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Essais sur les principes des finances/Avertissement

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AVERTISSEMENT.


La machine des finances, telle que je la conçois, est une machine simple qu’on a inutilement compliquée, faute de la bien connoître. En me bornant à l’envisager du côté des principes, je n’avois donc que la matiere d’un fort petit ouvrage.

D’ailleurs, quiconque a, sur les différentes branches dont est composée la finance, quelques notions un peu justes, n’aura pas de peine à se convaincre, que de toutes les parties de l’administration, c’est celle qui fournit le plus à l’action & le moins aux préceptes.

D’un principe posé, je n’ai tiré, ni toutes les conséquences possibles, ni toutes les conséquences intermédiaire qui lioient la mienne à ce principe. J’ai fait ce qu’on est forcé de faire, quand on remonte à la nature des choses, pour fonder des régles générales par une suite de raisonnemens enchaînés de près les uns aux autres : j’ai donné moins à lire qu’à penser.

On verra que mon but a été de perfectionner des plans connus, & non de créer des systèmes.

Que dans les matieres de pure spéculation, la théorie s’exerce à produire d’ingénieuses nouveautés, ses écarts mêmes peuvent servir indirectement à hâter les progrès de l’esprit humain vers les connoissances utiles. Mais en fait d’administration, tout doit se plier aux loix de la pratique, qui ne veut que des plans, & rejette ce qui ne peut s’assujettir à la marche ordinaire de ses opérations.

Le systême de finance le mieux imaginé, n’est donc en soi qu’une belle chimère ; s’il n’est étayé d’un plan démontré praticable en tout point, jamais Ministre sage n’osera le risquer. Tout systême sans plan doit être à ses yeux, ce qu’est à ceux du calculateur exact, résultat d’une addition composée. Ce résultat peut être bon, mais il ne l’admet comme tel, qu’après avoir vérifié par la soustraction la justesse de son premier calcul.

À l’égard du style, j’ai tâché de l’assortir à la gravité du sujet ; je n’ai sacrifié le mérite d’être précis, que quand il a fallu chercher le mérite encore plus grand d’être clair.

Je crois n’avoir dit que très-peu de choses neuves : mais si des vérités déja connues tirent de nouveaux degrés de force & de lumiere, soit de l’ordre dans lequel je les rassemble, soit des applications que j’en fais ; si en convenant de la justesse des principes en eux-mêmes, les Lecteurs éclairés & sans passions, (les seuls pour qui j’écris) découvrent encore dans les conséquences exprimées ou sous-entendues qui en dérivent, la réponse à toutes les objections que je n’aurois pû me faire, sans sortir des bornes que je m’étois prescrites ; l’ouvrage aura rempli mes vues & passé de beaucoup mes espérances.