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De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 3

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Chez Antoine Vitté (p. 239-245).

Chapitre 3


de la frequente communion, dont il est parlé dans les actes des apostres.

response. Si vous aviez entrepris de confirmer ce que je viens de dire, vous n’en pouviez apporter une preuve plus evidente. Les apostres ont estably la communion ordinaire entre les fidelles : mais entre quels fidelles ? Entre ceux que le baptesme venoit de despoüiller du vieil homme avec toutes ses actions, et revestir du nouveau ; à qui l’imposition de leurs mains venoit de conferer la plenitude de l’esprit sainct ; dont la foy operoit tous les jours une infinité de miracles ; dont l’esperance les eslevant desja dans le ciel, leur faisoit fouler aux pieds toutes les richesses de la terre ; dont la charité, qui est le comble de la perfection chrestienne, estoit si parfaicte, qu’ils ne faisoient tous ensemble qu’un cœur et qu’une ame : enfin entre ceux, que l’eglise a tousjours considerez, comme le modelle le plus accomply de la saincteté du christianisme, et de toutes les religions. Examinez, je vous prie, la solidité de vos raisonnemens. Les premiers fidelles tout bruslans encore de ce feu, que Jesus-Christ venoit d’envoyer du ciel, pour embraser les cœurs des hommes, participoient souvent à l’eucharistie : donc quelque tiedeur, et quelque indevotion que l’on ressente , sans peser, si c’est un effect de nostre foiblesse, où une suitte de nostre mauvaise vie, on doit faire la mesme chose sans aucune crainte ; c’est vostre doctrine. Ceux que le sang de Jesus-Christ encore tout boüillant venoit de remplir de son saint amour, s’approchoient souvent des autels : donc ceux qui sont remplis de l’amour d’eux-mesmes, font tres-bien de communier souvent ; c’est vostre conduite. Ceux qui se trouvoient si destachez de toutes les choses du monde, qu’ils portoient avec joye tous leurs biens aux pieds des apostres, recherchoient souvent dans l’eucharistie de s’unir à Jesus-Christ : donc ceux-là luy font grand honneur, de faire la mesme chose, qui sont si attachez au monde que de merveille ; ce sont vos termes, et vos conseils. Ceux qui venoient de recevoir la grace avec abondance, se nourrissoient souvent de ce pain des forts : donc plus on se trouve denué de grace, plus on se doit hardiment approcher de l’eucharistie ; ce sont vos propres paroles. Par quelles regles du raisonnement pourroit-on tirer ces conclusions de ces principes ? Mais pour considerer la parole de Dieu, avec un peu plus d’attention que vous n’avez fait ; je trouve que ce mesme endroict des actes des apostres, nous fournit deux considerations extremément remarquables. La premiere, c’est que l’escriture nous declare deux choses de ces premiers chrestiens ; l’une, qu’ils perseveroient en la doctrine des apostres, et l’autre, qu’ils perseveroient en la sainte communion ; où la seconde est une suitte de la premiere. ils perseveroient, dit l’escriture, en la doctrine des apostres, et en la communion de la fraction du pain. ne craignez vous point de commettre un sacrilege en renversant l’ordre estably par le Saint Esprit, en faisant marcher, comme vous faites tousjours en cét escrit, la perseverance en la communion, avant la perseverance en la doctrine des apostres ; au lieu que la perseverance en la doctrine des apostres, c’est à dire l’observation des regles divines qu’ils avoient apprises de Jesus-Christ, et qu’il leur avoit commandé d’enseigner aux autres, precede selon l’escriture la perseverance dans la participation de l’eucharistie. La seconde remarque, qui vous monstrera bien evidemment, quelle pureté l’on doit avoir pour se presenter à la table du seigneur ; c’est qu’au lieu que dans ce second chapitre il est expressément dit des nouveaux convertis, qu’ils perseveroient en la doctrine des apostres, et en la sainte communion : dans le premier, où l’escriture descrit particulierement, ce que faisoient ces six vingts personnes, qui depuis l’ascension de Jesus-Christ attendoient dans Jerusalem les effects de sa promesse ; il n’en est dit autre chose, sinon qu’ils perseveroient en prieres, sans y adjouster un seul mot de l’eucharistie ; d’où l’on peut aysément conclurre, que les apostres, apres avoir receu depuis la resurrection tant de graces de leur maistre ; apres avoir receu le Saint Esprit par le souffle mesme de sa bouche ; apres avoir receu de luy le commandement de prescher par tout sa doctrine, et la puissance de la confirmer par toutes sortes de miracles, ne se creurent pas neantmoins encore assez bien disposez pour se nourrir de ce pain du ciel ; et voulurent attendre la plenitude du Saint Esprit, pour celebrer plus dignement ces redoutables mysteres. Ce qui monstre l’ordre dans lequel l’eucharistie doit estre receuë selon son vray usage : et l’on peut croire avec raison que c’est pour cette cause que l’eglise, conduite par son espoux, a fait celebrer la feste du saint sacrement immediatement apres celle de la pentecoste ; afin d’apprendre à ses enfans, que la premiere est une preparation à la seconde ; et qu’il faut que le Saint Esprit descende sur les hommes, pour les rendre capables de s’approcher de cette viande sainte, afin que le mesme esprit qui a preparé la Sainte Vierge par la plenitude de ses graces, pour former dans elle le corps mortel du fils de Dieu, prepare encore et purifie par ses lumieres les ames des chrestiens pour recevoir ce mesme corps du fils de Dieu ; mais impassible, immortel, et glorieux, selon ce que les peres enseignent, que le saint sacrement est une suitte et une estenduë de l’incarnation, extensio incarnationis . Et cette consideration de l’eglise est si solide, et si veritable, que lors que le fils de Dieu communia les deux disciples d’Emaüs, qui est la seule communion qui ait esté faite avant la descente du Saint Esprit, l’evangile fait voir expressément par leurs propres paroles, qu’il leur avoit auparavant remply le cœur du feu divin, ainsi qu’ils le tesmoignent eux-mesmes, en s’escriant comme dans un transport de la grace qu’ils avoient receuë ; nonne cor nostrum ardens erat in nobis ? nostre cœur n’estoit-il pas tout bruslant dans nous ? De sorte qu’ainsi qu’il avança pour eux la distribution de son corps, il avança de mesme l’effusion de son esprit, il leur donna des dispositions extraordinaires, comme il les communia en un temps extraordinaire ; pour tracer en eux une image de ce qui devoit arriver à tous les fidelles apres la descente du Saint Esprit, comme il a figuré en une infinité de manieres dans l’evangile ce qui devoit arriver à toute l’eglise.