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Esprit des lois (1777)/L18/C27

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CHAPITRE XXVII.

Continuation du même sujet.


On a vu que, chez les Germains, on n’alloit point à l’assemblée avant la majorité ; on étoit partie de la famille, & non pas de la république. Cela fit que les enfans de Clodomir, roi d’Orléans & conquérant de la Bourgogne, ne furent point déclarés rois ; parce que, dans l’âge tendre où ils étoient, ils ne pouvoient pas être présentés à l’assemblée. Ils n’étoient pas rois encore, mais ils devoient l’être lorsqu’ils seroient capables de porter les armes ; & cependant Clotilde leur aïeule gouvernoit l’état[1]. Leurs oncles Clotaire & Childebert les égorgerent, & partagerent leur royaume. Cet exemple fut cause que dans la suite les princes pupilles furent déclarés rois, d’abord après la mort de leurs peres. Ainsi le duc Gondovalde sauva Childebert II. de la cruauté de Chilpéric, & le fit déclarer roi[2] à l’âge de cinq ans.

Mais dans ce changement même, on suivit le premier esprit de la nation ; de sorte que les actes ne se passoient pas même au nom des rois pupilles. Aussi y eut-il chez les Francs une double administration ; l’une, qui regardoit la personne du roi pupille ; & l’autre, qui regardoit le royaume ; & dans les fiefs, il y eut une différence entre la tutelle & la baillie.


  1. Il paroît par Grégoire de Tours, liv. III. qu’elle choisit deux hommes de Bourgogne, qui étoit une conquête de Clodomir, pour les élever au siege de Tours, qui étoit aussi du royaume de Clodomir.
  2. Grégoire de Tours, liv. V. chap. I. Vix lustro ætatis uno jam peracto qui die dominicæ Natalis regnare cœpit.