Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Taille

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Taille des arbres ; c’est la suppression des rameaux superflus & le raccourcissement de ceux qui sont nécessaires.

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TAILLE des arbres. La taille des arbres est contre nature. On ne taille pas les arbres des forêts, non plus que ceux des pleines campagnes & des vergers. Cependant ces derniers, parce qu'ils ne sont pas taillés, poussent prodigieusement, grossissent & s'allongent en peu de tems. Un seul d'entre eux porte plus de fruits qu'une douzaine des menus arbres qui sont taillés.

Au reste, voici ce que c'est que la taille des arbres. C'est la suppression des rameaux superflus & le raccourcissement de ceux qui sont nécessaires, & que l'on fait par les moyens d'un instrument tranchant ou de la scie à main. Mais la taille de tout arbre doit être faite avec prudence, avec sagesse, avec discernement. Tailler n'est point écourter les arbres, les mutiler, les inciser sans raison, les charpenter & les réduire presque à rien. Au lieu donc d'énerver les arbres & de les appauvrir en les destituant de presque tout leur bois, il faut simplement les décharger de ce qui fait confusion, & de ce qui peut nuira à leur figure régulière, mais toujours en secondant la nature.

Or, voici les principes que les maîtres de l’art ont posés relativement à la taille, des arbres à fruits.

L'arbre, considéra par rapport à la pousse d'une année, porte cinq fortes de branches, dont le jardinier convertit, pour la taille, les trois premières en mères branches, en membres & en crochets ; ce qui facilite ses opérations bien mieux que suivant l’ancienne méthode.

La taille est la perfection du jardinage : elle dépend beaucoup de l’intelligence & du coup-d’œil. Bien des gens coupent, mais peu savent tailler.

Le tems de la taille est depuis la fin de février jusqu'en avril : on peut encore, à la mi-avril tailler les pommiers.

Avant de se mettre à tailler un arbre, il faut en examiner les branches & leur vigueur, & dépalisser tout ce qui pourroit gêner la taille & l’extension des branches.

On dégage ensuite l'arbre de tous les bois morts, des branches ruinées, gangrenées, galeuses ; on abat toutes les mousses avec un couteau de bois, ou un couteau sans tranchant ; on


amène ensuite les branches qui doivent servir à remplir les vides, sans les forcer, ni les tordre, ni rien croiser.

On coupe tous les chicots, les argots, les onglets, qui sont les bouts desséchés des branches, restés de la taille précédente ; on les coupe jusqu'au vif avec la scie, de même que les branches qu'on veut abattre ; on repolit la plaie avec le couteau, & l’on met sur toutes les plaies de l’onguent.de Saint Fiacre, que l'on arrête par un linge, quand la plaie est un peu forte.

Il faut aussi enlever les chancres & les gommes sur les fruits à noyau, jusqu'au vif, nettoyer & ratisser de même les vieilles plaies, & recouvrir le tout de l’emplâtre ci-dessus.

Jamais un bon jardinier ne doit tailler qu'il n’ait fait d'abord ce que l’on vient de dire, à la réserve de l'onguent de St. Fiacre, qui ne s'applique qu'après la taille de l'arbre.

Ensuite on se met à tailler, en tenant la main gauche au-dessous du bouton, sur lequel on taille, quand on fait sa taille en-dessus ; & au-dessus du bouton, quand on fait sa taille en dessous, ce qui arrive rarement.

La taille, ou coupe, se fait en bec de flûte, sans être néanmoins trop allongée, c'est à-dire, qu'il faut que la coupe soit plus basse derrière l'œil que devant ; qu'elle soit au niveau de cet œil par derrière, & qu'elle le surpasse au plus d'une ligne pardevant.

Il faut que la coupe soit unie, sans rien faire éclater, & bien conserver l'écorce autour ; sinon, retailler plus bas.

On commence à tailler, par le bas, le côté le plus difficile ; les branches du bas ne doivent jamais être plus près de terre que de 6 pouces, au moins, pour pouvoir labourer facilement le pied de l'espalier.

On espace les branches le plus également qu'il est possible, à mesure que l’on taille, & on les pâlisse.

Quand on a fini un côté, on passe à l’autre, puis on revient au milieu, par où l’on finit.

On examine si toutes les branches sont bien placées, si aucune ne croise sur l’autre, & si elle n'y croisera point à la pousse prochaine, & on remédie à tous ces défauts. On examine aussi les endroits où il faut élever des branches de réserve, pour suppléer à celles qui ont quelques défauts, que l’on supprimera à la taille suivante, & qui seront, remplacées par celles de réserve ; on taille ces branches de réserve à un, deux, ou trois boutons au plus, pour qu’elle produise une belle gourmande.

En taillant, on ne touche point, généralement parlant, aux lambourdes ni aux brindilles, dans tous les fruits à pépin.

Quelquefois cependant, quand l’arbre manque de bois dans quelque place, on taille à un ou deux yeux, les lambourdes, & même les brindilles, pour les faire pousser en bois ; ce sont alors des branches de réserve.

S’il n’y a que des lambourdes sur les arbres à pépin, & qu’elles ne se mettent pas à fruit, on entaille légèrement quelques-unes à l’extrémité, ce qui les rend fructueuses.

Si l’arbre ne donne point de fruit, & qu’au contraire, il pousse beaucoup de faux-bois & de gourmandes, on pratique d’abord la taille longue sur un grand nombre de branches, pour dompter la seve, & l’obliger à travailler en fruit.

En second lieu, on pratique le cassement, qui est infaillible pour mettre un arbre à fruit ; mais il faut en user avec modération, pour ne pas ruiner un arbre tout d’un coup, & il faut se régler sur sa vigueur.

Le cassement se fait à la taille, ou bien à l’ébourgeonnement, en appuyant le taillant de la serpette ou du serpillon près des sous-yeux & de l’empâtement de la branche ou bourgeon, que l’on fait éclater avec le pouce.

On fait aussi éclater les faux-bois, gourmandes inutiles, & quelques-unes des branches chiffonnes les plus fortes.

En général, les faux-bois ou gourmandes veulent être taillés longs dans le corps de l’arbre ; lorsqu’on est obligé d’en laisser, pour remplacer quelques branches ruinées, leur taille doit être d’un pied, dix-huit pouces, & même plus, sauf à rabattre l’année suivante ; les gourmandes se choisissent sur les branches de réserve qu’on a ménagées l’année précédente, ou parmi celles qui ont poussé dans le cours de l’année.

Il faut laisser environ une demi-douzaine de gourmandes, des mieux nourries, sur chaque arbre, aux extrémités des mères-branches & des membres : on les taille depuis un pied jusqu’à trois, suivant la vigueur de l’arbre ; on rabat tout près de ces gourmandes, la partie des mères-branches & des membres qui sont au-dela de la naissance des gourmandes.

On taille des crochets, autant qu’on le peut, sur cette continuation des branches.

Celles des gourmandes ainsi taillées, qui se trouvent au haut de l’espalier, se palissent en les courbant, lorsque le mur n’a pas assez d’élévation, ou pour le mettre à fruit.

Cette courbure est encore un moyen de fructification pour les espaliers ; elle est prise des arbres à haut-vent, sur lesquels les branches les plus courbées sont les plus fructueuses.

Quand on veut conserver tous les boutons à fruit qui se trouvent sur une branche, on courbe cette branche en demi-cercle ou anse de panier, & l’on fixe cette coubure par l’osier, le jonc, ou autres liens.

À l’égard des branches à bois qui sont dans le corps de l’arbre, il faut les faire servir de branches-crochets ; ou si ces branches ont leur naissance à l’extrémité de ces dernières, on les taille suivant la vigueur de l’arbre, à un, deux ou trois yeux.

Si ces branches sont trop multipliées, on en abat de deux une, & ou les taille alternativement à un, deux, ou trois yeux.

On abat celles des branches-crochets qui sont usées, rabougries ou viciées, & qui ne donnent aucune apparence de porter du fruit.

On recepe toutes les branches chiffonnes, sans exception, à moins qu’on en casse quelqu’une des plus fortes, pour mettre l’arbre à fruit, s’il n’y est pas suffisamment.

On abat également toutes les gourmandes & branches à bois inutiles, mal placées, & dont on ne peut tirer aucun parti.

Le coup d’œil doit influer pour beaucoup sur toutes ces opérations ; c’est lui qui doit décider sur le plus ou le moins, sur le bel ordre & l’arrangement, & il fait éviter sa confusion & la multiplicité des branches, si préjudiciables aux arbres.

Il faut, sur-tout, prendre garde à la situation des boutons, & tailler sur ceux qui se trouvent de côté, autant qu’il est possible, afin que la pousse, qui en doit sortir, n’apporte aucune confusion.

Si l’arbre est jeune, il faut tailler long, pour dompter sa sève ; s’il est de moyen âge, on le taille médiocrement, suivant sa vigueur ; s’il est vieux, si les pousses sont chétives, on le taille très-court, & presque par-tout, à un œil ; on le taille même alors sur des branches chiffonnes, à défaut d’autres.

Règle générale : il ne faut point laisser trop de bois sur un arbre, & jamais n'en élever perpendiculairement sur la tige, & prendre toujours son bois sur des branches obliques.

Une autre règle, c'est de ne jamais croiser les branches ; il faut que l'œil puisse suivre, depuis la tige, la naissance de chaque branche, sans être arrêté.

Une autre règle générale, c'est que, plus un arbre jette de bois, plus il faut lui en laisser, pour dompter la sève, & l’amuser.

Mais, quand il est devenu sage, c'est-à-dire, quand il ne pousse pas trop en bois, on taille médiocrement.

Si un arbre.se porte plus d'un côté que de l’autre, on taille très-court le côté foible, pour renforcer la sève dans cette partie ; & l'autre, on le taille très-long, pour dompter la sève.

En général, on ne sauroit donner trop d'extension à un arbre en espalier.

Les arbres en contre-espaliers se taillent de même que ceux en espaliers, si ce n'est qu'on les taille sur les deux faces.

Les quenouilles se taillent, au pour-tour, comme un espalier, & l’on proportionne la taille à la figure qu'on veut leur donner.

A l’égard des buissons, il faut élever toutes les branches obliquement ; nulle ne doit être perpendiculaire ou verticale, mais toutes, latérales & obliques, c'est-à-dire, de côté.

Pour former un buisson, après que le jeune arbre a été planté comme on a dit, on choisit trois branches de côté, que l'on taille court, & au palissage, on donne aux pousses de l’année, la forme d'un gobelet, en les assujettissant d'abord au moyen d'un petit cerceau.

A la taille suivante, on suit cette direction, en observant de ne tailler que sur l'œil du dehors, & jamais sur celui de dedans, à moins que la branche ne s'écarte trop ; auquel cas, pour la remettre dans son rang, il faut tailler sur le bouton du dedans, ou de côté, suivant la direction dont cette branche a besoin.

C'est une erreur de croire que, pour former un buisson, & le couronner, comme on dit, il faille tailler également le haut ; ce couronnement ne paroît qu'à la taille, & disparoît à la pousse.

Il faut, au contraire, tailler long sur les branches les plus vigoureuses, & tailler court sur les fluettes : cette opération fait qu'à la pousse & à l’ébourgeonnement, les branches deviennent égales ; sinon on rabat les branches en mai, juin, juillet & août.


A l’égard des branches du pourtour, si quelqu’une se jette trop en dehors à l’ébourgeonnement, on la coupe près l'écorce, & on ne la casse jamais à moitié, comme font la plupart des jardiniers, pour rendre le feuillage égal ; on ne casse que quand on veut mettre à fruit, & de la façon ci-dessus dite.

Quand les arbres ont poussé, il ne faut pas attendre à l’année, suivante pour abattre les petites branches mortes, mais le faire le plus tôt possible.

De la taille du pêcher.

Les règles générales ci-dessus détaillées, ont aussi leur application pour le pêcher : ce que nous allons dire n'est que des exceptions particulières à cet arbre.

Quand, par succession de tems, les branches du pêcher sont trop haut montées, & que le bas se dégarnit, on rabat ces branches d'année en année, & on profite de celles qui poussent aux environs, & des gourmandes voisines, pour rapprocher la taille.

Le pêcher est celui de tous les arbres sur lequel on doit le plus ménager des branches de réserve.

A la taille du pêcher, on casse les lambourdes par le bout, sans cependant trop les rogner : on ne touche point aux brindilles.

Il faut bien remarquer d'où naissent ces brindilles & ces lambourdes, parce qu'on doit conserver la branche & ne point l'abartre, si elle est courte ; si elle est longue, ne la taillez que le moins possible, sinon le fruit avorteroit.

Si le pêcher s'est trop emporté par le haut, l’année précédente, on le rabaisse, en le taillant, sur celle des branches qui aura poussé de l’œil le plus bas, sur la taille précédente.

Si le pêcher, déjà vieux, pousse de bonnes branches du bas, on les ménage pour renouveller l'arbre, & on les taille long.

Les branches à fruit & les branches-crochers doivent être taillées ; les fortes, à cinq ou six yeux, & les foibles, depuis un jusqu'à trois.

Observez que le pêcher donne du fruit partout, & non pas seulement sur les lambourdes & les brindilles, mais le fruit est plus beau & plus assuré sur celles-ci. On ne doit tailler le pêcher qu'une seule fois, & ne point pincer & abattre les gourmandes, lors de leur pousse ; cela fait avorter les fruits : il faut les laisser croître, & les palisser jusqu'en juillet ; alors on les rabat à deux, trois ou quatre yeux, ou même à un bourgeon ; il en naît des branches-crochets qui seront à fruit l’année suivante.

S’ils sont trop forts, s’ils croissent considérablement tout-à-coup ; à la fin de mai, on rabat ces gourmandes jusqu’à la branche, ou rameau de côté, qu’ils ont poussé ; puis, dans le mois de juin, on les rabaisse à un ou deux bourgeons, ou crûtes latérales : puis, en juillet, on les rabat à un, deux, trois, ou quatre yeux : le tout avec la serpette ou le serpillon, & proportionnément à leur vigueur.

C’est sur les gourmandes qu’il faut asseoir sa taille annuelle, autant que l’arbre peut l’exiger, en leur donnant une charge, c’est-à-dire, une étendue proportionnée à leur vigueur, en les allongeant le plus qu’il est possible.

Il faut toujours se conformer à la règle de l’V déversé, qui a sur tout lieu pour le pêcher, & allonger toujours, le plus qu’il est possible, les mères-branches, sauf à rabattre & à concentrer l’année suivante, s’il se fait quelque vide.

Le pêcher se taille depuis le 15 mars jusqu’au mois d’avril ; mais il faut pourtant avoir égard à la rigueur de la saison ; car si l’hiver était encore trop rude, il faudroit différer.

(Elémens du Jardinage.)