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Esprit des lois (1777)/L7/C7

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CHAPITRE VII.

Fatale conséquence du luxe à la Chine.


On voit dans l’histoire de la Chine, qu’elle a eu vingt-deux dynasties qui se sont succédées, c’est-à-dire, qu’elle a éprouvé vingt-deux révolutions générales, sans compter une infinité de particulieres. Les trois premieres dynasties durerent assez long-temps, parce qu’elles furent sagement gouvernées, & que l’empire étoit moins étendu qu’il ne le fut depuis. Mais on peut dire en général que toutes ces dynasties commencerent assez bien. La vertu, l’attention, la vigilance sont nécessaires à la Chine ; elles y étoient dans le commencement des dynasties, & elles manquoient à la fin. En effet, il étoit naturel que des empereurs nourris dans les fatigues de la guerre, qui parvenoient à faire descendre du trône une famille noyée dans les délices, conservassent la vertu qu’ils avoient éprouvée si utile, & craignissent les voluptés qu’ils avoient vues si funestes. Mais après ces trois ou quatre premiers princes, la corruption, le luxe, l’oisiveté, les délices, s’emparerent des successeurs ; ils s’enferment dans le palais, leur esprit s’affoiblit, leur vie s’accourcit, la famille décline ; les grands s’élevent, les eunuques s’accréditent, on ne met sur le trône que des enfans, le palais devient ennemi de l’empire, un peuple oisif qui l’habite ruine celui qui travaille, l’empereur est tué ou détruit par un usurpateur, qui fonde une famille, dont le troisieme ou quatrieme successeur va dans le même palais se renfermer encore.