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De la fréquente Communion.../Partie 2, Chapitre 1

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Chez Antoine Vitté (p. 441-445).

Seconde Partie

Où est traittée cette question, s’il est meilleur et plus utile aux ames, qui se sentent coupables de pechez mortels, de communier aussi-tost qu’elles se sont confessées ; ou de prendre quelque temps pour se purifier par les exercices de la penitence, avant que de se presenter au saint autel.


Chapitre Premier.

la question est proposée, et divisée en trois poincts.

je ne sçay quel esprit vous pousse à declarer si ouvertement une si grande aversion de la penitence. Mais j’ay bien de la peine à croire, que tous ceux, qui font sincerement profession de la pieté chrestienne, soient si peu zelez pour sa defense, que de souffrir sans emotion, que vous taschiez d’en renverser l’un des principaux fondemens, et que vous parliez avec autant de chaleur contre ceux, qui par une grace particuliere de Dieu, pensans serieusement à se relever de leurs cheutes, et à se guerir de leurs blessures, voudroient prendre quelques jours , et si ce n’est assez quelques mois, pour faire penitence avant que de communier, que s’il s’agissoit de deraciner l’un des plus grands abus de ce siecle. Que si je ne me sentois emeü à apporter plûtost quelque éclaircissement à la verité, qu’à parler contre vos excez, n’aurois-je pas raison de vous reprocher en cét endroit le tort extréme que vous faites à l’eglise, en voulant persuader, que ce que la foy nous propose comme l’unique ressource des pecheurs apres leur cheute, comme la seconde table apres le naufrage, comme le seul moyen d’appaiser la cholere d’un dieu irrité, comme la joye du ciel, et la consolation de la terre, est tellement aboli dans le cœur des chrestiens, que ses plus saints exercices peuvent passer aujourdhuy pour des actions criminelles ? Mais pour ne sortir point des bornes, que je me suis moy-mesme prescrittes, et demesler avec quelque ordre ce que vous proposez avec tant de confusion, s’agissant icy de sçavoir s’il est meilleur et plus profitable aux ames qui se sentent coupables des pechez mortels, de communier aussi-tost qu’elles se sont confessées, ou de choisir quelque temps pour se purifier par les exercices de la penitence avant que de s’approcher du saint autel, je diviseray toute ma response en trois parties. Dans la premiere desquelles j’examineray en peu de paroles toutes les authoritez de l’escriture, des peres, et des conciles, dont vous appuyez vostre sentiment. Dans la seconde je feray voir, si ce n’a jamais esté la pratique de l’eglise de faire penitence plusieurs jours avant que de communier, comme vous le pretendez. Dans la troisiesme je monstreray, quel jugement l’on doit faire de cette temeraire censure, par laquelle vous condemnez de temerité ceux qui en ce temps, selon le langage des canons, honorent la penitence, et s’efforcent de fléchir la misericorde de Dieu par la mortification de leur chair, et l’exercice des bonnes œuvres, avant que de prendre la hardiesse d’approcher du sanctuaire. Et parce qu’il paroist manifestement par l’aigreur que vous tesmoignez en cét article, que ce qui doit plus edifier tous les fidelles est ce qui vous donne plus de scandale, et que vous n’avez pas moins entrepris de détourner les hommes de la penitence, que de les pousser indiscrettement à la sainte communion : je supplie tres-humblement les lecteurs de trouver bon, que je m’arreste icy un peu davantage que je n’ay fait jusques à cette heure, pour maintenir dans une matiere si importante les veritables sentimens de la pieté chrestienne, contre vos fausses opinions.