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De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 26

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Chez Antoine Vitté (p. 341-354).

Chapitre 26


des paroles de l’escriture qui nous invitent à la sainte communion.

comme toute erreur tient quelque chose de l’heresie ; et que pour l’ordinaire les heresies ne font qu’achever ce que les simples erreurs ont commencé avant elles ; il est bien difficile, que le procedé des enfans mesmes de l’eglise, lors qu’ils attaquent sa doctrine, ou en ce qui regarde la solidité de la foy, ou en ce qui concerne la pureté des mœurs, ne soit semblable en quelque sorte à celuy des heretiques.

Vous nous en faites voir un parfait exemple en vostre maniere d’agir. Car tout de mesme que les heretiques nous accusent de condemner le mariage ; parce que l’eglise suivant la tradition des apostres, ne le permet pas aux prestres, ny à ceux que les liens indissolubles d’un vœu sacré ont attaché pour jamais à une vie plus pure et plus excellente : ainsi vous accusez des gens de bien de condemner la frequente communion, et d’en destourner les ames ; parce qu’ils ne peuvent souffrir, avec tous les peres, que l’on abuse indignement de la participation de ces saints mysteres : que l’on donne à tant de personnes la presomption de communier souvent, lors qu’on les devroit separer pour long-temps du s. Autel, selon l’esprit de l’eglise : que l’on fasse croistre la hardiesse, ou pour mieux dire l’impudence, à proportion que l’on se recognoist davantage dénué de graces : que l’on pousse à s’approcher souvent d’un mystere, où Dieu respand toutes les richesses de son amour envers les hommes, ceux qui sont remplis d’amour d’eux-mesmes, et horriblement attachez au monde : et enfin que l’on abandonne sans aucune discretion le pain des enfans à ces bestes horribles aux yeux de Dieu, qui retournent à toutes rencontres à leur premier vomissement .

Et tout de mesme encore que les heretiques s’imaginent nous avoir convaincu d’erreur, en persuadant aux simples, que nous sommes ces faux prophetes, qui selon la prediction de Saint Paul, devoient empescher les hommes de se marier ; et en citant beaucoup de lieux de l’escriture à la recommandation du mariage. Ainsi vous pensez avoir suffisamment destruit l’impieté pretenduë de ceux qui n’approuvent pas toutes vos maximes, en rapportant d’une assez mauvaise maniere quelques lieux de l’evangile, où Jesus-Christ nous invite à demeurer en luy par le moyen de l’eucharistie.

Mais comme vous imitez parfaitement les artifices des ennemis de l’eglise : nous n’avons qu’à emprunter les mesmes armes, dont elle se sert pour destruire tous ces phantosmes. Comme donc lors que les heretiques nous opposent ce que Saint Paul dit, (...).

Ainsi nous n’avons besoin que de semblables responses à de semblables argumens. Et qu’à opposer les veritables interpretations des peres, aux fausses consequences que vous voulez tirer de quelques paroles de l’escriture que vous entendez fort mal.

Vous voulez donner la hardiesse à toute sorte de personnes d’approcher souvent de l’eucharistie par les douces invitations du fils de Dieu : mais S Jean Chrysostome et S Ambroise vous respondront, (...).

Elle l’est veritablement ; mais tous les saints interpretes de l’escriture vous apprendront, qu’elle ne contient autre chose, qu’une vocation generalle à la grace de l’evangile. Qu’elle s’addresse à tous ceux, qui sont accablez sous la pesanteur de leurs pechez, lesquels le prophete Zacharie (comme Saint Hierosme remarque sur cét endroit de l’evangile) appelle un talent de plomb : que le prophete roy dit, s’estre appesantis sur luy, comme un fardeau insupportable ; et qui rendent, selon Job, et selon David, l’homme pesant à soy mesme . Ce qui a fait que les peres ont remarqué que Jesus-Christ designe par ces paroles les deux peuples qu’il a reünis par son sang ; et dont il a basty les deux murailles qui composent l’edifice eternel de son eglise. (...). Vous voyez donc, que ces paroles regardent principalement les infidelles, les impies, et les pecheurs ; et qu’ainsi elles ne les peuvent inviter à la sainte communion, qu’ils n’ayent au moins auparavant accomply ce que Dieu leur prescrit en ce mesme endroit, de porter son joug ; qui n’est autre chose, selon Saint Augustin, (...).

venenmn fiiitluàx ì & ramcn accepit, & cùmac-Gcpirin eùm inimicus intrauit, non quia malum accepir,íecl quia * bonú malc malus acccpit, Videtc crgo ſratres, pancm ccelestem ſpiritaliter nianducate, innocenti áad aitare portare. Hoc est crgo manducare illam eícam, & illum bibercpotum , in Christo mancre, &iilum mancnté inſe habcre. Ac pcr hoc qui non manetin Christo, Sc in quo non nitnct Christus , proculdubiò, ncc manducatſpiritalirerpanem cius, ncc bibir eius ſanguincm ^icet carxialrter & viíìbilitc :

premar dentibas 

Sacramentum Corporis & ſanguinisChristi : ſed magis tantíe iciSacramentum adiudicium ſibi manducat & bibit, quia immundus príeſumpíìt adChristi accede* xe Sacramenta, quaaliqnis non digne ſumit, nisi qui mundusest, de quibus dicitur. Bcati rnundo corde , quoniam ipsi Deum videbunt ? Aug. in C cap. SLnang. B. loaïj’ H4 DE L A F R E CQV E N T E ce qui fe donne às Autel, y ne laisentpas de mourìr^ y me urent, parce quils le reçoiucnt. Que le morceau que nostre Seigneur preſenta d Iudas, luyſutdupoìſon parce questant mefcbant, il rereut malvne bonne chojè. Quſlſaut mangcr stiritueìlement le Pain celcste, y apponcrïmnoccnce auſaint Autel. Que le Sauucur ayant dit , celuy qui mange ma ch.air, y boit mon fang demeure en moy, y mqy en luy, cest mangcr cette Chair, yboireceSang, que de àemcurer en Iesv^s-Christ : y ïauoir demeurant enſoy ; Qùainſi celuy qui ne demeure point en I e s v s-C h R i s t , y en qui Ies vs-Christ ne demeure point, ne mange point ſirituellement cette Qhairyiy ne boit ccSang,encor que charnellement, y Vistblementil prejſe des dents le Sacrement du Corps y du Sang de I e s v s-C h R i£t , mais qu’il reçoit ce Sacrementpourſa condamnaûonparce questant impurilaeula preſomption d.’approcher des Myfleres de Iesvs-Christ , dont perfonne ríapproche dignement, que celuy qui estpur, y du nombre de ceux dont il est ditEien- heureuxſont ceux. qui ont le cœur pur , y net,parce quils verront Dieu. V ous pourſuiucz^«í>ſinous voulons ^wIesvs-C H r i s t demeure en nous, ilſaut mangerce Pain, C’est la plus grande verité que vous ſçauriez dire : mais ſaint Bernard ourAutheur du Liure de la Maniere de bien viure, l’accompagnera d’vne autre , quil ſaut demeurer en IE s v s -C H R i s t par la foy, y par les bonnes auures

C’est veritablement une conjecture, dont toute la loüange vous est deuë, et qui n’estoit point encore entrée dans l’esprit d’aucun interprete de l’evangile. Car tous les peres ont bien reconnu dans ces paroles de Jesus-Christ les richesses inestimables de son amour envers les hommes ; cette ineffable invention de nous faire vivre de son esprit et de sa divinité, nous unissant à sa chair spirituelle et divine ; cette bonté infinie par laquelle il a voulu prevenir en quelque sorte nostre eternelle felicité, en nous nourrissant dés ce monde des mesmes viandes dont il nourrit les bien-heureux dans le ciel. Ils y ont bien aussi remarqué l’obligation que nous avions de participer à ces saints mysteres ; la necessité d’avoir recours à la source de la vie pour pouvoir vivre ; et en fin le besoin que nos corps mortels ont de cette immortelle semence, pour estre à jamais preservez de la mort et de la corruption. Mais ils sont si esloignez de s’imaginer que la grandeur et la vertu de ces mysteres nous deussent oster la crainte de nous en approcher sans une grande preparation ; que c’est de là mesme qu’ils ont conclu, qu’il ne falloit se presenter qu’avec horreur et avec tremblement, à une table, que les anges ne regardent qu’avec une frayeur respectueuse : qu’ils ont conceu une si grande reverence de ces mysteres, que l’eglise les a tousjours appellez les mysteres redoutables : qu’ils ont jugé, que la pureté de ceux qui participent à ce sacrifice devoit avoir quelque rapport à la pureté de la victime : que les choses saintes n’appartenoient qu’aux saints, selon cette parole de toutes leurs liturgies, sancta sanctis, les choses saintes sont pour les saints : que les lasches et les paresseux ne devoient point approcher de cette nourriture divine ; mais que tous ceux qui en approchent, devoient estre embrasez d’ardeur et de zele : et en fin que de tous ceux qui communient, soit souvent, soit rarement, ceux-là seuls estoient dignes de loüange, qui le faisoient avec une conscience sincere, un cœur pur, et une vie irreprochable.

C’est ainsi que Saint Chrysostome, lequel on peut appeller avec raison le docteur de l’eucharistie, comme ayant esté destiné particulierement du ciel, pour expliquer autant que les paroles des hommes en sont capables, les ineffables grandeurs de cét auguste mystere, et confondre par mesme moyen les impietez que l’heresie pourroit enfanter, et tous les abus que l’ignorance, ou la malice voudroient introduire dans l’eglise ; c’est ainsi, dis-je, que ce grand saint, apres avoir admiré la bonté infinie de Jesus-Christ, (...).

Et sur le mesme chapitre de l’evangile de S Jean, lequel vous croyez n’avoir esté fait que pour l’establissement de vostre mauvaise doctrine, apres avoir relevé en des termes magnifiques les effets admirables du saint sacrement, apres nous avoir asseurez, (...). Enfin apres avoir espuisé tout son esprit, et toute son eloquence à expliquer la grandeur et la vertu de ce mystere ; escoutez, je vous prie, si la conclusion qu’il en tire a quelque rapport à la vostre ; (...) ?

Concluons donc avec tous les peres, que comme les paroles de Jesus-Christ nous obligent de rechercher dans la reception de son corps la nourriture de nos ames ; elles nous obligent aussi en mesme temps, à nous mettre dans les dispositions requises pour une action si sainte ; et qu’ainsi de la mesme sorte, qu’elles serviront d’arrest contre tous ceux, qui par negligence ne se seront point mis en peine de recevoir les effets de cette viande divine, elles condemneront encore davantage ceux, qui animez de la presomption que vous leur voulez inspirer, auront eu la hardiesse de se presenter à cette table sacrée, avant que de s’en rendre dignes par la bonne vie, et par les bonnes œuvres.

C’est pourquoy tout ce que je puis faire en cét endroit pour preserver les ames de l’un et de l’autre de ces dangers, c’est de prier Dieu qu’il luy plaise graver dans tous les cœurs ces paroles de Saint Bernard. (...).