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Esprit des lois (1777)/L8/C14

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CHAPITRE XIV.

Comment le plus petit changement dans la constitution, entraîne la ruine des principes.


Aristote nous parle de la république de Carthage, comme d’une république très-bien réglée. Polybe nous dit qu’à la seconde guerre punique[1] il y avoit à Carthage cet inconvénient, que le sénat avoit perdu presque toute son autorité. Tite-Live nous apprend que lorsqu’Annibal retourna à Carthage, il trouva que les magistrats & les principaux citoyens détournoient à leur profit les revenus publics, & abusoient de leur pouvoir. La vertu des magistrats tomba donc avec l’autorité du sénat ; tout coula du même principe.

On connoît les prodiges de la censure chez les Romains. Il y eut un temps où elle devint pesante ; mais on la soutint, parce qu’il y avoit plus de luxe que de corruption. Claudius l’affoiblit ; & par cet affoiblissement, la corruption devint encore plus grande que le luxe ; & la censure[2] s’abolit, pour ainsi dire, d’elle-même. Troublée, demandée, reprise, quittée, elle fut entiérement interrompue jusqu’au temps où elle devint inutile, je veux dire les regnes d’Auguste & de Claude.


  1. Environ cent ans après.
  2. Voyez Dion, liv. XXXVIII. la vie de Cicéron dans Plutarque : Cicéron à Atticus, liv. IV. lett. 10 & 15 : Asconius sur Cicéron De Divinatione.