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Esprit des lois (1777)/L8/C3

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CHAPITRE III.

De l’esprit d’égalité extrême.


Autant que le ciel est éloigné de la terre, autant le véritable esprit d’égalité l’est-il de l’esprit d’égalité extrême. Le premier ne consiste point à faire en sorte que tout le monde commande, ou que personne ne soit commandé ; mais à obéir & à commander à ses égaux. Il ne cherche pas à n’avoir point de maître, mais à n’avoir que ses égaux pour maîtres.

Dans l’état de nature les hommes naissent bien dans l’égalité : mais ils n’y sauroient rester. La société la leur fait perdre, & ils ne redeviennent égaux que par les lois.

Telle est la différence entre la démocratie réglée & celle qui ne l’est pas ; que dans la premiere, on n’est égal que comme citoyen ; & que dans l’autre, on est encore égal comme magistrat, comme sénateur, comme juge, comme pere, comme mari, comme maître.

La place naturelle de la vertu est auprès de la liberté : mais elle ne se trouve pas plus auprès de la liberté extrême, qu’auprès de la servitude.