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De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 4/13

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Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 340-343).


CHAPITRE XIII.
Que ce qu’on doit desirer le plus dans ce Sacrement, c’est de s’unir avec Jesus-Christ.
Le Disciple.

QUi me procurera le bien de vous trouver seul, ô mon Dieu, afin que je vous ouvre mon cœur ; que je joüisse librement de vous, comme mon ame le désire, que personne ne me méprise désormais ; & qu’aucune créature n’aie de commerce avec moi ; mais que vous seul me parliez, que je vous parle seul à seul, comme un ami s’entretient à table avec son ami ?

L’unique chose que je vous demande, & que je souhaite maintenant, c’est de m’unir intimément avec vous ; c’est de détacher mon cœur de toutes les choses créées ; c’est de m’apprendre à goûter de plus en plus les choses celestes & éternelles, & que je puisse me rendre digne de cette grace en communiant, & en vous offrant souvent le sacrifice de la Messe.

O mon Seigneur, quand serai-je entierement transformé, & comme absorbé en vous ? quand m’oublierai-je tout-à-fait moi-même, pour ne plus penser qu’à vous ?

Soyez en moi, afin que je sois en vous, & que de vous & de moi il ne se fasse qu’un même esprit.

Vous êtes véritablement mon bien-aimé, choisi entre mille[1], & c’est en vous que je veux me reposer, tant que je vivrai.

Vous êtes Roi pacifique, vous portez la paix & la joye par tout ; & hors de vous, il n’y a que peine, que douleur, que toutes sortes de maux.

Vous êtes un Dieu caché ; vous ne vous communiquez point aux impies ; tout vôtre entretien est avec les simples & avec les humbles[2].

O que vôtre esprit est doux[3], qu’il est aimable, Seigneur, qui pour faire voir la tendresse de vôtre amour envers vos enfans, les nourrissez d’un pain delicieux, et qui vient du Ciel ![4]

Certainement il n’est point de peuple, dont les Dieux soient aussi proches de lui, que vous l’êtes de vos Fidèles[5], puisque pour leur consolation, & pour attirer leurs cœurs au Ciel, vous voulez être vous même leur Pain quotidien.

Quelle Nation y a-t-il au monde, qui soit comparable au peuple Chrétien ? quelle créature sous le Ciel est aussi chérie de Dieu qu’une ame sainte, que Dieu même daigne visiter, & nourrir de sa chair glorieuse ?

O faveur inconcevable ! ô bonté immense ! ô amour infini de Dieu envers l’homme !

Mais quel présent ferai-je au Seigneur, en reconnoissance d’un si grand bienfait, d’une si excessive charité ?

Je n’ai rien à lui offrir qui lui soit plus agréable que ce cœur, que je lui donne tout entier, afin qu’il l’unisse très étroitement au sien.

Toutes les puissances de mon ame tressailliront d’allégresse, quand elle sera parfaitement unie à son Dieu.

Alors ce Dieu d’amour me dira : si vous voulez être avec moi, je veux bien être avec vous ; & incontinent je lui repondrai : Seigneur, ayez la bonté de demeurer avec moi ; car je n’ai point de plus grande joye que de demeurer avec vous.

Je ne désire autre chose que d’être inséparablement attaché à vous.

  1. Cant. 5. 10.
  2. Isaie 45. 15. ; Job. 21. 16.
  3. Prov. 3. 32.
  4. Antiph. Eccl.
  5. Deut. 4. 7.