Esprit des lois (1777)/L30/C9

La bibliothèque libre.
◄  Livre XXX
Chapitre VIII
Livre XXX Livre XXX
Chapitre X
  ►


CHAPITRE IX.

Juste application de la loi des Bourguignons & de celle des wisigoths sur le partage des terres.


Il faut considérer que ces partages ne furent point faits par un esprit tyrannique, mais dans l’idée de subvenir aux besoins mutuels des deux peuples qui devoient habiter le même pays.

La loi des Bourguignons veut que chaque Bourguignon soit reçu en qualité d’hôte chez un Romain. Cela est conforme aux mœurs des Germains, qui, au rapport de Tacite[1], étoient le peuple de la terre qui aimoit le plus à exercer l’hospitalité.

La loi veut que le Bourguignon ait les deux tiers des terres, & le tiers des serfs. Elle suivoit le génie des deux peuples, & se conformoit à la maniere dont ils se procuroient la subsistance. Le Bourguignon, qui faisoit paître des troupeaux, avoit besoin de beaucoup de terres, & de peu de serfs ; & le grand travail de la culture de la terre exigeoit que le Romain eût moins de glebe, & un plus grand nombre de serfs. Les bois étoient partagés par moitié, parce que les besoins à cet égard étoient les mêmes.

On voit, dans le code[2] des Bourguignons, que chaque barbare fut placé chez chaque Romain. Le partage ne fut donc pas général : mais le nombre des Romains qui donnerent le partage, fut égal à celui des Bourguignons qui le reçurent. Le Romain fut lésé le moins qu’il fut possible : le Bourguignon, guerrier, chasseur & pasteur, ne dédaignoit pas de prendre des friches ; le Romain gardoit les terres les plus propres à la culture ; les troupeaux du Bourguignon engraissoient le champ du Romain.


  1. De moribus German.
  2. Et dans celui des Wisigoths.