De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/29
SEigneur, soyez beni éternellement, pour avoir permis que cette tentarion, & que cette affliction me soit arrivée !
Dans l’impuissance de m’en délivrer, j’implore votre secours, je vous conjure d’en faire l’occasion de mon salut.
Je souffre, ô mon Dieu, & mon ame accablée d’ennui, ne sçait plus ce que c’est que joye.
Que vous dirai-je, mon aimable Pere, que vous dirai-je dans l’abbatement extrême où je suis : Voici pour moi un tems de trouble & de souffrance, hâtez-vous de me secourir.[1]
Mais ce tems fâcheux n’est venu, qu’afin que vous en tiriez vôtre gloire, en me relevant, aprés m’avoir humilié.
Seigneur qu’il vous plaise de m’assister[2] ; car étant dénué de tout, que puis-je faire, & où puis-je aller sans vous ?
Encore cette fois-ci, ô mon Dieu, donnez-moi de la patience : secourez-moi, & nul accident ne m’étonnera.
Mais enfin, que vous dirai-je dans le fort de ma douleur ? je ne vous puis dire autre chose, sinon : Que vótre volonté s’accomplisse en moi ![3] je n’ai que trop mérité les peines que vous m’envoyez.
Il faut que je souffre tout ; heureux si je le souffre avec patience, en attendant que l’orage cesse, & que le calme revienne.
Mais vous êtes Tout-puissant : vous pouvez me délivrer de cette affliction, ou me l’adoucir, & me la rendre supportable, comme vous avez fait beaucoup d’autres, ô mon Dieu, ô ma misericorde[4], ô tout mon bonheur.
Si j’ai de la peine à souffrir, il vous est aisé de me soulager, & de convertir tout d’un coup ma tristesse en joye.