Aller au contenu

De la Chasse (Trad. Talbot)/04

La bibliothèque libre.
De la Chasse (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
De la ChasseHachetteTome 1 (p. 377-379).


CHAPITRE IV.


Du bon chien de chasse, et comment on le mène aux champs.


D’abord les chiens de chasse doivent être grands, puis avoir la tête déliée, camuse, nerveuse ; le chanfrein membraneux ; les yeux saillants, noirs, vifs ; le front large et divisé par un enfoncement ; les oreilles petites, minces, glabres dans la partie postérieure ; le cou allongé, souple, rond ; la poitrine large, bien en chair ; les omoplates un peu détachées des épaules ; les jambes de devant basses, droites, arrondies, fermes ; les coudes droits ; les côtes très-épaisses et s’avançant un peu obliquement en dehors ; les reins charnus, ni trop longs, ni trop courts ; les flancs ni trop mous, ni trop durs, d’une grandeur moyenne ; les hanches arrondies, charnues en arrière, espacées par le haut et rapprochées à l’intérieur ; le bas du ventre et même tout le ventre plat ; la queue longue, droite, pointue ; le gros de la cuisse ferme, et le reste allongé, arrondi, épais ; les jambes de derrière beaucoup plus hautes que celles de devant, et sèches ; les pieds arrondis[1].

Des chiens avec cet extérieur seront vigoureux, légers, bien faits, vites, d’un air gai, gueulant bien la bête. Quand ils quêtent, ils doivent quitter promptement les battues ; le nez à ras de terre, riant sur la trace, l’oreille basse, tournant vivement les yeux, remuant la queue, prenant de grands cernes, pour arriver tous ensemble, par les erres, au fort du gibier.

Dès qu’ils seront autour du lièvre même, ils en avertiront le chasseur, en courant avec plus de vitesse, en manifestant leur ardeur par les mouvements de leur tête, de leurs yeux, les changements d’attitude, leurs regards jetés au-dessus ou au dessous du gîte, leurs bonds en avant, en arrière, de côté, l’exaltation de leur esprit, et leur transports d’être près du lièvre. Qu’ils poursuivent vigoureusement, sans rompre, avec force aboiements et hurlements, franchissant tout après le lièvre : qu’ils le serrent d’une prompte et brillante menée, le suivant dans le change, et n’aboyant qu’à propos ; qu’ils ne reviennent jamais vers le chasseur, en abandonnant la trace.

Outre ces qualités de complexion et d’entreprise, qu’ils aient du cœur, des jambes, du nez, un beau poil. Ds auront du cœur, s’ils ne reviennent point quand le temps se porte chaud ; du nez, s’ils éventent le lièvre dans des terrains nus, secs, exposés au soleil, cet astre d’aplomb ; des jambes, si elles ne se fendent point sous le midi en gravissant les montées ; beau poil, s’il est fin, épais, soyeux.

Pour la couleur, ils ne doivent être tout à fait ni roux, ni noirs, ni blancs : autrement ils ne seraient point de bonne lignée, mais vulgaires et sauvages. Que les roux aient donc des poils blancs qui fleurissent aux environs du front, les noirs également, et les blancs, des poils roux : au haut des cuisses du poil noir, épais, de même qu’aux reins et à la queue vers le bas, mais plus courts vers le haut[2].

Mieux vaut mener les chiens dans les cantons montueux que sur les terres labourées : vu qu’il est facile de quêter sur les terrains montants et d’y courir sans obstacle, ce qui est impossible sur les terres labourées, à cause des sillons. Il est bon aussi de mener les chiens dans des endroits âpres et sans lièvre : c’est un moyen de leur faire le pied, et ils y gagnent en s’y trempant le corps par la fatigue. En été, on fait courir les chiens jusqu’à midi ; en hiver, dans la journée ; en automne, l’après-midi ; au printemps, vers le soir : ce sont là, en effet, les heures de température modérée.



  1. Cf. Du Fouilloux : « Les signes par lesquels on pevt cognoistre un bon et beau chien. Il faut qu’un chien pour estre beau et bon, ait les signes qui s’ensuiuent : premièrement ie commenceray à la teste, laquelle doit estre de moyenne grosseur, et est plus à estimer quand elle est longue que camuse. Les nazeaux doiuent estre gros et ouuerts, les oreilles larges et de moyenne espaisseur, les reins courbez, le rable gros, les hanches aussi grosses et larges : la cuisse troussée, et le jarret droit bien herpé, la queue grosse près des reins, et le reste gresle iusques au bout ; le poil de dessous le ventre rude, la iambe grosse, la partie du pied seiche et en forme de celle d’un regnard, les ongles gros. Et deuez entendre qu’on ne void gueres de chiens retroussez, ayans le derrière plus haut que le deuant, estre vistes ; le masle doit estre court et courbé, et la lyce longue. Or pour vous déclarer la signification des signes, il est a sçauoir que les nazeaux ouuerts signifient le chien de haut nez. Les reins courbez et le iaret droit signifient la vitesse. La queue grosse près des reins, longue et desliee au bout signifie bonne force aux reins et que le chien est de longue haleine. Le poil rude au dessous du ventre denote qu’il est pénible, ne craignant point les eaux ne le froid. La iambe grosse, le pied de regnard et les ongles gros demonstrent qu’il n’a point les pieds foibles, et qu’il est fort sur les membres pour courir longuement sans s’agrauer. »
  2. Cf. les passages suivants de Du Fouilloux : « Des chiens blancs, dicts baux et surnommez greffiers. Tels chiens sont dediez pour les Roys, desquels ils se doiuent seruir, d’autant qu’ils sont beaux chasseurs, requerans, forcenans, et de haut nez, qui ne laissent pour chaleur qui puisse estre à chasser, sans se rompre a la foule des piqueurs, ny au bruit et au cry des hommes, qui sont continuellement avec les Princes, et gardent mieux le change que nulle des autres espèces de chiens, et sont de meitleure créance : toutefois ils veulent estre accompagnez de piqueurs et craignent vn peu l’eau, principalemant en hyuer, quand le temps se porte froid. Ie ne veux oublier à donner à entendre lesquels chiens de ceste race se trouuent les meilleurs, parce qu’eu vne laictee, il ne s’en trouve pas la moitié de bons. Il faut sçavoir que ceux qui sont naissant tout d’vne pièce, comme ceux qui sont tout blancs, sont les meilleurs, et pareillement ceux qui sont marquez de rouge ; les autres qui sont marquetez de noir et de gris salle, tirant sur le bureau, sont de peu de valeur, dont y en a aucuns sujets à auoir les pieds gras et tendus. — Des chiens fauves et de leur naturel. Ces chiens fauves sont de grand cœur, d’entreprise et de haut nez, gardans bien le change : et sont presque de la complexion des blancs, excepté qu’ils n’endurent pas si bien les chaleurs, ny la foule des piqueurs ; mais ils sont plus vistes, communs et plus ardants. Et si d’auenture, il aduient qu’vne beste se forpaisse par les campagnes, ils ne la cuident pas abandonner. Leur complexion est forte, car ils ne craignent ne les eaux, ne le froid, et courent seurement et de grande hardiesse. Ils sont beaux chasseurs, aymans communément le cerf sur toutes les autres bestes, et sont plus opiniastres et malaisez a dresser que les blancs, et de plus grande peine et travail. Les meilleurs qui sortent de la race de ces chiens fauues, sont ceux qui ont le poil vif, tirant sur le rouge, et qui ont vne tache blanche au front et au col, pareillement ceux qui sont tous fauues ; mais ceux qui tirent sur le iaune, estans marquetez de gris ou de noir, ne valent gueres. Ceux qui sont retroussez et hericotez sont bons à faire des limiers. Et y en a quelques uns, ayans la queue espiee, qui se trouuent bons et vistes. — De la complexion et nature des chiens gris. Ils sont chiens ardans et de grand cœur, qui se mettent hors d’haleine au cry et bruit des hommes ; aussi qu’ils craignent les chaleurs, et n’ayant pas une beste qui ruse et tournoyé : mais si elle tire pays, il est impossible de voir courir de plus vistes et meilleurs chiens : combien qu’ils soient opiniastres, de mauvaise creance, et suiets à prendre le change, à cause de l’ardeur et folie qu’ils ont, et des grands cernes qu’ils prennent en leur défaut. Et surtout veulent cognoistre leur maistre et principalement sa voix et sa trompe, et feront pour luy quelque chose plus que pour tous les autres. Ils ont vne malice entr’eux, qu’ils cognoissent bien à la voix de leurs compagnons, s’ils sont leurs ou non, car s’ils sont menteurs, ils n’iront pas volontiers avec eux. Ils sont chiens de grand’peine, ne craignans le froid ne les eaux : et s’ils sentent une beste mal menée, et qu’elle se laisse approcher vne fois, ils ne l’abandonneront iamais qu’elle ne soit morte. — Des chiens noirs. Ils sont puissants en corsage : toutes fois ils ont les iambes basses et courtes : aussi ne sont-ils pas vistes, combien qu’ils soient de haut nez, chassans de forlonge, ne craignans ne les eaux ne les froidures, et desirent plus les bestes puantes, comme sangliers, regnards, et leurs semblables ou autres : parce qu’ils ne se sentent pas le cœur ni la vitesse pour courir et prendre les bestes légères. »