En voyage, tome II (Hugo, éd. 1910)/Notes de cette édition/Manuscrits

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Texte établi par G. SimonLibrairie Ollendorff (p. 579-597).
LES MANUSCRITS


DE


FRANCE ET BELGIQUE. — ALPES ET PYRÉNÉES.
VOYAGES ET EXCURSIONS.




Il n’y a pas, à proprement parler, de description du manuscrit pour ce second volume de voyage ; il y a vingt manuscrits épars ; lettres, carnets, feuilles détachées, albums ; tout a été collationné et consulté, mais ces documents disparates ne composent pas un manuscrit.


L’éditeur Urbain Canel, qui devait publier le Fragment d’un voyage aux Alpes, a-t-il égaré le manuscrit de 1825 ? Jusqu’à présent l’original n’a pas été retrouvé, et nous avons dû, pour la collation, nous reporter aux extraits de la Revue de Paris
et de la Revue des Deux-Mondes qui, à deux années de distance, ont donné chacune une partie du récit cité par Mme Victor Hugo dans le tome II de Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie.


La partie : France et Belgique est, sauf quelques notes extraites des Albums, composée de lettres adressées à Mme Victor Hugo ; nous ne croyons pas qu’en 1834 et 1835 Victor Hugo écrivait avec l’intention arrêtée de publier ses voyages. Le papier varie selon l’auberge choisie, ou subie, par Victor Hugo au hasard de la route.

Voici, d’après le petit carnet de poche où Victor Hugo inscrivait ses dépenses, en 1836, la caricature d’un voyageur effaré devant la profondeur d’un précipice.

C’est seulement pendant le voyage de Belgique que les lettres s’enrichissent de croquis, de dessins soulignant et commentant le texte ; nous les avons reproduits au fur et à mesure ; Victor Hugo n’emportait pas encore d’album et dessinait, de mémoire sans doute, en écrivant à sa femme. Quelques dessins séparés sont envoyés aux enfants dans les lettres adressées à leur mère.


La première lettre publiée dans la partie intitulée Alpes et Pyrénées porte le numéro 6 ; les cinq premières ont été publiées par Victor Hugo dans le Rhin.

Outre les lettres à Mme Victor Hugo nous avons, pour l’année 1839, quelques feuillets de notes et deux albums de voyage ; le premier, estampillé à la Bibliothèque nationale sous le chiffre 8, est rempli de notes en tous sens (quelques-unes barrées), de dessins ébauchés, recommencés quelques pages plus loin, de croquis à l’encre ou au crayon.

Des pensées, des vers, le plus souvent étrangers au voyage, sont jetés au hasard de la page ouverte ; des feuilles, des petits bouquets de fleurs sont restés collés à des pages blanches.

Nous avons donné, soit dans le texte, soit dans les illustrations, les principaux dessins et croquis des albums de voyage ; nous en noterons ici les particularités les plus intéressantes.

Dans l’album de 1839, quelques feuillets sont en partie coupés, d’autres arrachés ; sans doute Victor Hugo aura détaché et envové un dessin ; à la troisième page, cette réflexion sur Lyon :


16 octobre : Lyon. — Il est impossible de se figurer dans une situation qui soit plus pittoresque une ville qui le soit moins.


À la fin de l’album cette ligne complémentaire :


Lyon est sous un nœud de nuages.


Une accolade précédée de l’indication ; Comédie, réunit ces quelques vers :

Il m’a, d’un coup de trique,
Fait courir dans les reins un frisson électrique.

L’un jouait de la harpe et l’autre de la flûte.
C’était à faire fuir tous les chiens du quartier.


Au-dessus de ces vers quelques lignes :


Le fléau de la Belgique c’est le marbre bleu, le fléau de l’Alsace c’est le granit rouge. Toute l’architecture officielle en est faite. On rencontre çà et là des péristyles et des colonnades, des douanes, des casernes, des collèges, un tas de temples grecs lie de vin où sont logés les préfets, les octrois, les gendarmes, et qui sont du plus odieux effet. Il y a à Strasbourg un théâtre sang de bœuf qui est une abominable chose.

Cependant, il faut le dire à la louange de ce granit, nu il est hideux ; ouvragé, sculpté, fouillé, il devient beau. Comme il contient beaucoup de fer, il prend avec le temps une teinte oxydée qui donne aux édifices je ne sais quelle apparence robuste et sévère. Le Munster est couleur rouille. Cela mêle dans l’esprit l’idée du fer à celle du granit et ne nuit pas à la rude majesté de la cathédrale.


Puis des pensées :

Ce qui est presque n’est pas.


Japhet a produit les rêveurs et les conquérants ; Sem les bergers, les marchands et les marins ; Cham les brigands et les esclaves.


Dieu a fait l’Asie pour les arbres, l’Afrique pour les tigres, l’Amérique pour l’Europe, l’Europe pour le monde.


Une religion, c’est une lunette pourvoir l’étoile.


Je l’ai répété souvent, la nature est pleine de pensée ou, pour mieux dire, la nature est une pensée. Cherchez le sens des choses, vous comprendrez le but de l’humanité. Réfléchissez sur les aspects de la création, vous trouverez toute une philosophie.


Vivre, c’est regarder devant soi. Du moment où vous commencez à regarder en arrière, vous commencez à mourir. Il n’y a parmi les hommes que deux grandes divisions : ceux qui vivent et ceux qui survivent.


Naples est un lit, Rome est un tombeau.


Il y a un art de jeter dans la conversation des mots qui sont comme des sondes et qui vous font connaître la profondeur des hommes comme on connaît celle de la mer.


Que les fruits tombent, c’est tout simple, mais que l’arbre meure, c’est triste.

Si ce n’était que les édifices, ce ne serait rien ; mais c’est l’architecture qui s’écroule.


Le feuillet 14 est orné de masques grimaçants ; deux surtout sont très réussis :

Après sa visite à Toulon, Victor Hugo fait la description d’un vaisseau de ligne. Tout ce passage est entouré et, en travers, sur l’écriture même, est tracé le nom de Jean Tréjean, titre primitif des Misérables. On retrouve cette description mot pour mot dans la deuxième partie des Misérables, livre II, chapitre ii.

C’est de cet album que sont extraits les deux dessins hors texte, pages 447 et 448, exécutés sur place en allant visiter la prison du Masque de fer.

À la dernière feuille de garde, notes sur Avignon. Elles ont été transcrites et développées sur un feuillet séparé. Nous les avons citées page 226.

Le second album de 1839, inscrit sous le numéro 1, est d’un format plus petit ; la première date est : 19 octobre.

Pas de dessins, on ne voit plus que la trace des pains à cacheter qui fixaient de petits dessins aux feuillets restés vides. Presque tout le texte a été publié dans la partie du voyage : Midi de la France et Bourgogne.


Nous détachons de cet album quelques maximes et quelques pensées :


Un état est perdu quand les honnêtes gens ont tant de lâcheté et les gredins tant de courage.


Noble au dedans, digne au dehors. La dignité est le vêtement de la noblesse.



Qui gloire a guerre a.


L’enthousiasme est la vertu de l’esprit.


Presque toutes les découvertes sont des Amériques. Celui qui les trouve n’est pas celui qui les nomme.


À la page 41, cette ligne au crayon :

Persévérance. Mot très long qui fait de très grandes choses.


L’évêque Myriel, dans la première partie des Misérables, dit textuellement ces phrases :

Je ne suis pas en ce monde pour garder ma vie, mais pour garder les âmes.


C’est peut-être de ce troupeau de loups que je suis le pasteur.


Jamais de précautions contre le prochain. Bornez-vous à prier Dieu, non pour vous-même, mais pour que votre frère ne tombe pas en faute à votre occasion.


Les dernières pages de l’album contiennent quelques notes à peine lisibles sur le château de Fontainebleau.


Pour le voyage de 1843, pas de lettres, sauf celle adressée à Louis Boulanger. Le texte est tout entier dans deux albums de format différent et dans un petit carnet de poche non relié et formé de quelques feuilles volantes bleues et blanches pliées en deux. Les albums, rédigés certainement en vue de la publication, constituent un véritable manuscrit.

Le premier album, inscrit sous le no 7, est paginé par lettres alphabétiques de A à Z, puis l’alphabet terminé, une seconde série commence depuis A² jusqu’à H².

À l’intérieur de la couverture, après l’adresse :

Victor Hugo, 6, place Royale,


le poète a mentionné pour mémoire certaines vérifications à faire :

Vérifier :
Premières lettres
sur l’Espagne
Les anciennes limites du Guipuzcoa.
Si Bagnères a eu l’esprit républicain comme Andorre ?
Si l’on écrit les monts Jaïtzquivel ou Iaitzquivel.
Lettre
sur Pampelune.
Quelles sont les tombes de Brou et de Bruges.
Chercher les détails de la bataille de Tolosa.
Et ce que veut dire la Virgue del Amparo.
Lettre
sur Pasages.

Page Y. Chercher Catius parmi les auteurs latins.
Vérifier Catius spectra.

Puis vient la récapitulation de ce que contient l’album :

table


Ce volume contient :
Des pièces de vers entières : pages A, D, E, F[1].
Des fragments de vers : pages B, G.
Des fragments de prose (pensées et rêveries) : pages H, I.
Maglia : pages C, K.

Le journal du voyage, pages :
A, B, C, D, La Loire et Bordeaux.
O jusqu’à L : Bayonne et les Landes.
L jusqu’à P : Biarritz.
P : Le Chariot à bœufs.
P, Q, R : Saint-Sébastien. (1re lettre. La seconde est à faire avec les matériaux du deuxième album.)
S jusqu’à Y : Pasages. (La lettre n’est pas terminée. La page blanche Z est réservée pour la finir. Sur la page jaune qui suit, il y a des notes au crayon qui sont copiées.)[2]
A2, B2, C2, D2 : Pampelune. (1re lettre. La deuxième est dans le 2e album.)
E2, F2 : Leso. (Guipuzcoa.)
G2, H2 : Un fragment non terminé sur la nécessité des dogmes et des mystères[3].

Çà et là des dessins.

Essentiel : Il y a quatre dossiers :

Pasages. Notes[4]. — Et la lettre commencée à Boulanger sur Cauterets avec sa copie.

Cauterets. Notes écrites en marchant. Copies. Les originaux sont dans le porte-feuille, mais au crayon et illisibles[5].

Le dos scié. Très important à lire et à consulter.

Incboata. N’a pas trait au voyage. Choses diverses. Quelques lignes de prose. Surtout des vers.


Au courant de cet album nous trouvons quelques ajoutés et quelques ratures, notamment dans les lettres de Bayonne 23 juillet, Saint-Sébastien, août. Pour la lettre datée de Pampelune les intercalations, sur papier pelure bleu-ciel, collées sur les pages de l’album, sont très importantes ; l’une d’elles datée 12 août comprend le texte de la page 379 de ce volume jusqu’à la page 382 ; une autre prend à partir des lignes où il est question des tombes de Marie de Flandre et de Charles le Téméraire (page 388) et se termine à la citation des Orientales (page 393).

Dans cette même lettre de Pampelune, entre deux feuillets, est collé un petit billet écrit par la belle batelière qui avait « passé » Victor Hugo :

[6]

Sur la même page, encadrés dans le texte et datés de Pasages 6 août, on lit ces vers :

Au bord des mers quand on sommeille,
La nuit, tout caresse
Tout caresse ou berce l’oreille ;


C’est le bruit du vent sur les flots ;
C’est le bruit des flots sur les grèves ;
On entend, à travers les rêves.
Les chants lointains des matelots.

Plus loin, la moitié d’un feuillet coupé nous donne ces

épitres de maglia.

J’ai lu je ne sais où, mais dans un très bon lieu,
Que l’homme fait ses dieux de tout, hormis de Dieu ;
J’ajoute ici que l’homme, ignorant sa richesse.
Met sa sagesse en tout, hormis dans la sagesse.




Que voulez-vous, mon cher ? je suis un drôle d’homme.
Monsieur Rolle m’ennuie et monsieur Jay m’assomme.
l’esprit banal, le civisme banal
Je hais Paris, forum, marché, tréteau, journal.
Et je fuis le Gymnase
Je fuis le Vaudeville et le National.
Je viens ici…



 
Je franchis gués, ruisseaux, rochers, ravins bourbeux.
Je vais au flanc des monts par le chemin des bœufs.



 
… Lorsque tombe la nuit,
L’homme met son manteau, la femme met sa mante.
La ville au loin s’emplit d’une rumeur charmante ;
On entend soupirer en de tendres ébats
Les guitares tout haut et les âmes tout bas.



 
Ce monsieur, pour parler en style diaphane.
S’appelle Théodore et rime avec un âne.


Nous trouvons, trois pages plus loin, une strophe datée de Saint-Sébastien, 30 juillet 1843 :

Et l’antique tilleul, sur cette antique église.
Comme pour l’embrasser, au souffle de la brise,
Penchait ses longs rameaux dorés par le ciel bleu,
Et j’avais le cœur plein de toutes les ivresses,
Car j’assistais, pensif, aux augustes caresses
Que la nature fait à Dieu.


Puis dans les dernières pages de l’album, des pensées ; en voici quelques-unes :

Vous qui m’aimez, je n’ai rien fait qui mérite votre amour. Nous qui me haïssez, je n’ai rien fait qui mérite votre haine. Aimez-moi, je vous le rendrai. Haïssez-moi, je ne vous le rendrai pas. L’âme qui pense et le ciel qui éclaire sont deux choses sereines. Que Dieu soit loué !


L’amour est le soleil ; la tendresse, la bonté, la douceur, la bienveillance, la cordialité, l’indulgence, la pitié, la charité, le dévouement, l’enthousiasme, la joie, sont les rayons.


Il y a deux façons de n’être d’aucun parti : comme les femmes et les enfants, parce qu’on n’en a examiné aucun ; comme les penseurs et les sages, parce qu’on les a examinés tous.


En espagnol aimer et vouloir, c’est le même mot : guérir.


La brute vit plus près de la nature ; l’homme vit plus près de Dieu.


Sauvez les apparences, le monde ne vous demande rien de plus ; c’est-à-dire n’en gâtez pas d’autres.


Puis après quelques phrases de dialogue pour une comédie projetée, des remarques sur l’étymologie des villes traversées :

Fontarabie vient-il de fuente a rabbia, fontaine qui guérit la rage, ou de fuente a raba, fontaine arabe, ou de fuente a rabbi, fontaine à rabbin à cause des ablutions qu’y faisaient les juifs ?

Auch vient-il d’Auguste qui l’affranchit et lui donna les privilèges romains, ou d’Auscia, nom du peuple dont elle était la capitale ?

Vicomte vient-il de vice-comes, ou de vici-comes. — on dit encore dans la vallée de Bagnères un vic pour désigner le chef-lieu de plusieurs villages. — Dans ce dernier cas, vicomte signifierait comte du bourg et aurait le même sens que burgrave.

Enfin, un quatrain local :

M. Viennet qui est de race noble et antique comme le prouve cette chanson locale :

Quand Richard Plantagenet
Voyait passer un Viennet,
Il lui ôtait son bonnet
Et l’appelait grand benêt.

Enfin 26 dessins, dont quelques-uns très importants, illustrent cet album ; nous les avons tous reproduits, soit dans le texte, soit dans l’album de gravures.

À la première page du second album de 1843, cette ligne, écrite de la main de Victor Hugo :

Deuxième album. — Acheté à Pau le 14 août.

Cet album comprenant 49 pages est, comme le précédent, paginé par lettres alphabétiques, ce qui permet de constater que beaucoup de feuillets ont été enlevés ; prenons un exemple : on compte trois séries de l’alphabet ; la dernière page est chiffrée F3 ; cependant on passe brusquement de la page U2 à E3, ce qui suppose huit pages coupées ; ces feuillets manquants vont amener des lacunes dans la liste suivante, écrite par Victor Hugo au verso de la page 1 :

Cet album contient beaucoup de choses commencées et beaucoup de notes. Il est important à feuilleter et à consulter. Il y a aussi plusieurs morceaux terminés.


table.

Arrivée de M. Michel à Cauterets : pages A, B[7].


Un commencement de lettre pour le voyage : page K.

Journal du voyage : La 2e lettre sur Pampelune, page O.

La cabane dans la montagne : page B2.

Le commencement de l’excursion à Gavarnie : pages J2, K2.

Notes pour achever la rédaction du voyage :

Espagne : verso de la page M2, page N2.

Entrée en Espagne (De Bayonne à St-Sébastien) (ceci doit être mis immédiatement après la 1re lettre de St-Sébastien, 1er album), pages R2, S2, T2.

Rentrée en Espagne par les Pyrénées (à faire[8], Aventure de Pampelune) :

pages M2, N2.


France :

De Bayonne à Pau : verso de la page T2.

De Pau à Cauterets : page U2.

Lac de Gaube. Gavarnie. Luz : verso de la page N2, pages O2, P2.

Tarbes, Auch, Périgueux, Angoulême, Saintes : pages P2, Q2.

L’île d’Oléron (rédigé) : pages M, N.


Vers :

Pièces entières : pages V2, C3.

Fragments : pages Z2, A3, B3.

Maglia : page D3.

Pensées çà et là : page F3.


On remarquera que, de la dernière division de la table, il ne reste dans l’album que la page F3 (Pensées çà et là) ; les autres pages ont été coupées et les vers ont dû être utilisés du vivant de Victor Hugo dans quelque recueil.

À la page C, portrait du muletier borgne, reproduit page 451 de cette édition ; quelques feuillets plus loin, un curieux croquis représente une tête de mort au pied d’un arbre. Quelques lignes commentent ce croquis :


C’était l’heure de la sieste. Il était midi, le soleil en plein triomphe resplendissait. La plaine immense et nue avait l’haleine d’une bouche de four. Il cherchait un arbre à l’ombre duquel il pût dormir et se reposer. Il rencontra un mancenillier.


Plus loin, une marine datée du 26 mai 1856. Hauteville. De ma fenêtre.

Ce sont, avec un petit croquis de Pampelune, publié page 382, les seuls dessins de cet album.

Voici le commencement de lettre annoncé dans la table à la page K :


Comment va Paris et qu’y faites-vous tous ? Voilà deux mois que je n’ai lu un journal et je ne sais rien si ce n’est que le soleil est éblouissant, le ciel bleu, la mer grande, la montagne admirable. Je sais tout de Dieu et rien de l’homme. Eh bien ! je vis.

Qu’en dites-vous ? N’ai-je pas l’essentiel ? Ne vaut-il pas mieux regarder les Pyrénées que les Chambres ? Un sapin penché sur une cascade n’est-il pas plus beau à voir que les lois qu’on fait ? L’océan que Dieu agite n’est-il pas plus grand que cette foule où se démènent tant d’intérêts, où surnagent si peu d’idées ? À tout prendre, je vis comme un loup, et je trouve cela bon.


En marge, au crayon, cette indication :


Lettre du 27 août à M. Alphonse.


Des dernières pages de l’album, nous détachons quelques pensées :


L’amour est un immense égoïsme qui a tous les désintéressements.


Chose étrange que la jalousie, qui est la maladie de l’amour, en soit aussi la condition !


Une réaction : barque qui remonte le courant, mais qui n’empêche pas le fleuve de descendre.


Ronces, épines, pierres, cailloux, escarpements, fondrières, inconvénients et conditions des grandes renommées. Ce qui ferait la laideur d’un jardin fait la beauté d’une montagne.


La première lueur du matin est lugubre comme le premier cri de l’enfant est douloureux. Mystère.


Notre vie ressemble à ce sombre tunnel de Londres au-dessus duquel coule la Tamise et vont et viennent les marées de l’Océan. Au-dessus de notre vie coule à pleins bords la destinée irréparable, agitée elle aussi par de mystérieuses marées qui viennent de Dieu. Prenez bien soin de la voûte ; à la moindre fissure, en un instant, avec la brusquerie formidable de l’éclair, le fleuve entre dans le tunnel et l’irréparable dans la vie.


Il faut passer peu de choses aux nouveaux domestiques et en passer beaucoup aux anciens.


Hautes et généreuses natures, si loin que vous soyez de l’homme à ces hauteurs qu’habitent les âmes sereines, quand l’œil du génie vous rencontre, réjouissez-vous, vous serez contemplées et comprises, et quand ce regard souverain tombe sur vous, êtres méchants, si petits que vous soyez, tremblez ! Vous aussi vous serez étudiés et traînés au grand jour. Les grands esprits ont ce don qu’ils appliquent avec la même puissance, pour les développer et les faire saillir, aux beautés et aux laideurs. Ils font également voir par leur faculté grossissante les mystères du rayonnement et les secrets de l’horrible. Ils sont télescopes aux astres et microscopes aux poux.


Les ergoteurs et les controversistes sont les culs-de-jatte de l’esprit humain marchant sur deux béquilles qu’ils appellent l’une le syllogisme, l’autre le dilemme.

Ces deux béquilles, voilà ce que la logique des écoles offre à la pensée après lui avoir coupé les deux ailes qu’elle a et qui se nomment l’imagination et la méditation.


Le malheur des poëtes est qu’ils ne vieillissent qu’à la surface. Leur cœur reste frais et rayonnant tandis que leur visage se ride et se ternit : ils souffrent alors, car ils continuent d’aimer comme à vingt ans la beauté qu’ils n’ont plus.

L’imagination est une jeunesse intérieure. Don fatal.


Il y a une façon de mal parler d’un homme, à laquelle on reconnaît tout de suite une femme dédaignée. S’attaquer aux endroits inavoués et sensibles, s’en prendre à certains traits de sa figure, à certains détails de sa toilette, à sa conversation, à son linge, à son odeur, lui prodiguer toutes les qualités qui sont laides et tous les vices qui sont ridicules, le déclarer ladre, pingre, avare et ennuyeux, rire des maîtresses qu’on lui prête et des dettes qu’on lui suppose, des gants qu’il porte et des largesses qu’il fait, ce sont là autant de manières de dire : il n’a pas voulu de moi. La grosse calomnie à coups de massue, c’est le passe-temps des bavards ; la calomnie à coups d’épingle, c’est la vengeance des femmes. Observateurs, mesurez toujours la grandeur de la haine à la petitesse de la calomnie.


L’art a pour résultat, lors même qu’il ne l’a pas pour objet apparent, l’amélioration de l’homme.

Un lien intime et réel, quoiqu’il échappe souvent aux esprits superficiels, mêle le beau d’un côté au vrai, de l’autre à l’honnête.

L’intelligence et le cœur sont deux régions sympathiques et parallèles ; l’une ne s’élargit pas sans que l’autre s’agrandisse ; l’une ne se hausse pas sans que l’autre s’élève.

Dans le domaine de l’art, il n’y a pas de lumière sans chaleur.

Les chefs-d’œuvre, parfois même sans que la volonté de leurs auteurs y ait part (ô infirmité du génie !), dégagent continuellement, mystérieusement, divinement, et répandent, pour ainsi dire, dans l’air autour d’eux une moralité pénétrante et saine.

Celui qui passe auprès d’eux et qui respire leur atmosphère s’en imprègne à son insu. Il n’a voulu que devenir plus intelligent ; il devient meilleur. Son éducation se fait de tous les côtés à la fois. La civilisation s’exhale de l’art comme le parfum de la fleur.


Le petit carnet n’est pas moins intéressant que les deux albums ; il ne quittait pas la poche de Victor Hugo, et durant tout le voyage de 1843, depuis le départ jusqu’au retour, ce petit cahier de papier bleuté ou rose pâle a reçu les premières impressions du voyageur. Telle ligne crayonnée en hâte contient en germe le récit rédigé sur l’un des albums décrits précédemment. Très peu du texte publié ; quelques notes qu’on a lues pages 357 et 416.

Les croquis publiés pages 358 et 406 représentant l’un un montagnard aragonais, l’autre un rocher de forme bizarre sont extraits de ce petit cahier ; voici un autre aspect de la montagne, ce n’est plus « le dogue qui aboie à la haute mer », mais à coup sûr c’est le mufle d’un animal fantastique.

Voici une maison de Cauterets ; sous les traits fins de la plume, on distingue encore sur l’original les contours au crayon.


Mais ce qui pousse à feuilleter ce carnet avec respect, presque avec religion, c’est une page datée du 12 septembre, jour où Victor Hugo apprit brusquement la catastrophe de Villequier ; le père restait poëte et, dans son accablement, dans son désespoir, sa pensée se manifeste dans la forme qui lui est naturelle, familière, on pourrait presque dire involontaire, il écrit ces vers :


12 septembre.
 
Je suis, lorsque je pense, un poëte, un esprit,
Mais, sitôt que je souffre, hélas ! je suis un homme.




N’ayant pu la sauver, il a voulu mourir.




Quand tu la contemplais, cette Seine si belle,
Rien ne te disait donc : ce sera ton tombeau ?




Henri, roi d’Angleterre,
Sur une « blanche nef » mit sa famille entière.
Et la nef s’abîma devant le roi Henri
Qui depuis ce jour-là n’a plus jamais souri.



 
Nous aimons nos enfants bien plus qu’ils ne nous aiment.


Pour établir la troisième partie de ce volume : Voyages et Excursions, nous n’avons pas feuilleté moins de quinze albums et carnets de voyage, de 1840 à 1871.


1840. — Album vert foncé, cartonné. Nous avons extrait de cet album, et groupé dans ce volume, plusieurs chapitres sur la Forêt Noire. — À part ces chapitres inédits, on y trouve beaucoup de notes et quelques passages utilisés dans le Rhin, une poésie publiée dans Toute la Lyre[9], quelques vers publiés dans Dernière Gerbe[10] et ces deux vers qui ont trouvé place dans les Burgraves :

Descends le long du Rhin, du lac jusqu’aux Sept-Monts,
Et compte les châteaux détruits sur les deux rives[11].

Quelques considérations historiques sur la comparaison de la guerre sous les Romains et sous Napoléon seront publiées ultérieurement sous le titre : Tas de pierres.

Les pensées, trop nombreuses pour être reproduites ici, feront l’objet d’un chapitre spécial dans le prochain volume de philosophie. Détachons seulement cette pensée ou ce vers qui a directement trait à ce volume :

Quel est le voyageur qui n’orne pas un peu ? Puis, des souvenirs d’enfance :

Moi, jeune enfant pensif,
Blond écolier déjà distrait par la nature,
Tandis qu’interrompant quelque grave lecture,
Le maître nous parlait, souvent, au jour tombant,
Par la croisée ouverte en face de mon banc,
Je regardais, rêvant dans l’ombre un barbarisme,
Le couchant rubanné des sept couleurs du prisme.




... Pendant que mes frères et les autres

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Jouaient dans le jardin ou sous le vieux rempart,

La Muse me tirait furtivement à part.




1844. — Les deux excursions à Nemours et à Montargis, publiées exclusivement dans la petite édition Hetzel-Quantin, sont extraites, ainsi que les deux dessins (château et église de Nemours, voir p. 557, 559), d’un album rouge en tête duquel on lit le récit des Funérailles de Napoléon[12]. Plusieurs pages blanches ; quelques-unes devaient contenir des dessins qu’on a découpés et enlevés : le carré de papier manque au milieu de la page. Parmi quelques vers publiés, ce Refrain du matelot :

J’aime mieux marcher sur les pieds des autres
Que sentir les vôtres
Marcher sur les miens.

Une très jolie ébauche au crayon du château de Gien, et quelques pensées inédites et qui seront publiées ultérieurement, complètent cet album.


1849. — Quelques pages pliées en deux et ne contenant, à part le texte que nous avons publié, que le relevé des dépenses faites au cours de cette petite excursion.


1859. — Petit album de poche en cuir noir. Outre la relation de l’excursion de Serk, ce petit album contient beaucoup de vers raturés des (Quatre vents de l’Esprit et de la Légende des siècles dont la première partie paraissait cette année-là, et une poésie publiée dans Dernière Gerbe[13] en retournant la page où cette poésie est écrite au crayon, nous voyons un petit Lapin dessiné au-dessus de la légende suivante :


8 h. 1/2. La Coupée. — Lapin qui est venu me regarder pendant que je faisais les vers qui sont de l’autre côté.


Quelques vers et quelques petits dessins ; çà et là, des feuilles séchées entre les pages.

1862. — À partir de 1862, Victor Hugo fait tous les ans, en été, un voyage de deux ou trois mois. Il emporte, pour ses comptes journaliers, un petit Fascicule d’un centaine de pages non reliées, qui tient dans sa poche ; c’est de ces fascicules que nous avons extrait les notes de voyage de 1862 à 1871. Il nous est fort difficile de donner, comme nous l’avons fait pour les albums, la description minutieuse de chaque cahier, il nous faudrait citer les dépenses, les prix d’hôtels, les remarques d’itinéraire, ce qui offrirait peu d’intérêt, ou anticiper sur l’historique des volumes à paraître quand nous trouverions soit un projet de traité, soit des variantes ou un brouillon relatifs à une œuvre non publiée encore dans cette édition. — Rappelons seulement que le carnet de voyage de 1862 contient la relation du banquet des Misérables offert à Victor Hugo par les éditeurs Lacroix et Werboeckowen[14].

D’un petit album de cuir noir nous avons extrait le dessin de l’abbaye d’Orval qui illustre la page 516.


1863. — En tête du carnet, copie d’une lettre encore inédite de Victor Hugo à Émile de Girardin ; les bases du traité pour William Shakespeare. Une page est consacrée au joli crayon reproduit en hors texte (page 561).

Au dernier feuillet cette pensée :

Ne faiblissons jamais. Soyons toujours honnêtes.

Nous devons compte de nous-mêmes aux autres, qui ont besoin d’être soutenus par la vertu visible. Les honnêtes gens donnant l’exemple de certaines déviations de l’âme intimident la conscience humaine à jamais.

Sur un petit album rouge, parmi des croquis, des dessins ébauchés, quelques réflexions et un sujet de comédie :

Architecture : — Le rococo sage, ce que je connais de plus bête au monde.


— C’était un vaste glouton, haut de taille, énorme d’appétit, tête de lion, boyaux de baleine, gueule égale au ventre, un preneur, un voleur, un violeur, un mangeur, un tueur, un rieur, — un seigneur.


Puis, à propos d’une comédie de Scribe, Valérie ou La jeune aveugle :


Entendu un bourgeois dire : — Valérie, c’est émotionnant ! Ce que ce Cribe m’a donné d’attaques de nerfs !


le vieux clélio.Comédie.

Je n’aurai plus jamais, c’est fini, soyons sage,
Cet enivrant bonheur de voir à mon passage

Une femme effeuiller une fleur dans ses doigts,
Et dans l’air de ma tête, et dans mon son de voix,
Dans mes gestes, mes chants, mes propos, dans la flamme
De mes yeux souriants et fiers, chercher mon âme.

(Il se trompe. Une femme est amoureuse de lui
Sujet de la comédie.)

Terminons les citations de ce petit album par quelques vers :

... ce champ vermeil
Où le coquelicot prend feu dans le soleil.


Vous creuserez un peu la pierre de ma tombe
Afin que l’oiseau vienne y boire l’eau du ciel.


C’est de cet album que sont extraits le croquis du Château de Douvres et la face béate du divin Bernardo (pages 505 et 510).


1864. — Le carnet de voyage de 1864, dont nous avons reproduit les croquis les plus intéressants, débute par ces vers sur le télégraphe :

On est dans le wagon ; on regarde, on écoute.
L’appareil électrique accompagne la route
Partout, dans les prés verts, dans le ravin obscur.
Ces longs cheveux de fer, alignés dans l’azur,
Font du ciel un papier de musique, et l’espace
Est plein d’une harmonie en tumulte, qui passe.
On entend des accords, des bruits ; d’où viennent-ils ?
Et les oiseaux, points noirs, perchés sur tous ces fils.
Sont les notes du chant mystérieux de l’ombre.


Un album spécial nous a fourni les trois dessins reproduits pages 565, 567 et 569.


1865. — Citons cette réflexion écrite entre deux notes de voyage :


J’ai sous les yeux le livre du marquis de Sade. C’est le dernier mot logique du matérialisme.


Sur une page du carnet est collé un article de journal donnant des détails sur les œuvres en train du poète : Les Chansons des rues et des bois, les Travailleurs de la mer, et annonçant que Victor Hugo, par raison de santé, habiterait six mois Bruxelles et six mois Guernesey.

Pendant le séjour à Bruxelles qui a précédé son voyage de 1865, Victor Hugo note un achat important ; il s’agit d’une collection de flambeaux représentant chacun un personnage des Misérables : Jean Valjean, Gavroche, Gillenormand, Jean Valjean garde national, Thénardier, Fauchelevent, Marius, Cosette, Javert, Fantine, Éponine. Le dernier flambeau représente Victor Hugo lui-même.

Plus loin le programme de la sérénade offerte par la société philharmonique de Vianden à Victor Hugo et le brouillon du remerciement du poète.


1867-1869. — Le même carnet contient la relation de trois étés : 1867, 1868, 1869.

C’est plus qu’un carnet de voyage, c’est là que, pendant son séjour à Bruxelles, Victor Hugo a noté, en 1868, les progrès de la maladie et la mort de sa femme, en un mot toutes ses impressions.

Ce carnet contient pour 1867 les photographies de l’hôtel de Middelburg, de différents monuments ; sous une fleur séchée on lit ces mots :


Fleur cueillie le 4 septembre sur le tombeau de ma fille envoyée par Auguste[15].


On sait que Charles Hugo fit, après le voyage de 1867, un livre intitulé : Victor Hugo en Zélande. Nous relevons, sur le carnet l’appréciation du père :


Charles nous a lu la fin du voyage en Zélande. Son travail est excellent et charmant.


Çà et là quelques vers de Mangeront-ils ?


En 1868, Victor Hugo ne fit d’autre voyage que celui de Bruxelles à Quiévrain où il accompagna jusqu’à la frontière le corps de sa femme.

En partant de Guernesey pour se rendre à Bruxelles, Victor Hugo note que son bateau a croisé un grand steamer dont il distingue le nom : La Esmeralda.

En arrivant à Bruxelles il colle sur son carnet la première photographie de son petit-fils Georges.

Victor Hugo avait invité à diner Jules Claretie et Georges Legrand qui étaient allés avec François-Victor excursionner à Anvers :


Victor, Claretie et Georges Legrand dînent à Anvers, et m’envoient cette dépêche :

Retenus à dîner par les beautés d’Anvers,
Nous t’envoyons, Hugo, nos excuses en vers.


Le poète part pour présider le Congrès de Lausanne et note les incidents du voyage :


13 septembre. — À partir de Fribourg la foule est sur le passage du tram, et m’attend. Cris : Vive Hugo ! Vive la République ! À Romond, ils entrent dans le wagon en foule, et me serrent la main. Un prêtre nous regarde de travers. Nous arrivons à Lausanne à 6 heures. La foule m’attend au débarcadère. Acclamations. Poignées de main à tous. Nous allons à l’hôtel des Alpes. On m’y présente les membres des comités, les notables, les pasteurs protestants.


14 septembre. — À deux heures, ouverture du Congrès. (Voir les détails et mon speech dans les journaux.)

15 septembre. — Deuxième séance du Congrès. Un excellent discours de Louis Mie.


18 septembre. — Clôture du Congrès de la Paix. J’ai fait le discours final.


Suit le récit du voyage que nous avons publié.


1871. — Les notes de voyage que nous avons reproduites occupent deux fascicules : Juin à septembre. — Septembre-octobre. En tête du premier, on lit :


Fascicule contenant tout mon séjour :

1° À Luxembourg ;

2° À Vianden ;

3° À Diekirch ;

4° À Altwies, près Mondorf.

Du 1er juin où j’ai quitté Bruxelles au 23 septembre où je suis reparti pour Paris.



Nous ne sommes plus, en 1871, en présence de carnets de voyage, nous avons sous les yeux une sorte de journal de l’intimité, nous en avons extrait les notes de voyage, d’autre part on en a lu des fragments dans Choses vues ; nous en continuerons la publication en temps opportun, dans l’historique des prochains volumes.

  1. Ces quatre pages manquent. Nous avons d’ailleurs retrouvé dans le manuscrit des Quatre Vents de l’Esprit un feuillet de cet album de 1843.
  2. La page Z est restée blanche ; le texte de la page jaune a été publié.
  3. Ce fragment sera publié ultérieurement dans un des volumes d’œuvres posthumes.
  4. On n’a pu retrouver que la copie de ces notes avec des ajoutés de la main de Victor Hugo.
  5. Ce sont ces originaux qui forment le petit carnet de poche (l’un des plus intéressants) dont nous avons parlé page 583.
  6. « Bon pour un baiser que je donnerai au seigneur qui me montrera ce papier
    Manuela Benturaz, la Catalane,
    batelière de Pasages
    neuf août mil huit cent quarante-trois. »
  7. Ce récit, non terminé, sera publié ultérieurement dans Choses vues.
  8. Cette partie du voyage n’a jamais été rédigée.
  9. La France, ô mes enfants, reine aux tours fleuronnées…
  10. Le jeune chevrier rit dans les monts antiques…
  11. Les Burgraves, acte I.
  12. Choses vues.
  13. La Consolatrice.
  14. Historique des Misérables, tome V.
  15. Vacquerie.