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Dans la rue (Bruant)/Aux Arts Libéraux

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Aristide Bruant (Volume IIp. 63-67).


AUX ARTS LIBÉRAUX


C’est rigolo c’qu’on a d’la chance :
Moi, qu’tous les hivers ej’ gelais.
Moi, que j’couch’ dehors ed’ naissance.
Me v’là que j’couch’ dans un palais.
V’là qu’au lieur ed’ filer la cloche
La nuit, avec un tas d’maqu’reaux
Avec qui que j’pass’ pour un broche,
Ej’ demeure aux Arts Libéraux.


Là où qu’on m’salu’ quand que j’rentre.
Là où, quand mêm’ que j’s’rais fauché,
Ej’ suis sûr de m’coller dans l’ventre
Un’ mouis’ par-dessus l’marché.
L’ matin, ça chauff’ la gargamelle,
C’est girond la soupe aux poireaux !
Avant d’m’attacher un’ gamelle,
Ej’ déjeune aux Arts Libéraux.

Vrai, c’est déjà rupin qu’on coupe
À la comèt’, mais nom d’un chien,
On vous fout du coke et d’la soupe
Comm’ si qu’on l’aurait poure rien ;
Et pis on en r’çoit des visites :
Des Présidents, des Généraux.
Des miniss’s qui pay’nt les marmites !
C’est rien bath aux Arts Libéraux,


Quand i’s ont vu que l’thermomètre
Était à quinze au-d’ssous d’zéro,
I’s s’sont dit : « On va leur z-y mettre
Un’ soup’ dans l’ventre et un bras’ro
Oùs qu’i’s pourront s’sécher les fesses
Et s’réchaufter les pectoraux. »
C’est bath : … mais ça manque d’gonzesses.
Yen a pas aux Arts Libéraux.

Mais faut pas chiner la boutique.
Nom de Dieu ! c’est vraiment chouetto !
On peut dir’ que la République
Est un gouvernement costeau.
Dame, au lieur ed’ passer la sorgue
À m’chauffer l’cul aux soupiraux,
Mézigo va bâcher son orgue :
Ej’ demeure aux Arts Libéraux.