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De l’Homme/Section 10/Chapitre 5

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SECTION X
Œuvres complètes d’Helvétius, De l’HommeP. Didottome 12 (p. 91-93).
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CHAPITRE V.

Dans quel moment et quelle position l’homme est susceptible d’une éducation morale.

En qualité d’animal, l’homme éprouve des besoins physiques. Ces divers besoins sont autant de génies tutélaires créés par la nature pour conserver son corps, pour éclairer son esprit. C’est du chaud, du froid, de la soif, de la faim, qu’il apprend à courber l’arc, à décocher la fleche, à tendre le filet, à se couvrir de peaux, à construire des huttes, etc. Tant que les individus épars dans les forêts continuent de les habiter, il n’est point pour eux d’éducation morale. Les vertus de l’homme policé sont l’amour de la justice et de la patrie : celles de l’homme sauvage sont la force et l’adresse ; ses besoins sont ses seuls instituteurs, ce sont les seuls conservateurs de l’espece, et cette conservation semble être le seul vœu de la nature.

Lorsque les hommes, multipliés, sont réunis en société, lorsque la disette des vivres les force de cultiver la terre, ils font entre eux des conventions, et l’étude de ces conventions donne naissance à la science de l’éducation. Son objet est d’inspirer aux hommes l’amour des lois et des vertus sociales. Plus l’éducation est parfaite, plus les peuples sont heureux. Sur quoi j’observerai que les progrès de cette science, comme ceux de la législation, sont toujours proportionnés aux progrès de la raison humaine perfectionnée par l’expérience ; expérience qui suppose toujours la réunion des hommes en société. Alors on peut les considérer sous deux aspects ; 1°. comme citoyens ; 2°. comme citoyens de telle ou telle profession. En ces deux qualités ils reçoivent deux sortes d’instructions. La plus perfectionnée est la derniere. J’aurai peu de chose à dire à ce sujet ; et c’est la raison pour laquelle j’en ferai le premier objet de mon examen.