Esprit des lois (1777)/L8/C7
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Continuation du même sujet.
Le principe de la monarchie se corrompt, lorsque les premieres dignités sont les marques de la premiere servitude, lorsqu’on ôte aux grands le respect des peuples, & qu’on les rend de vils instrumens du pouvoir arbitraire.
Il se corrompt encore plus, lorsque l’honneur a été mis en contradiction avec les honneurs, & que l’on peut être à la fois couvert d’infamie[1] & de dignités.
Il se corrompt lorsque le prince change sa justice en sévérité ; lorsqu’il met, comme les empereurs Romains, une tête de Méduse sur sa poitrine[2] lorsqu’il prend cet air menaçant & terrible que Commode faisoit donner à ses statues[3].
Le principe de la monarchie se corrompt, lorsque des ames singuliérement lâches, tirent vanité de la grandeur que pourroit avoir leur servitude ; & qu’elles croient que ce qui fait que l’on doit tout au prince, fait que l’on ne doit rien à sa patrie.
Mais, s’il est vrai (ce que l’on a vu dans tous les temps), qu’à mesure que le pouvoir du monarque devient immense, sa sureté diminue ; corrompre ce pouvoir, jusqu’à le faire changer de nature, n’est-ce pas un crime de lese-majesté contre lui ?
- ↑ Sous le regne de Tibere on éleva des statues & l’on donna les ornemens triomphaux aux délateurs ; ce qui avilit tellement ces honneurs, que ceux qui les avoient mérités les dédaignerent. Fragm. de dion, Liv. LVIII, tiré de l’extrait des vertus & des vices de Constant. Porphyrog. Voyez dans Tacite, comment Néron, sur la découverte & la punition d’une prétendue conjuration, donna à Petronius Turpilianus, à Nerva, à Tigellinus, les ornemens triomphaux. Annal. Liv. XIV. Voyez aussi comment les généraux dédaignerent de faire la guerre, parce qu’ils en méprisoient les honneurs, pervulgatis triumphi insignibus, Tacit. Annal. Liv. XIII.
- ↑ Dans cet état, le prince savoit bien quel étoit le principe de son gouvernement.
- ↑ Hérodien.