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Description d’un parler irlandais de Kerry/2-4

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Chapitre IV. Réductions et flottements dans la flexion.


CHAPITRE IV
RÉDUCTIONS ET FLOTTEMENTS DANS LA FLEXION

§ 50. Réduction du nombre des cas.

Nous avons eu l’occasion d’indiquer comment certaines oppositions casuelles tendent à s’effacer, dans divers types de flexion.

Le génitif singulier n’est nulle part menacé ; un tour comme χʷinʹ bʹαn mo ǥrʹəhɑ:r (chun bean mo dhearbhráthar) « vers la femme de mon frère », s’explique par le fait qu’il s’agit d’un véritable composé, dont le premier élément tend à rester invariable.

Le génitif pluriel est solide, dans les pluriels forts ; mʹilʹ vʹαχ (mil mheach) « du miel d’abeilles » ; bʹogɑ:n fokəl (beagán focal) « peu de paroles » ; tʹinʹə χnɑ:v (teine chnámh) « un feu d’ossements », etc. Mais on rencontre sporadiquement des exemples comme : mo:rɑ:n i:αdi: (mórán éadaighe) « beaucoup de vêtements », fαdʹ na mo:rʹhə (faid na mbóithre) « le long des chemins » qui attestent une tendance, même dans le pluriel fort, à étendre le cas direct.

Dans le pluriel faible cette tendance est générale : e kœr kʹeʃtənə ou kʹeʃtən (ag cur ceisteanna, ou ceisteann) « posant des questions » ; χʷidʹ lʹetrʹəχə on lʹetʹrʹəχ (do chuid leitreacha ou leitreach) « tes lettres, ton courrier » ; αhərər buəχəlʹi: (ceathrar buachaillí) « quatre jeunes gens » ; ə gʷinʹə nə gαlʹi:nʹi: (i gcoinne na gcailíní) « à la rencontre des jeunes filles » et voir § 49.

§ 51. La forme de datif singulier, là où elle se distingue du cas direct, est tantôt éliminée, tantôt maintenue, de façon qui varie capricieusement d’un sujet à l’autre, et même chez le même sujet, la tendance générale des jeunes générations étant d’effacer l’opposition cas direct/datif : le même sujet, d’âge moyen, dira, d’une part : bʹi:αrhəd er sgo:rnəgʹ ort (béarfad ar scórnaigh ort) « je te saisirai à la gorge » ; er lɑ:vʹ (ar láimh) « à la main », sə jαləgʹ (insan ghealaigh) « dans la lune » ; et, d’autre part: vʹi: u:ntəs er ən u:nʹʃəχ (bhí iongantas ar an óinseach) « l’idiote était toute surprise » ; mɑr jαul er χlɑun ə ri: (mar gheall ar chlann an rí) « à cause des enfants du roi » ; eg ə mo: (ag an mbó) « à la vache » ; eg ə vʹαn (ag an bhean) « à la femme ».

Le datif pluriel est en passe de tomber en désuétude. Il n’est guère maintenu que dans la langue des récits traditionnels, et dans l’usage de quelques vieillards : tɑ: sgɑtə bʹrʹɑ: də vuevʹ əge (tá scata breágh de bhuaibh aige) « il a un beau troupeau de vaches », ən ɑ:tʹənəvʹ a:rʹəhə (i n‑áiteanaibh áirithe) « en certains endroits » ; mais l’usage commun a généralisé le cas direct : egəsnə bɑ (agesna ba) « aux vaches » ; tɑ:mʹ itʹə egəsnə fʹiəχə (táim ithte agesna fiacha) « je suis mangé de dettes » ; e brɑh er nə ko:rsənʹ (ag brath ar na comharsain) « dépendant des voisins ».

Le datif pluriel, là où il est maintenu, l’étant artificiellement, en général à titre d’archaïsme destiné à donner de la dignité à la langue des contes, il arrive qu’on l’emploie à tort : çi:r sgʹe:vʹi:nʹ ə voltəvʹ (chíor Scéimhín a bhfoltaibh) « Scévine peigna leurs chevelures ».

Trois mots usuels ont normalement la forme de datif pluriel employée comme cas direct : αrəvʹ (fearaibh) « hommes » ; mnɑ:vʹ (mnáibh) « femmes » ; mɑkəvʹ (macaibh) « fils » ; on entend couramment tɑ: nə fʹαrəvʹ eg obərʹ (tá na fearaibh ag obair) « les hommes sont au travail ». On entend aussi nə boχtəvʹ (na bochtaibh) « les pauvres », pour nə boχtə ; un exemple isolé comme gɑunɑ nə muevʹ (gamhna na mbuaibh) « les veaux des vaches », avec la forme dative pour le génitif, appartenant à un mot très irrégulier, n’est guère probant.

§ 52. Flottements entre les types de flexion.

Des cas directs de même forme pouvant correspondre à des cas obliques de formes diverses, et vice versa, il en résulte parfois des flottements entre les types de flexion qui présentent ainsi des points de contact.

C’est ainsi qu’un cas direct masculin en consonne vélaire peut appartenir aux types I, III, V ou, exceptionnellement, au type IX : D’où des cas de flottement comme o:l (ól) « boire », gén. o:lʹ (óil) ou o:ltə (ólta) ; bʹrʹehəv (breitheamh) « juge », gén. bʹrʹehəvʹ ou bʹrʹehu:n ; tɑləv (talamh) « terre », gén. tɑlu:n ou tɑləvʹ.

Un cas direct féminin en ‑ə (‑a) précédé de consonne vélaire peut appartenir au type IX ou au type X, B. D’où,en face de ku:rhə (cómhra) « cercueil », les génitifs ku:rhə et ku:rhən.

Un cas direct féminin terminé par consonne vélaire peut appartenir soit au type III soit au type VIII : d’où les génitifs kluəsə ou klueʃə de kluəs (cluas) « oreille » ; sro:nə ou sro:nʹə de sro:n (srón) « nez » ; gén. fʹiəkələ, mais dat. fʹiəkəlʹ en face de fʹiəkəl (fiacal) « dent ».

Un cas direct féminin terminé en consonne palatale peut appartenir aux types IV, V, VI ou VII : d’où les flottements : su:l (súil) « œil », gén. su:lʹə ou su:lə ; tœlʹ (toil) « volonté », gén. tœlʹə ou tolə ; kαurʹ (cabhair) « secours », gén. kɑurhə ou kɑurəχ ; sbʹe:rʹ (spéir) « ciel », gén. sbʹe:rʹə ou sbʹerʹəχ, tʹi:rʹ (tír) « terre », gén. tʹi:rʹə ou tʹi:rəχ, etc.

Le parler fournirait d’autres exemples de confusions entre les divers types. Il faudrait y ajouter les cas signalés § 36 sq., dus à l’élimination de l’opposition entre datif et cas direct.

§ 53. Quelques flexions anomales.

Singulier Pluriel
Cas dir.
Voc.
dʹrʹiˈfu:r « sœur » dʹrʹiˈfʹe:rʹəχə
Gén. dʹrʹiˈfʹe:r dʹrʹiˈfʹe:r ou semblables
au cas direct
Dat. dʹrʹiˈfi:rʹ dʹrʹiˈfʹe:rʹəχəvʹ

Cas dir.
Voc.
bαn « femme » mnɑ: ou mnɑ:vʹ
Gén. mnɑ: bɑn ou semblables au cas
direct
Dat. mni: ou αn mnɑ:vʹ

Cas dir.
Voc. Gén.
bo: « vache » , bɑh
Dat. bʷinʹ ou bo: buevʹ ou

Cas dir.
Voc.
lɑ: « jour » lè:həntə ou lè:həstə
Gén. lè: lɑ:
Dat. lɑ: lè:həntəvʹ

Cas dir.
Voc.
ku: « lévrier » kʷitʹə
Gén. kon »
Dat. kʷinʹ ou ku: »