. Ce principe ne prescrit donc pas à tous les êtres raisonnables les mêmes règles pratiques, quoiqu’elles aient un titre commun, celui de bonheur. La loi morale au contraire n’est conçue comme objectivement nécessaire, que parce qu’elle doit avoir la même valeur pour quiconque est doué de raison et de volonté.

La maxime de l’amour de soi (la prudence) conseille seulement ; la loi de la moralité ordonne. Or il y a une grande différence entre les choses qu’on nous conseille, et celles auxquelles nous sommes obligés.

L’intelligence la plus ordinaire reconnaît sans peine et sans hésitation ce qu’il faut faire suivant le principe de l’autonomie de la volonté ; mais il est difficile de savoir ce qu’il convient de faire, au point de vue de l’hétéronomie de la volonté, et cela exige une certaine expérience du monde. En d’autres termes, la connaissance de ce qui est devoir s’offre d’elle-même à chacun ; mais ce qui peut nous procurer un avantage vrai et durable est toujours enveloppé d’une impénétrable obscurité, surtout s’il s’agit d’un avantage qui s’étende à toute l’existence, et il faut beaucoup de prudence pour adapter, même passablement, aux buts de la vie, en faisant la part des exceptions, les règles pratiques qui se fondent sur cette considération. Au contraire, la loi morale exigeant de chacun l’obéissance la plus ponctuelle, ce qu’elle commande de faire ne doit pas être si difficile à discerner, que l’intelligence la plus ordinaire et la moins exercée ne puisse y parvenir, même sans aucune expérience du monde.

Il est toujours au pouvoir de chacun d’obéir aux ordres catégoriques de la moralité ; il est rare qu’on puisse suivre les préceptes empiriquement conditionnels du bonheur, et il s’en faut que, même relativement à un même but, cela soit possible pour tous. La raison en est que, dans le premier cas, il ne s’agit que de maximes qui doivent être pures, tandis que, dans le second, il s’agit d’appliquer ses forces et sa puissance physique pour produire un objet désiré. Il serait ridicule d’ordonner à chacun de chercher à se rendre heureux, car on n’ordonne jamais à quelqu’un ce qu’il veut inévitablement de lui-même. Tout ce qu’on peut faire est de lui prescrire ou plutôt de lui présenter les moyens à employer pour arriver à son but, car il ne peut pas tout ce qu’il veut. Mais il est tout à fait raisonnable de prescrire la moralité sous le nom de devoir ; car d’abord tous les hommes ne consentent pas volontiers à obéir à ses préceptes, lorsqu’ils sont en opposition avec leurs penchants, et, quant aux moyens de pratiquer cette loi, ils n’ont pas besoin d’être appris, puisque chacun, sous ce rapport, peut ce qu’il veut.

Celui qui a perdu au jeu peut s’affliger sur lui-même et sur son imprudence, mais celui qui a conscience d’avoir trompé au jeu (quoiqu’il ait gagné par ce moyen) doit se mépriser lui-même, lorsqu’il se juge au point de vue de la loi morale. Cette loi doit donc être tout autre chose que le principe du bonheur personnel. Car, pour pouvoir se dire à soi-même : je suis un misérable, quoique j’aie rempli ma bourse, il faut un autre critérium que pour se féliciter soi-même et se dire : je suis un homme prudent, car j’ai enrichi ma caisse.

Enfin il y a encore quelque chose dans l’idée de notre raison pratique qui accompagne la transgression d’une loi morale, c’est le démérite *[30]. Or le concept de la jouissance du bonheur **[31] ne s’accorde guère avec celui d’une punition comme punition. En effet, quoique celui qui punit puisse avoir la bonne intention de diriger la punition même vers ce but, il faut d’abord que cette punition comme telle, c’est-à-dire comme un mal, soit juste par elle-même, c’est-à-dire il faut que celui qu’on punit, en restant sous le coup de la punition, et alors même qu’il n’espérerait aucune grâce, puisse avouer qu’il l’a méritée et que son sort est parfaitement approprié à sa conduite. La justice est donc la première condition de toute punition, comme telle, et l’essence même de ce conçut. La bonté peut s’y joindre sans doute, mais celui qui, par sa conduite, mérite d’être puni n’a pas le moindre droit d’y compter. Ainsi la punition est un mal physique qui, quand même il ne serait pas lié comme conséquence naturelle avec le mal moral, devrait en être considéré encore comme une conséquence suivant les principes de la législation morale. Or, si tout crime, indépendamment même des conséquences physiques qu’il peut avoir pour l’agent, est punissable en soi, c’est-à-dire s’il encourt la perte du bonheur (du moins en partie), il est évidemment absurde de dire que le crime consiste précisément à attirer sur soi un châtiment, en portant atteinte à son bonheur personnel (ce qui, suivant le principe de l’amour de soi, serait le concept propre de tout crime). Dans ce système, la punition étant la seule raison qui ferait qualifier une action de crime, la justice consisterait bien plutôt à laisser de côté toute punition et même à écarter la punition naturelle ; car alors il n’y aurait plus rien de mal dans l’action, puisqu’on aurait écarté les maux qui en seraient résultés, et qui seuls rendaient cette action mauvaise. Enfin ne voir dans toute punition et dans toute récompense qu’un moyen mécanique dont se servirait une puissance supérieure pour pousser des êtres raisonnables vers leur but final (le bonheur), c’est soumettre la volonté à ce mécanisme qui écarte toute liberté ; cela est trop évident pour qu’il soit nécessaire d’y insister.

C’est une opinion plus subtile, mais tout aussi fausse, que d’admettre, à la place de la raison, sous le nom de sens moral, un certain sens particulier, qui déterminerait la loi morale, et par le moyen duquel la conscience de la vertu serait immédiatement liée au contentement et au plaisir, celle du vice au trouble de l’âme et à la douleur, et ceux qui avancent cette opinion font tout reposer en définitive sur le désir du bonheur personnel. Sans rappeler ce qui a été dit précédemment, je veux seulement faire remarquer l’illusion où l’on tombe ici. Pour pouvoir se représenter un criminel tourmenté parla conscience de ses crimes, il faut lui attribuer d’abord un caractère qui, au fond et à quelque degré du moins, ne soit pas privé de toute bonté morale, de même qu’il faut d’abord concevoir vertueux celui que réjouit la conscience de ses bonnes actions. Ainsi le concept de la moralité et du devoir doit précéder la considération de ce contentement de soi-même, et il n’en peut être dérivé. Il faut d’abord savoir apprécier l’importance de ce que nous nommons devoir, l’autorité de la loi morale et la valeur immédiate que nous donne à nos propres yeux l’observation de cette loi, pour pouvoir sentir le contentement qui réside dans la conscience de l’accomplissement du devoir, et l’amertume des remords qui en suivent la violation. Il est donc impossible de sentir cette satisfaction de soi-même ou cette peine intérieure, avant d’avoir la connaissance de l’obligation, et de placer dans la première le fondement de la seconde. Il faut être déjà au moins à moitié honnête homme pour pouvoir se faire une idée de ces sentiments. Je ne prétends pas nier d’ailleurs que, si la volonté humaine peut être, grâce à la liberté, immédiatement déterminée par la loi morale, la pratique fréquente de ce principe de détermination ne puisse aussi produire à la fin dans le sujet un sentiment de satisfaction de soi-même ; je reconnais au contraire qu’il est de notre devoir de faire naître en nous et de cultiver ce sentiment, qui seul mérite véritablement le nom de sentiment moral. Mais le concept du devoir n’en peut être dérivé, à moins qu’on n’admette le sentiment d’une loi comme telle, et qu’on ne regarde comme un objet de sensibilité une chose qui ne peut être conçue que par la raison, ce qui, si ce n’est pas une plate contradiction, ruinerait tout concept du devoir et y substituerait un jeu mécanique de penchants délicats, en lutte parfois avec les penchants grossiers.

Si nous rapprochons de notre principe formel suprême de la raison pure pratique (considérée comme autonomie de la volonté) tous les principes matériels de moralité admis jusqu’ici, nous pouvons former un tableau qui épuise tous les cas possibles en dehors de notre principe, et rendre, pour ainsi dire, sensible aux yeux cette vérité, qu’il serait inutile de chercher un principe différent de celui que nous proposons ici. — Les principes qui peuvent déterminer la volonté sont ou purement subjectifs et, par conséquent, empiriques, ou objectifs et rationnels, et ces deux classes de principes sont ou externes ou internes.





Les principes matériels de détermination, qu’on peut donner pour fondement à la moralité sont :


SUBJECTIFS OBJECTIFS
EXTERNES INTERNES INTERNES EXTERNES
L’éducation (suivant Montaigne.) La constitution civile (suivant Mandeville.) Le sentiment physique (suivant Épicure.) Le sentiment moral (suivant Hutcheson.) La perfection (suivant Wolf et les Stoïciens.) La volonté de Dieu (suivant Crusius et d’autres théologiens moralistes.)
Les principes qui sont placés à la gauche de ce tableau sont tous empiriques, et ne peuvent évidemment fournir le principe universel de la moralité. Ceux qui sont placés à droite se fondent sur la raison (car la perfection conçue comme qualité des choses, et la perfection suprême conçue comme substance, c’est-à-dire Dieu, sont deux choses que nous ne pouvons concevoir qu’au moyen de concepts rationnels). Le premier concept, celui de la perfection, peut être pris dans un sens théorique, ou dans un sens pratique. Dans le premier cas, il ne signifie autre chose que la perfection de chaque chose en son genre (perfection transcendentale), ou la perfection d’une chose comme chose en général (perfection métaphysique), ce dont il ne peut être ici question. Dans le second cas, la perfection est l’aptitude suffisante d’une chose pour toutes sortes de fins. Mais cette perfection, comme qualité de l’homme, c’est-à dire la perfection interne, n’est autre chose que le talent, et, ce qui le fortifie ou le complète, l’habileté. La perfection suprême en substance, c’est-à-dire Dieu, par conséquent, la perfection extérieure (considérée au point de vue pratique) est l’attribut qui fait que cet être suffit à toutes les fins en général *[32]. Or, si, d’un côté, il faut admettre comme donnés des buts relativement auxquels le concept d’une perfection (d’une perfection interne, en nous-mêmes, ou d’une perfection externe, en Dieu) puisse seul servir de principe de détermination à la volonté, d’un autre côté, un but, en tant qu’objet antérieur à l’acte de la volonté déterminée par une règle pratique et contenant le principe de la possibilité de cette détermination, ou la matière de la volonté, comme principe déterminant de cette faculté, est toujours empirique, et, par conséquent, ce but peut bien servir de principe à une doctrine du bonheur comme celle d’Épicure, mais on ne saurait y voir un principe purement rationnel de la morale et du devoir (c’est ainsi que les talents et leur développement, se rattachant aux avantages de la vie, et la volonté de Dieu, quand on en fait un objet de notre volonté, sans reconnaître d’abord un principe pratique indépendant de cette idée, ne peuvent être pour nous des causes déterminantes que par le bonheur que nous en attendons. Il suit de ce qui précède, 1o que tous les principes exposés ici sont matériels ; 2o qu’ils représentent tous les principes pratiques matériels possibles. D’où enfin cette conclusion que, les principes matériels ne pouvant (comme on l’a prouvé) fournir à la morale une loi suprême, le principe pratique formel de la raison pure, d’après lequel la seule forme d’une législation universelle possible par nos maximes doit constituer le motif suprême et immédiat de la volonté, est le seul qui puisse fournir des impératifs catégoriques, c’est-à-dire des lois pratiques (qui fassent de l’action un devoir), et en général servir de principe de moralité dans l’appréciation des actions humaines comme dans les déterminations de notre volonté.

Notes de Kant[modifier]

  1. * pathologisch-afficirten.
  2. ** Durch ein Sollen.
  3. * Vorschriften der Geschicklichkeit.
  4. * der Willkühr.
  5. * Empfänglichkeit einer Lust oder Unlust.
  6. ** Empfänglichkeit. Je traduis ici littéralement le mot que j’ai traduit tout à l’heure par capacité de sentir J. B.
  7. *** Dem Sinn (Gefuhl)
  8. * der Annehmlichkeit des Lebens.
  9. ** im unteren Begehrungwermögen.
  10. *** oberes Begehrungsvermögen.
  11. Lebenskraft.
  12. Grösse.
  13. * Kraftamceudung.
  14. ** feinere.
  15. * Coalitionsystem.
  16. das pathologisch bestimmbarr.
  17. Les propositions que, dans les mathématiques ou dans la physique, on appelle pratiques devraient être appelées proprement techniques. En effet il ne s’agit pas, dans ces sciences, de la détermination de la volonté ; et ces propositions se bornent à déterminer les conditions particulières de l’action propre à produire un certain effet, et, par conséquent, elles sont tout aussi théoriques que toutes les propositions qui expriment une relation de cause à effet. Or celui qui veut l’effet doit aussi vouloir la cause * (* Voyez sur l’idée indiquée dans cette note la Critique du jugement, Introduction : de la division de la philosophie. Traduc. franç. T1, p. 11 à 16. J. B.).
  18. * Anrathungen.
  19. * nach der jenc sich zur allgemeinen Gesetzgebung schicken.
  20. Factum.
  21. * Àbhängigkeit.
  22. ** Verbi ullichkeit.
  23. *** Nothigung.
  24. **** Pflicht.
  25. * pathologisch affleirte.
  26. ** Urbild.
  27. * empirisch-bedingten.
  28. ** unüberschreibar.
  29. * Kopfbrechen.
  30. * Straficürdigkeit.
  31. ** das Theilhafügirerden der Glückseligkeit.
  32. * die Zulänglichkeit dièses Wesens zu allen Zwecken überhaupt.


Notes du traducteur[modifier]